Malley-Gare: des enjeux qui dépassent les tours

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(Source: malleydemain.ch)

Le 27 novembre 2016, les Prillérans se prononceront pour ou contre le plan de quartier (PQ) de Malley-Gare. Si j’ai participé au débat organisé dans la Grande Salle de Prilly (voir le compte-rendu dans “24 Heures” du 05.11.2016), le jeudi 3 novembre 2016, c’est que je me sens particulièrement concerné. Étudiant en 1979, j’habitais dans une collocation à l’avenue du Chablais. En 1987, La Bonne Combine – atelier de réparation créé en 1980 à Lausanne – déménageait à la route de Renens 4 où elle se trouve toujours. Tout comme le bureau BIRD (Bureau d’Investigation sur le Recyclage et la Durabilité) que j’ai créé en 1993. Depuis 1999, j’habite à nouveau à Prilly (route des Flumeaux) et, après une dizaine d’années passées au Conseil d’État vaudois, j’ai fondé why! open computing SA qui propose des ordinateurs durables et qui est installée au 2e étage de l’immeuble de La Bonne Combine, juste en face des futures tours projetées à Malley… Convaincu depuis longtemps par l’énorme potentiel de ce secteur, je voterai oui à Malley-Gare, malgré les impacts visuels que je subirai dans mon cadre professionnel comme privé.

En tant que Vert, je comprends une partie des arguments développés par l’association Avenir Malley contre les tours, jugées peu écologiques. En effet, parce que le béton dont elles sont constituées est d’autant plus massif que l’immeuble est haut, l’énergie grise engloutie pour créer un mètre-carré de plancher n’est guère favorable. Mais il convient aussi de voir le verre à moitié plein, en ce sens que les tours permettent, à densité égale, de créer des espaces publics généreux. Et puis, si l’on ne construit pas la ville en ville, l’étalement urbain va se poursuivre avec ses zones villas – bien moins écologiques! – générant un trafic motorisé de pendulaires qui sature les voies de circulation en ville (pas à la campagne!).

Mais la difficulté de ce débat est que les enjeux se situent à une échelle bien plus large que le projet de PQ Malley-Gare soumis à la population de Prilly.

On notera d’emblée que les Lausannois, même s’ils habitent à moins de 50 mètres du site, ne pourront pas exprimer leur choix dans le cadre d’un référendum réservé aux seuls citoyens prillérans. Même si je n’ai pas de solution démocratique à proposer, force est de constater que notre ordre juridique est mal adapté pour gérer des démarches participatives en matière d’aménagement du territoire. Certains opposants estiment que l’avis des habitants et entreprises du secteur de Malley devrait être prédominant. Mais comment consulter les milliers d’habitants d’un quartier qui n’existe pas encore? Comme le déclarait à 24 Heures Jérôme Chenal, professeur d’urbanisme à l’EPFL, “une quarantaine de personnes qui s’impliquent pour donner leur avis, cela peut paraître beaucoup, mais ce n’est rien à l’échelle d’une commune”. Alors, s’il y a plusieurs communes…

Par définition, un plan de quartier concerne un espace cohérent et limité, en l’occurrence les abords immédiats de la halte de Prilly-Malley. D’autres plans de quartier seront présentés (Gazomètre, Viaduc et Centre sportif), à condition que Malley-Gare soit accepté. Et c’est dans le quartier Malley-Gazomètre, qui ne fait pas l’objet de cette votation, que se trouveront l’essentiel des logements, des espaces verts et des immeubles écologiques permettant de remplir les critères d’un quartier “à 2000 watts”.

Les Prillérans vont donc se prononcer sur une pièce d’un puzzle beaucoup plus vaste et cohérent. En effet, les plans de quartiers précités s’inscrivent dans le Schéma directeur intercommunal de Malley (SDIM, PDF 75,4 Mo), qui constitue lui-même l’un des grands enjeux du Schéma directeur de l’Ouest lausannois (SDOL). Ce dernier est finalement l’un des secteurs les plus importants du Projet d’agglomération Lausanne-Morges (PALM). En 2005, sur la base de cette planification de l’urbanisation et des transports, la Confédération a débloqué près de 200 millions de francs pour le métro M2 et… la halte ferroviaire de Prilly-Malley. D’autres financements vont suivre pour le développement des transports publics (dont le RER et le tram passant à Malley), des mobilités douces (l’un des points forts du PALM) et de nouvelles jonctions autoroutières (Chavannes, Écublens, Blécherette). Au total, le PALM devrait bénéficier de trois à cinq milliards de francs de financements fédéraux (selon que l’on compte ou pas le contournement autoroutier de Morges), car la Confédération juge que le rapport coût-efficacité de ces projets est favorable à un développement durable de l’urbanisation de cette agglomération. Mais attention, si le projet de densification ne se concrétise pas ou se réalise trop lentement, d’autres agglomérations pourraient s’en frotter les mains…

Les opposants posent la question de savoir comment on peut accueillir à Malley des milliers d’habitants et d’emplois alors que les voies de circulation sont déjà saturées aux heures de pointes du matin et du soir. La réponse ne saurait être un élargissement proportionnel des routes aux abords du nouveau quartier. Elle ne peut être que globale et doit tenir compte, par exemple, d’une offre RER avec une cadence de 15 minutes dans chaque sens entre Renens et Lausanne, dès la mise en service de la quatrième voie CFF, et qui devrait inciter des milliers d’automobilistes transitant actuellement par Malley à emprunter les transports publics. Les impacts sur le trafic d’agglomération ont été validés par de nombreuses études et par la Confédération qui a décidé de les soutenir financièrement (voir notamment PALM 2016, volet opérationnel, 404 pages, PDF 37,6 Mo).

En définitive, les réponses apportées aux problèmes de trafic dans le secteur de Malley se situent souvent ailleurs. Pour l’illustrer, on peut mentionner le déménagement de Camion Transport et de sa centaine de véhicules de Sébeillon à Aclens, qui est devenu une véritable interface rail-route à l’échelle de la Suisse romande. A noter que la création d’une nouvelle jonction autoroutière à Écublens divisera par deux les émissions polluantes des camions qui vont prendre l’autoroute dans le secteur de Bussigny.

Le projet Malley-Gare, dont l’apparence sera concrétisée à l’issue d’un concours d’architecture, est cohérent et mûrement réfléchi. Son refus pourrait mettre en péril la mise en œuvre de l’ambitieux projet d’agglomération Lausanne-Morges et les investissements colossaux de la Confédération qui lui sont liés. J’espère sincèrement que les Prillérans ne prendront pas ce risque en disant non au plan que quartier Malley-Gare!

Une réflexion au sujet de « Malley-Gare: des enjeux qui dépassent les tours »

  1. Finalement, c’est à une majorité assez nette de 58% que les Prilléranes et Prillérans ont accepté le plan de quartier Malley-Gare, avec un très bon taux de participation.

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