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La dictature romande

Comme bien souvent lorsqu’il est question de votations, la carte de synthèse du vote sur l’achat des Gripen montre une Suisse plutôt divisée. Les cantons de Suisse Alémanique, à l’exception de Berne, Zurich, Schaffhouse et des deux Bâle ont voté majoritairement OUI, alors que le NON s’est imposé en Suisse Romande et au Tessin.

Une occasion de plus pour râler et se plaindre du  RöstiGraben qui, votation après votation, voit les romands minorisés sur toutes sortes de décisions ?

Et bien non, puisque cette fois c’est l’inverse qui s’est produit. Malgré un vote favorable d’une majorité de cantons, c’est le NON qui s’est imposé.

Le vote en faveur du NON a en effet été massif en Suisse Romande (74% dans le Jura, 69% à Neuchâtel, 65% dans le canton de Vaud etc.) alors que le OUI a été plus timide en Suisse Allemande, avec par exemple 52% en Argovie ou 50,7% dans les Grisons. Seuls les petits cantons de Suisse Centrale (Uri, Glaris etc.) ont passé la barre des 60% de OUI.

Le NON romand a donc débordé le OUI pâlot alémanique.

Prenons un exemple : Les  71’632 OUI excédentaires vaudois ( obtenus en soustrayant les votes négatifs au total des votes positifs enregistrés dans le canton) permettent de couvrir les NON excédentaires enregistrés à St-Gall (où le NON est en tête d’environ 7000 voix), dans les Grisons (écart de moins de 1000 voix entre le OUI et le NON) à Uri (écart de 3500 voix environ) ou encore d’Argovie (8’000 voix d’écart environ).

C’est plutôt rare, mais l'”imposition” d’une décision en votation par la Suisse Romande (dans ce cas aidée par quelques appuis de l’autre côté de la Sarine) à la Suisse Alémanique est aussi possible.

À noter que ce type de résultats se vérifie plus difficilement dans le cadre d’une initiative fédérale, puisqu’il faut dans ce cas obtenir la double majorité du peuple et des cantons, et là la voix d’un uranais a tout à coup bien plus de poids…

Les patates de la colère

 

En ces temps de campagne sur le salaire minimum, on parle beaucoup des coûts importants supportés par l’agriculture suisse, et donc ses difficultés à faire face à la concurrence internationale.

Il est effectivement vrai que l’on importe de plus en plus de denrées agricoles que l’on pourrait très bien produire en Suisse (céréales, fruits et légumes, œufs, viande), au détriment de nos paysans, dont le nombre diminue ne cesse de diminuer (plus de 1000 exploitations ont fermé leurs portes rien qu’entre 2011 et 2012).

Il urge donc de venir plus efficacement en aide à nos agriculteurs, dont le travail indispensable n’est souvent pas assez reconnu et soutenu.

Or est-ce vraiment en agissant sur les coûts de production que l’on va sauver ce qui peut encore l’être ?

Rien n’est moins sûr! La taille d’une exploitation moyenne en Suisse est d’un peu plus de 20 hectares  , contre par exemple plus de 55 hectares en France  ou 175 hectares aux Etats Unis , avec toutes les économies d’échelle que cela engendre. Le coût de la main d’oeuvre (parfois exploitée éhontément) et des normes souvent moins strictes en matière de qualité et de protection de l’environnement finissent de rendre les coûts de production agricole de la plupart des pays commerçant avec la Suisse bien plus bas que les nôtres.

Vouloir à tout prix rester compétitifs dans ce domaine voudrait dire baisser drastiquement nos exigences de qualité, voir nos cours d’eau et notre air moins propres, nos sols plus pollués, et nos agriculteurs pas plus riches. Le tout, sans forcément réussir à égaler les prix pratiqués par nos voisins européens.

Et si on prenait le problème autrement, et qu’on se disait que nos paysans n’ont pas à subir cette concurrence déloyale ? Pourquoi ne pas exiger des produits que nous importons les mêmes standards de qualité et de respect de l’environnement  que nous imposons aux producteurs suisses ?

C’est justement ce que proposent les Verts suisses avec l’initiative ” Pour des denrées alimentaires de qualité”, dont la récolte de signatures devrait débuter dans quelques semaines.

Très concrètement, l’initiative aura des répercussions sur 5 grands domaines :

  1. bien-être des animaux : les prescriptions suisses en matière de protection des animaux doivent également s’appliquer aux produits importés, qui ne pourront plus provenir d’élevages intensifs.
  2. protection de l’environnement : l’initiative demande une amélioration des standards en vigueur, une production économe en ressources et occasionnant peu de transport.
  3. qualité des produits : les denrées alimentaires doivent être plus naturelles et plus saines, ce qui implique notamment de produire les composants des aliments transformés de manière écologique et dans le respect des animaux.
  4. proximité consommateur-producteur : l’initiative entend renforcer la commercialisation et la transformation de produits régionaux.
  5. conditions de travail équitables : l’initiative vise à encourager le commerce équitable.

Avec cette initiative, sur laquelle vous trouverez plus d’infos ici, c’est un paradigme qui change. Plutôt que de faire de la moins bonne qualité pour moins cher, essayons de garder sur nos tables des produits de proximité et de bonne qualité.

C’est à mon sens là que se trouve une bonne partie de la solution pour une agriculture suisse permettant aux producteurs de vivre dignement de leur travail et de payer convenablement leurs employés.

Des francs et des larmes

 

Il n’est pas rare de lire dans la presse les résultats de telle ou telle étude chiffrant les coûts de telle ou telle pathologie ou comportement problématique.

Ainsi en juin 2010 les médias relayaient une étude qui présentait les coûts des maux de dos pour l’économie, alors que plus récemment c’était au tour des violences conjugales d’être quantifiées monétairement.

J’avoue que cette manière de faire m’a toujours particulièrement choqué.

Si la scoliose ou les dépressions contribuaient à faire progresser notre PIB et la productivité des entreprises, devrait-on s’en réjouir ?

En cherchant à mettre de la sorte des chiffres sur la douleur humaine, on finit par la dénaturer, et on oublie que derrière ces millions de francs perdus par l’économie il y a des milliers de personnes qui souffrent.

On ne devrait ainsi pas agir contre le mal de dos parce qu’il engendre des frais pour les entreprises, mais parce qu’il fait souffrir et handicape des travailleurs et travailleuses.

Et il ne convient pas d’investir dans la prévention contre l’obésité par celle-ci est responsable de plusieurs milliards de coûts par année, mais pour garantir aux personnes susceptibles d’en être atteintes de meilleures conditions de vie.

On me dira qu’il est plus facile de parler en termes de francs, qui sont une unité objective et tangible, qu’en termes de sentiments ou de douleur physique, notions plus difficiles à définir et estimer.

Certes, mais n’oublions pas que l’objectif de ces politiques doit rester l’amélioration de la qualité de vie, et non l’efficacité économique.

ça semble logique, mais on dirait que certains l’oublient parfois…

 

 

Condamnés à décroitre ?

En cet énième dimanche de défaite électorale pour les Verts, qui d’après les estimations s’apprêtent à perdre 8 sièges au Grand Conseil genevois, je m’interroge à chaud sur les raisons d’un tel recul.

Le résultat du bout du Lac n’est en effet que le dernier d’une série malheureusement plutôt longue, qui a débuté le 23 octobre 2011, avec la perte de 5 sièges au parlement fédéral, et s’est poursuivie ces deux dernières années avec des défaites notamment dans le canton de Vaud ( – 5 sièges au Grand Conseil en mars 2012), en Valais et à Neuchâtel, mais aussi en Suisse Allemande.

Que s’est-il passé depuis la fin des années 2000, où les Verts remportaient victoire sur victoire, augmentant sans cesse leur présence dans les parlements et exécutifs communaux et cantonaux, tout comme au Palais Fédéral ?

Bien malin est celui qui peut y répondre avec certitude, même si plusieurs facteurs sont souvent énoncés :

– L’arrivée des Vert’Libéraux tout d’abord, qui auraient capté la partie plus centriste de l’électorat des Verts.

– Un intérêt moins marqué des électeurs et électrices pour les sujets en lien avec l’écologie.

– La reprise de ces thèmes en lien avec l’écologie par les autres partis, qui auraient aujourd’hui des réponses tout aussi convaincantes que les Verts en la matière.

Un simple calcul arithmétique permet de comprendre que l’arrivée de nouveaux partis sur la scène politique réduit inévitablement l’électorat de ceux déjà présents, le “gâteau” électoral devant être partagé entre d’avantage d’acteurs. Et que les Vert’Libéraux piquent des voix plutôt aux Verts et au PLR qu’à l’UDC n’est un secret pour personne.

De même, un survol des programmes électoraux des partis de gauche comme de centre droit semble montrer qu’aujourd’hui tout le monde trouve le développement durable et la protection de l’environnement in-dis-pen-sable.

Alors condamnés à disparaître les Verts ?Hello NO aurai-je envie de dire !
Car toutes celles et ceux qui se réjouissent ici et là de manière plus ou moins cachée de la perte de vitesse des Verts, expliquant que “l’écologie est l’affaire de tout le monde” ou que les Verts sont de dangereux extrémistes ou tout au plus de doux rêveurs oublient que :

– Les résultats électoraux des Verts ces 30 dernières années ont toujours été en dents de scie, avec des phases ascendantes suivies de reculs.

– Les Verts restent bien présents dans de très nombreux parlements et exécutifs, où ils effectuent un travail de qualité.

– La conquête du pouvoir n’est pas un objectif des Verts, pour qui l’avancée de la cause environnementale est le seul but à long terme. Perdre des sièges n’est donc pas une fatalité, même si cela peut rendre les choses plus difficiles.

Et surtout, les idées vertes ont encore de beaux jours devant elles !

L’environnement a plus que jamais besoin d’être protégé, alors que le réchauffement climatique et l’épuisement de certaines ressources commencent à montrer qu’une croissance infinie dans un monde fini relève de l’impossibilité pure et simple.

La présence des Verts dans la panorama politique suisse et européen n’est donc pas arrivée à son terme, même si le nombre d’élu-e-s du parti continuera peut-être à diminuer ces prochaines années.

Cette certitude d’avoir encore un rôle à jouer et des idées à défendre ne doit pas vouloir dire renoncer à toute autocritique ou réflexion sur l’avenir. Il est essentiel d’écouter les électeurs, et donc les citoyennes et citoyens.

Ces démarches ont commencé un peu partout, et redonnent au mouvement un beau dynamisme.

Il ne faut par contre pas sombrer dans la panique et l’hystérie du changement. Ce qui a fait le succès des Verts il y a quelques années est toujours là, et le monde de communiquer ou de se comporter des Verts aujourd’hui n’est pas très différent de celui de 2007 ou 2009, quand ils étaient vus comme “The parti à la mode”.

La science politique nous apprend qu’il est très difficile de comprendre le pourquoi du comment des comportements électoraux.

Plutôt que de chercher à tout changer, il semble donc opportun de garder le cap, avec les valeurs et idées qui ont été et sont toujours les nôtres.

Et puis bon, comme le disait si bien Marc-Olivier Fogel, on peut pas plaire à tout le monde… Et c’est tant mieux !

P.S. Cet article a été écrit “à chaud”, et cherche à lancer le débat. N’hésitez donc pas à réagir, à répondre, à me contredire… La réflexion mérite d’être menée ! 🙂