Le Palais de Rumine prédestiné: même le Musée des Beaux-Arts s’intéresse au climat

affiche éclairages MCBA

J’avoue avoir été quelque peu dérouté par la demande qui m’a été adressée au printemps 2008 de fournir un texte sur la notion de «climat » pour une exposition au Musée cantonal des Beaux-Arts (voir «Exibit’s_climate#2 »). Mais, à la lecture du concept de l’exposition, il m’est rapidement apparu que toutes les réflexions sous-jacentes me sont familières et qu’elles convergent de manière saisissante. Changements climatiques, ressources énergétiques du territoire, architecture climatique, fragilité des écosystèmes, vibration des paysages et des tableaux sous la lumière sont autant de thématiques qui me ramènent au Palais de Rumine.

Un b timent pour moi omniprésent, puisqu’il fait face à mon bureau de la Riponne et que j’imagine volontiers avec une vocation nouvelle, précisément en lien avec les enjeux des changements climatiques!

Le rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) publié au printemps 2007 a marqué un tournant pour l’élu écologiste que je suis. On y apprend que, sous l’effet du réchauffement, 30% des espèces vivantes pourraient dispar tre d’ici 2050. Certes, le permien s’était achevé il y a 250 millions d’années avec la disparition de 90% des espèces vivantes. Mais cet effondrement de la diversité biologique s’était produit sur quelques millénaires. Ainsi, le rythme d’extinction des espèces constaté au cours du XXe siècle et qui va donc s’accélérer au cours du XXIe siècle est-il 1000 à 10000 fois plus rapide que lors des cinq grandes périodes de crise de la Vie sur la planète. Et, toujours selon les experts du GIEC, les impacts des émissions de gaz à effet de serre seront plus marqués sur le climat et la biodiversité des Alpes.

Or le Palais de Rumine abrite le Musée cantonal de zoologie qui conserve dans ses collections de très nombreuses espèces disparues et le Musée cantonal de géologie qui détient la plus importante collection au monde de fossiles retraçant l’extinction massive des espèces à la fin de l’ère primaire. Comment, dès lors, ne pas imaginer que le Palais de Rumine ne soit dédié à l’étude et à la présentation de ces phénomènes, ainsi que des réponses que nous pourrions y apporter? Il ne fait aucun doute que l’évolution du climat et ses conséquences sur la vie seront des thèmes de préoccupation majeurs pour plusieurs générations.

Et voilà que le Musée cantonal des Beaux-Arts investit lui aussi le domaine du climat avec une approche qui embrasse encore plus largement le rapport de l’Homme avec son environnement!

En étendant l’approche au climat intérieur, l’exposition ouvre une réflexion sur l’architecture, les localisations et les énergies propres à un territoire donné. Une démarche qui devrait même conduire à une modification physique du Palais de Rumine (éclairage de l’ancienne salle des sculptures). Cette exposition sur le climat va jusqu’à modifier le climat d’exposition.

Etrangement, par de nombreux chemins, le b timent ramène en lui-même à la notion de climat. J’ai par exemple appris récemment que le Palais de Rumine est en fait un tout premier exemple d’architecture bioclimatique. En effet, lors de son inauguration en 1907, il ne disposait d’aucun moyen de chauffage ni de climatisation. Comme les ch teaux du Moyen Age, les cheminées en moins. Serait-il concevable que pour présenter les problématiques du changement climatique et de la biodiversité ce b timent retrouve son autonomie énergétique? Et que dire de l’immense parking souterrain qui se trouve à ses pieds, quand on sait la part considérable jouée par le trafic individuel motorisé dans les émissions de gaz à effet de serre?

Mais on est là dans le temps long, celui des équilibres entre l’Homme et la Nature. Le temps court, celui dans lequel s’inscrivent les principales décisions politiques, nous impose de répondre à la question plus triviale de savoir si l’on peut admettre de dénaturer le remblais artificiel de Bellerive pour y édifier le futur Musée des Beaux-Arts. J’y vois pour ma part une magnifique occasion de poursuivre la réflexion sur le climat en confrontant physiquement les collections du Musée au Lac et aux Alpes qu’elles illustrent si abondamment.

(Nota bene: On peut découvrir d’autres contributions, par exemple de l’architecte et auteur du projet Jean-Gilles Décosterd, du climatologue Martin Beniston ou encoredu physicien Charles Weinmann sur http://www.climats.ch/pages/climats.html)

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