Anti-réparation: les responsables devraient aller en prison!

Fust_Primotecq_KMM_5009

(Moulin à café Fust Primotecq KMM 5009, ouvert de force, avec sa carte électronique défectueuse)

Je viens de passer une semaine dans la maison que feu mon père possédait en Espagne. L’ambiance était déjà assez lourde, quand elle a été plombée par le fait que le petit moulin à café électrique Fust Primotecq KMM 5009 a soudainement refusé de moudre ne serait-ce qu’un grain de café et m’a privé de ma dose minimale de caféine! En tant que fondateur, il y a 35 ans, de l’atelier de réparation La Bonne Combine, je n’ai pu m’empêcher de tenter de remédier à la panne…

Pour cela, il faut commencer par ouvrir l’appareil. Le bricoleur que je suis encore savait qu’il fallait chercher les vis sous les pieds en caoutchouc… Première mauvaise surprise: les vis sont de type torx mais avec un téton au milieu et qui nécessitent un outil que l’on ne trouve pas même dans les meilleurs do-it-yourself. Il y a 10 ans, mon ancien collègue, Laurent Zahn, dénonçait déjà ces choix techniques dans un article publié dans le magazine de consommateurs Bon à Savoir. Chez l’équipementier Würth, on utilise l’appellation de “vis inviolable” (lien supprimé à la demande de Würth en octobre 2016). Joli euphémisme pour désigner un truc qui empêche tout simplement de démonter et réparer un produit! Sur Wikipédia, cette vis Torx brevetée est décrite comme résistante au “bourrage” (résistance à l’ouverture par des personnes « non habilitées », c’est-à-dire ne possédant pas l’outillage spécifique requis). Tout est dit!

Mes pulsions de violeur, combinées avec mes connaissances de bricoleur, m’ont amené à sortir la perceuse et une bonne mèche à métaux de 4 mm pour faire sauter toutes ces vis. Malheureusement, les ingénieurs à qui le fabricant a confié la mission d’empêcher toute réparation ont placé trois vis, au fond du boîtier, de part et d’autre du moteur, cachées derrière des “caches inviolables” (petits bouchons en plastique de même couleur que le boîtier). Même si j’avais su comment retirer ces bouchons, je n’aurais pas eu de mèche assez longue pour les faire sauter…

Par curiosité, j’ai donc massacré le boîtier pour voir ce que la machine avait dans le ventre… J’espérais trouver un grain de café coincé dans un contact, mais j’ai dû constater que c’est la carte électronique qui gère le temps de mouture qui était défectueuse. Fin de l’aventure.

Mais pourquoi donc fallait-il un minuteur, plutôt qu’un bouton “on/off”? Je sens que vous avez deviné la réponse…

Dans un atelier bien équipé, comme La Bonne Combine, j’aurais encore pu chercher à réparer la carte électronique (ou à la remplacer par un simple interrupteur!). Mais encore aurait-il fallu savoir comment ouvrir l’appareil sans le détruire…

Il est possible de trouver un manuel de réparation pour cet appareil. Bien sûr, pas chez Fust, mais chez www.sav.support pour EUR 24.95 (EUR 49.90 contre remboursement). Le problème devient alors non plus seulement écologique mais économique: l’appareil neuf est toujours vendu chez Fust à CHF 39.90 et on peut certainement le trouver sur Internet pour le 1/4 de ce prix!

J’ai perdu 2 heures à tenter une réparation de fortune, sans succès. Mais surtout j’enrage à l’idée que, pour CHF 39.90, personne ne va intenter une action judiciaire contre les commanditaires et les concepteurs de cet appareil prêt-à-jeter, alors que ceux-ci devraient finir derrière les barreaux!!

Et puis, je me calme en constatant que mon moulin à café Gaggia MDF à moteur à cage d’écureuil (sans charbons, donc silencieux et increvable) fonctionne toujours à la perfection après bientôt 40 ans de bons et loyaux services. Théoriquement, donc, un espoir est permis! Bon, pour être honnête et complet, il convient de rappeler que ce moulin, dont le boîtier est en fonte d’aluminium, était vendu pour plus de CHF 400.- (de l’époque!!) à la fin des années ’70. Bien sûr, c’est 10 fois plus que la m… vendue par Fust. Mais il pourrait bien fonctionner 20 fois plus longtemps! Et puis il y a la dimension économique et sociale de ces emplois qualifiés pour produire des machines de qualité et qui ont pratiquement totalement disparu…

PS: Je pensais que Primotecq était un fabricant mexicain, turc ou chinois et qu’il serait possible de trouver des guides de réparation et des pièces à des prix proportionnels au prix de vente du produit chez Fust. Mais il semble qu’il s’agisse d’une marque déposée en Suisse par Fust et qui n’est même plus protégée. Impossible donc de savoir où cette m… a été fabriquée…

4 réflexions au sujet de « Anti-réparation: les responsables devraient aller en prison! »

  1. Du coup j’aime encore plus le site ifixit.com et leur devise “you don’t own it if you can’t fix it”
    Ps: ils vendent un set de tourselves, dont je suis l’heureux propriétaire, qui permet de venir à bout de presque toutes les vis inviolable. 🙂

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