Tu quoque Matteo ?

 

Une fois n’est pas coutume j’aimerais sortir du cadre valdo-fédéral dans lequel se placent généralement les billets de ce blog, afin de résumer et commenter ce qu’il se passe de l’autre côté des Alpes, où les gouvernements se suivent à une vitesse presque comparable à celle des entraineurs du FC Sion…

Commençons par un bref résumé des épisodes précédents :

Les élections de février 2013 ont – système proportionnel et loi électorale mal fichue  obligent – donné naissance à un parlement sans majorité, avec néanmoins une légère avance pour le centre-gauche.  

Après d’âpres négociations, un gouvernement de coalition centre-gauche/centre-droite a vu le jour en avril, reléguant à l’opposition les alliés traditionnels des deux pôles, comme la Lega (droite populiste) et SEL (Extrême-gauche avec un certain penchant pour les causes environnementales) ainsi que le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, grande surprise des élections avec son score de plus de 20%.

Happy end donc ? Eh bien non, car ce gouvernement n’aura pas tenu une année, fauché il y a quelques jours par l’ambition débordante de Matteo Renzi, Maire de Florence et depuis peu Secrétaire (l’équivalent suisse d’un Président) du Parti Démocrate, principale formation de centre-gauche.

Renzi – qui fait depuis des années la une de journaux pour ses propos critiques vis-à-vis de la classe politique et plus particulièrement des caciques de son parti, qu’il rêvait de « rottamare », ou « mettre à la casse » – a réussi son pari.

Il a rallié à lui une forte majorité des députés de sa formation, et plus particulièrement l’aile centriste, et a poussé à la démission Enrico Letta, Premier Ministre également membre de son parti. Pour ce faire, il a prétexté le besoin urgent (et avéré) de réformes pour un pays en récession depuis près de 3 ans, réformes qui nécessitaient une nouvelle équipe gouvernante.

Aussitôt dit, aussitôt fait, Renzi a obtenu la charge de la part du Président de la République de former un nouveau gouvernement, qu’il vient de présenter.

À prime abord, que du bon : Une équipe jeune (9 ministres sur 18 ont moins de 50 ans, 4, y compris Renzi, moins de 40) et mixte (parité parfaite hommes-femmes, avec des ministères importants tels que la santé, la défense et l’instruction en mains féminines) réunissant des partis capables de former une coalition gouvernementale stable.

Pourtant, quand on y regarde de plus près, c’est l’étonnement, voire la consternation qui prennent le relais. À part quelques ministres expérimentés, la nouvelle équipe est composée de novices – ce qui est normal me direz-vous s’il s’agit de « jeunes » – n’ayant souvent pas de compétences spécifiques dans leur nouveau domaine d’activités.

Le cas du nouveau ministre de l’environnement est à cet égard frappant : Gian Luca Galletti, 52 ans, membre du parti centriste (et presque disparu du panorama politique aux dernières élections) UDC (rien à voir avec nos agrairiens, je vous rassure). Un diplôme en économie d’entreprise, un passé de conseiller communal à Bologne et quelques années au parlement national sans siéger dans aucune commission touchant de près ou de loin à l’écologie. Aucune compétence particulière en matière d’environnement, aucun intérêt démontré pour ces thématiques (sur la soixantaine d’objets parlementaires qu’il a signés ou co-signés depuis 2008, un seul a trait à l’environnement).

C’est un exemple, il y en a malheureusement bien d’autres.

Qu’on se comprenne bien : je ne suis pas favorable à un gouvernement de technocrates experts en leur domaine d’activité. Il y a cependant des limites, et un minimum d’intérêt et de connaissances sur son nouveau domaine d’activités semblent un pré-requis indispensable pour la mise en place de politiques ambitieuses et efficaces.

Si l’on ajoute à cela la manière fort peu cavalière dont nombre d’anciens ministres ont été congédiés (plusieurs, dont la très populaire ministre des affaires étrangères Emma Bonino, ont appris leur révocation en lisant le journal, personne n’ayant daigné les prévenir) et les animosités que cela a créé à gauche comme à droite, ainsi que l’opposition féroce des partis hors coalition auquel sera confronté le nouveau gouvernement, on peut se demander qu’elle sera sa durée de vie…

Les défis à relever pour Renzi et son équipe sont nombreux. Il y a la révision du système électoral, demandée par tous les partis, mais avec des exigences diamétralement opposées. Il y a la réforme du marché du travail, avec comme but principal de réduire le chômage, notamment chez les jeunes. Il y a également le chantier de la refonte du système d’imposition et de la lutte contre l’évasion fiscale.

Ces défis sont les mêmes que ceux qu’Enrico Letta avait promis de relever avec succès en avril 2013. 10 mois plus tard, le voilà démis de ses fonctions avec un bilan pour le moins maigre… Matteo Renzi saura-t-il réussir là où son prédécesseur a échoué ? Rien n’est moins sûr.

Ce que l’on sait, c’est que Silvio Berlusconi a dit se préparer à un vote dans une année. Et s’il est une chose que l’on ne peut lui reprocher, c’est de manquer de flair politique…

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