Sméo ou comment partager les objectifs du développement durable

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Le Canton de Vaud et la Ville de Lausanne ont créé et mis en ligne une plateforme pour l’évaluation des projets de construction qui prend en compte les aspects environnementaux, sociaux et économique du développement durable. L’outil Sméo facilite les choix d’implantation et de construction d’une villa, d’un immeuble locatif ou d’un nouvel éco-quartier. Son utilisation est gratuite et, l’outil étant construit à l’aide de logiciels open source, il peut être repris et développé par d’autres collectivités publiques ou privées. Dorénavant, tous les projets de l’Etat de Vaud seront passé au crible de cette grille d’analyse. Le Service Immeubles, Patrimoine et Logistique (SIPAL) a en outre publié une brochure de la série “Jalons” consacrée à cette démarche (voir Jalons No 6).

Baptisé “fil rouge pour la construction durable”, cet outil vise essentiellement à regrouper toutes les questions qui doivent se poser avant de lancer un projet de construction ou de rénovation. Bien sûr, la question énergétique y prend une place prépondérante, qu’il s’agisse de l’isolation, de l’utilisation rationnelle de l’électricité, du recours aux énergies renouvelables ou encore de l’utilisation optimale de l’énergie solaire passive (orientation du b timent, dimension des ouvertures, exposition au rayonnement solaire direct, etc.).

La question de plus en plus centrale de l’énergie grise (celle qui est nécessaire pour extraire, transformer et mettre en oeuvre les matériaux de construction) n’échappe pas à cet outil d’analyse. On estime que l’énergie grise tend à dépasser celle qui sera consommée par un b timent sur sa durée de vie de l’ordre de 40 ans, car une meilleure isolation et une gestion efficace de l’énergie requièrent une “mise de base” importante du point de vue énergétique.

La localisation et l’équipement d’un immeuble ont aussi un impact important sur la mobilité. Qu’il s’agisse de l’accessibilité en transports publics, de la dotation en places de parc pour vélos ou pour voitures ou encore de l’existence de réseaux performants de mobilité douce (marche à pied, vélo, etc.), le m tre d’ouvrage d’un projet de construction est en mesure d’influencer durant des décennies le comportement des occupants du b timent qu’il projette et donc de m triser les nuisances induites par son projet (énergie, CO2, bruit, sécurité, etc.).

Bien d’autres dimensions sont prises en compte dans l’analyse faite à l’aide de l’outil Sméo: gestion de l’eau, qualité de l’éclairage naturel, protection du patrimoine b ti, paysage et nature environnante, toxicité et aptitude au recyclage des matériaux de construction, accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, présence du radon, etc.

Mais à quoi bon construire des logements respectant parfaitement les exigences écologiques si ceux-ci sont réservés aux seuls ménages économiquement aisés? La question du niveau des loyers et/ou de la part des loyers modérés fait partie intégrante de la démarche de développement durable et Sméo lui accorde une place importante. C’est l’occasion pour moi de signaler une anecdote lors de la venue, il y a quelques années, à Lausanne, d’une délégation des cantons suisses de responsables intéressés à la “construction durable”. Je les avais accompagnés dans une visite du chantier de “rénovation douce” de l’îlot Riponne-Tunnel. Constatant la modestie de l’isolation périphérique (simple crépi isolant) et l’utilisation parcimonieuse des fenêtres isolantes, certains visiteurs m’ont interrogé sur le caractère “durable” de cette rénovation. J’ai alors indiqué qu’à mes yeux la présence au centre ville de logements de trois pièces à CHF 650.- par mois (à l’époque!) sans réel confort améliore la cohésion sociale, la vie culturelle et l’attractivité de l’agglomération, ce qui devrait contribuer à freiner l’étalement urbain et toutes les nuisances qui lui sont associées. Mes interlocuteurs n’ont pas franchement eu l’air convaincus, mais je conserve la certitude que la mixité sociale – c’est le terme consacré – contribue tout autant au développement durable de notre canton que la réalisation d’immeubles high tech habités par des “bobos”.

Si Monsieur et Madame Tout-le-monde peut s’inscrire et utiliser gratuitement l’outil Sméo, je dois admettre qu’il est en premier lieu réservé aux spécialistes et suppose une bonne connaissance des normes SIA de la construction et des bases minimales en physique du b timent. Naturellement, pour qui est décidé à approfondir le sujet, les liens utiles sont présents et permettent d’affronter toute la complexité du sujet. L’investissement en temps correspondant est certainement proportionnel aux enjeux environnementaux et économiques. C’est bien l’avenir de la planète Terre qui est ici en jeu et le coût de réalisation d’un seul logement se chiffre en centaines de milliers de francs. Cela vaut bien un investissement intellectuel substantiel…

L’outil Sméo étant un logiciel libre, il est appelé à se développer et à se perfectionner gr ce aux apports de la communauté de ses utilisateurs. Nul doute qu’il va s’enrichir de nombreuses contributions et devenir chaque année plus pertinent. Je remercie donc ses premiers concepteurs et, par anticipation, celles et ceux qui le feront progresser, ici et au-delà des frontières cantonales!

3 réflexions au sujet de « Sméo ou comment partager les objectifs du développement durable »

  1. Les premiers utilisateurs sont déjà  plus de 50, qui ont ouvert un projet concret pour son évaluation quelques jours seulement après l’ouverture du site, ce qui compte tenu de la complexité de la problématique posée est un signe très positif.

    Un outil n’est rien sans ses utilisateurs et contributeurs. Mais des intérêts se manifestent depuis la Belgique où un article remarquable est à  lire à  l’adresse

    http://ecopilot.be/

    Il semble donc que ce type de démarche d’évaluation holistique est attendue. L’initiative du Canton de Vaud et de la Ville de Lausanne y est clairement saluée, en particulier pour son ouverture (open source) et son sérieux.

    Poursuivons donc et consolidons cette démarche pour un développement durable en équilibre sur ses trois piliers.

    A bientôt donc avec les premiers résultats concrets!

    Yves

  2. Plus de 300 utilisateurs et projets sont déjà  inscrits dans SméO, un article dans le journal la Côte du 8 avril montre l’intérêt croissant de ce logiciel en Suisse romande, bientôt une traduction en allemand devrait élargir encore significativement sa diffusion à  l’ensemble de la Suisse. Suite au prochain épisode…
    Voire aussi le site http://www.immostreet.ch. La diffusion libre en Open source permet à  tous de se soucier du développement durable dans la construction

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