Point Godwin atteint

 

Il y a quelques jours, un parlementaire romand publiait sur son blog hébergé par un célèbre hebdomadaire de la place un article dans lequel il relate une discussion qu’il aurait eu avec un fonctionnaire fédéral.

Les propos peuvent être résumés de la sorte : L’UDC est en train de se transformer en parti fasciste, et si cela continue, la Suisse deviendra dans quelques années une dictature, dominée par un “führer” (le terme est vraiment utilisé dans l’article) qui imposera ses idées à un peuple soumis.

Alors bon, j’ai beau ne pas spécialement aimer les méthodes de l’UDC, notamment dans les campagnes électorales et les votations, et n’être d’accord avec à peu près aucun point de leur programme électoral fédéral(qui nie le réchauffement climatique, soutient à fond le nucléaire, prône un repli identitaire et le tout à la bagnole), mais je pense qu’il faut quand même pas déconner !

L’UDC est un parti politique tout autant attaché à notre système démocratique que les autres partis représentés dans les parlements cantonaux et fédéral.

S’il a joué sur les peurs et les frustrations d’une partie de la population de notre pays, via des campagnes électorales au goût pour le moins douteux et aux propos parfois choquants , il n’a jamais franchi les limites imposées par la Constitution, auquel il est je crois pouvoir dire tout autant attaché que les autres forces politiques.

Par respect pour celles et ceux qui ont vécu ou vivent dans des systèmes totalitaires, des termes tels que “fasciste”, “caudillo”, “Führer”, “Conducator” etc. devraient être employés avec retenue, uniquement quand cela est nécessaire.

L’UDC n’a jamais dépassé la barre des 30% de voix au niveau fédéral, et rien ne porte à croire qu’il le fera un jour, vu que son potentiel électoral est estimé à maximum 40% de l’électorat (personnes qui votent ou qui pourraient envisager voter pour ce parti). Les échecs à répétition de l’ancien parti agrarien dans les élections à la majoritaire (que ce soit pour le Conseil des États ou dans des exécutifs communaux ou cantonaux) montrent par ailleurs que le parti crispe fortement une majorité des électrices et électeurs.

Il semble dès lors assez peu probable de voir une dictature s’installer par la voie des urnes… Et quand bien même l’UDC obtenait plus de 50% des voix, il ne s’agirait pas forcément du début d’une longue période de dictature. Dans de nombreux pays démocratiques le système électoral octroie une majorité de sièges à un seul parti, sans que cela n’amène au despotisme et à la répression des autres forces politiques.

La confrontation avec l’UDC doit avoir lieu – comme pour tout autre parti politique –  sur le terrain des idées, lors de débats, dans les parlements, les médias,  à l’occasion de campagnes électorales ou de votations, comme cela se fait dans une démocratie parlementaire.

Crier “vous gagnez et faites progresser vos idées parce que vous êtes de méchants fachos” ne va pas de nous mener bien loin, et risque au contraire de susciter une vague de sympathie pour un parti qui adore par ailleurs jouer les martyrs…

 

2 réflexions au sujet de « Point Godwin atteint »

  1. J’ai craqué, j’avais écris ça il y a longtemps, je l’ai retrouvé, je le mets quand même maintenant… Je suis plus exactement d’accord avec tout ce que j’avais écrit, mais ouvert à la discussion et au débat! ^^

    Il me semble que nous pouvons dégager deux niveaux d’analyse et de discussion concernant le sujet des liens entre fascisme et udc. D’une part, savoir si effectivement l’UDC peut être comparée à une entité fasciste, réflexion qui nécessite de s’entendre sur une définition commune du terme. D’autre part, savoir quelle posture politique et militante adopter face à ce parti et à leurs propositions politiques diverses et variées (tant au niveau de la forme que du contenu).

    Selon le Dictionnaire historique de la Suisse, le fascisme peut être considéré, après avoir été le mouvement politique italien que nous connaissons, comme une doctrine « “antiparti” prônant la “doctrine de l’action”, et se manifestant par la violence de son engagement contre les organisations du mouvement ouvrier. Il est dors et déjà clair que le fascisme se rapport à un mouvement politique fondé sur l’action, sur le combat politique (parfois violent) face à toute doctrine qui se rapproche du « mouvement ouvrier », communiste ou du socialiste.

    L’encyclopédie Universalis va, quant à elle un peu plus loin. Elle énumère les témoignages plus récents de la doctrine fasciste dans les systèmes politiques. Il peut être intéressant de faire une comparaison (néanmoins trop rapide et arbitraire) des principes qui régissent généralement le fascisme avec le cas UDC. « Nationalisme, militarisme, culte du travail (…), souci affiché de promouvoir les réalisations « sociales » (…), volonté de « former » la jeunesse, superstition de la collectivité symbolisée par des manifestations de masse, domination d’un parti unique, admiration inconditionnelle vouée au chef national (qui a pensé Blocher ?), etc ». S’il est clair que l’UDC ne se rapport de loin pas à toutes ces caractéristiques, cette description est néanmoins parfois troublante.

    Les doctrines fascistes se définissent, toujours selon l’encyclopédie Universalis, par la condamnation des institutions et des usages de la démocratie parlementaire. Le fascisme – et il semble que se soit ici la caractéristique la plus comparable d’une manière générale à la doctrine de l’UDC – apparaît ainsi comme un refus systématique de l’ordre politique, économique et social, instauré par le nouvel ordre de la mondialisation. Notons ici néanmoins que la doctrine de l’UDC est loin d’être homogène : ses dirigeants créateurs de sa doctrine (ses intellectuels organiques comme les nommerait Gramsci) ne sont de loin pas un groupe homogène et sont constitués de personnages mêlant nationalisme, protectionnisme et libéralisme, ce qui donne parfois des positions quelque peu éclatées et a-cohérentes. De plus, ce que pensent et élaborent ces chefs du parti doit être encore bien en adéquation parfaite avec la masse hétérogène d’opinions que constitue sa base.

    Néanmoins, il semble quand même que les forces contraignantes – imposées par le haut – soient assez puissantes pour imposer dans toute la Suisse ces quelques traits communs qui se rapprochent dangereusement des doctrines fascistes : exaltation, et souvent sacralisation de la valeur nationale considérée comme la valeur suprême dans l’ordre politique ; volonté d’instaurer un État fort, faisant prévaloir son autorité sur les droits et sur les libertés des personnes ; culte du chef, de l’homme providentiel, du sauveur, incarnation de la collectivité tout entière et ayant pour mission de guider son destin ; exaltation d’un certain nombre de valeurs affectives et morales, mise en avant des valeurs de l’héroïsme guerrier, de la discipline, de l’obéissance, de l’abnégation, mais aussi glorification de la volonté de lutte, de l’énergie, et de la force, de les vertus de fidélité, de camaraderie et de solidarité qui sont celles du combattant ; etc.

    Il semble donc qu’une telle proximité existe bien et peut être considérée, sans forcément comparer un racisme qui serait le même au sein de l’UDC et au sein des régimes fascistes, mais plutôt en mettant en avant une idéologie plus profonde et plus violente, une manière de faire de la politique et de gérer une communauté ou un parti, et une manière de percevoir l’Etat au travers un nationalisme exacerbé et devant répondre à la plupart des problèmes de la société.

    Mais il faut noter ici deux bémols considérables qui fondent deux contradictions assez profondes et difficilement saisissables de l’UDC et au regard de ce que j’exprime plus haut. D’une part, les doctrines fascistes se définissent par un rejet assez fort des principes du libéralisme traditionnel, et sur ce point il est difficile de comparer à ce principe (et pour ce qui concerne la sphère économique) les ténors de l’UDC qui se définissent même parfois plus par un ultra-libéralisme que par un libéralisme économique. D’autre part, cette exacerbation de l’Etat et cette tradition de culte du chef, de l’homme providentiel prennent en Suisse une configuration parfaitement spéciale, puisque le chef c’est le « peuple », ce qui a pour conséquence la sacralisation du système démocratique populaire fédéral pour tout et contre tout (donc contre le droit international, les droits fondamentaux, etc).

    Il semble enfin et pour conclure, qu’il soit sur cette question finalement plus fondamental de différencier le parti et les membres du parti. En effet, si cette comparaison peut s’appliquer à certains ténors du parti et probablement aussi à une bonne partie de sa base, il est clair que de nombreuses personnes ne peuvent souffrir d’une telle comparaison. De plus, il est clair que la section vaudoise n’a que très peu à voir avec la section zurichoise et libérale qui n’a elle que très peu à voir avec la section appenzeloise. Les fondements idéologiques d’un Parmelin et d’un Freysinger doivent être à peu prêt aussi proche que celles qu’un Berset et d’un Maillard ! Il s’agit donc d’être vigilent, réfléchi, de ne pas crier trop vite au loup, mais d’oser tout de même certains rapprochements nécessaires lorsque celles-ci s’imposent.

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