Fukushima; quelles conséquences?

Depuis 3 semaines, on m’interpelle fréquemment sur Fukushima.

Les questions le plus souvent posées sont les suivantes:

  1. Pourquoi, avec toute l’eau qu’on verse sur les centrales, on n’arrive pas à arrêter le dégagement de radioactivité et de chaleur? Que se passe-t-il au juste dans ces centrales?

  2. Mais alors, il n’y a pas que les centrales soviétiques qui sont dangereuses? Nos centrales nucléaires, ne sont-elles pas sûres?

  3. Y-a-t-il beaucoup de radioactivité qui se répand dans l’environnement? Quels sont les risques pour la santé?

     

Probablement vous êtes nombreux à vous poser ces mêmes questions, je vais donc essayer d’y répondre succinctement dans cet billet.

1. Quand on parle d’une fusion qui n’est pas une fusion nucléaire,
mais une fonte des barres de combustible

Lors d’un arrêt d’urgence:

  1. Les barres métalliques et l’eau borée, qu’on introduit dans le coeur de la centrale, ont pour effet de stopper la fission en chaîne de l’uranium, provoquée par des neutrons ralentis

  2. Mais les produits de fission €“ les déchets radioactifs donc – déjà présents dans le combustible, continuent leurs réactions radioactives et continuent donc à dégager de la chaleur.

  3. Il est indispensable que des génératrices « de secours » fournissent du courant pour faire circuler l’eau pour le refroidissement.

  4. Si cette chaleur n’est pas évacuée normalement, les barres de combustibles surchauffent. Et les gaines risquent de fondre.

  5. L’eau au contact des barres surchauffées peut se décomposer en oxygène et hydrogène.

  6. La pression monte.

  7. Si l’on évacue la vapeur pour faire baisser la pression, l’hydrogène peut provoquer des explosions.

  8. Si les barres de combustible sont déjà abimées, des isotopes radioactifs sont aussi libérés dans l’environnement.

  9. Explosions, températures élevées, corrosion… l’enceinte du réacteur peut perdre son étanchéité. Matériaux radioactifs se répandent alors aux environs.

  10. Barres et combustible en fusion €“ il s’agit donc de métaux fondus, pas de fusion nucléaire- coulent au fond de la centrale,

  11. avec le risque de percer l’enceinte, entrer en contact avec d’autres matériaux et provoquer une très forte explosion -classique- provoquant la contamination radioactive de vastes territoires.

  12. Il y a même un risque, heureusement très faible, que dans ce coeur fondu, appelé corium, une réaction nucléaire s’enclenche, la masse critique étant atteinte, il y aurait alors une véritable explosion nucléaire.

A Fukushima, tous ces événements, sauf les k) et l), se sont produits, de manière plus ou moins accentuée dans les réacteurs numéros 1 à 3. Dans le réacteur numéro 4, qui était à l’arrêt lors du tsunami, c’est la piscine où était stocké le combustible usagé qui n’a plus était refroidie, l’eau s’est évaporé, les barres ont surchauffé et…

Des centaines de pompiers, de techniciens et d’ingénieurs, sont engagés sur place, au détriment de leur santé, pour refroidir ces réacteurs et éviter le pire, c’est-à-dire les événements k) et l). Mais pendant plusieurs semaines, voire des mois, la situation restera critique.

L’eau déversée sur les centrales lessive des éléments radioactifs dans la mer.

Le vent qui soufflait vers l’océan au début, mais dans d’autres directions par la suite, propage au loin iode et césium radioactifs, et tout un cocktails d’autres isotopes aussi sympathiques que le plutonium, dont l’inhalation d’un seul milligramme induit à terme, presque à coup sûr, un cancer…

Au gré des vents, de la neige et des pluies qui diffusent et précipitent les éléments radioactifs, des territoires sont contaminés bien au delà des 20 Km évacués et des 30 Km, où les gens sont sensés rester barricadés chez eux depuis 3 semaines, L’eau potable, le lait, les produits de la terre sont contaminés…

2. Toute centrale nucléaire représente un danger inacceptable,

qu’elle soit de technologie soviétique ou occidentale

Le lobby nucléaire affirmait, à raison, que l’accident de Tchernobyl était moins une défaillance du nucléaire, que du système soviétique dont il a précipité la chute.

Cette explication ne s’applique pas au Japon, nation démocratique à la pointe de la technique. Ses centrales ressemblent aux nôtres: comme en Suisse, le 1er confinement des réacteurs est en acier et entouré d’une couche de béton épaisse un mètre… A l’évidence, dans des installations aussi complexes, les enchaînements susceptibles d’aboutir à des accidents majeurs sont multiples et imprévisibles. Par exemple, en 2006 en Suède, dans la centrale de Forsmark, une panne de courant, suivie de la défaillance des 4 génératrices de secours, a privé de refroidissement le réacteur pendant 23 minutes. Selon le rapport de l’organisme de sureté suédois on a réussi enfin à faire redémarrer manuellement 2 des génératrices, 7 minutes de plus et la situation aurait été gravissime…

A Fukushima, tout le monde peut constater que la sûreté des centrales nucléaires, même de conception occidentale, ne peut être garantie à 100%.

Et les conséquences d’un accident majeur seraient catastrophiques pour la Suisse. Un rapport officiel de la Confédération1 les a évaluées: plus de 900’000 personnes à évacuer, plus de 4000 milliards de dégâts…

Il n’y aurait même pas l’espoir, comme au Japon, que le vent pousse la radioactivité vers la mer. En moyenne, deux jours sur trois le vent souffle en direction des grandes villes suisse-allemandes, un jour sur trois la bise souffle en direction de la Romandie!

3. Quels sont les effets de la radioactivité « s’échappant » de Fukushima?

Des millions de personnes sont à la merci de la radioactivité !2

Depuis le 12 mars dernier, les habitants des zones contaminée subissent l’impact des rejets radioactifs de FUKUSHIMA DAIICHI.

Toutes les voies d’exposition se cumulent :

  1. Exposition aux rayonnements qu’émettent les aérosols et les gaz radioactifs que les vents transportent vers les zones habitées, celles de la Préfecture de Fukushima, mais aussi bien au€delà de la ville de Sendai, à 100 km au nord et bien au€delà de Tokyo à 230 km au sud.

  2. Exposition aux rayonnements émis par les produits radioactifs qui retombent progressivement au sol (du fait de la gravitation, des pluies et de la neige) et s’accumulent sur les surfaces ; Les débits de dose sont multipliés par 10 à bien plus de 100 km de la centrale nucléaire, par 100 à quelques 60 ou 70 km de distance et dans un périmètre d’une cinquantaine de kilomètres certaines valeurs dépassent de 1 000 fois le niveau normal. Il s’agit là de zones où les populations n’ont été ni évacuées, ni confinées.

  3. Contamination externe à cause du dépôt des particules radioactives sur la peau et les cheveux (une contamination qui peut très facilement se transformer en contamination interne si la peau comporte des blessures ou de simples microlésions ; si les doigts sont portés à la bouche, au nez ; si la personne manipule des aliments sans s’être lavé les mains ; si les aérosols déposés sur les cheveux sont remis en suspension et inhalés) ;

  4. Contamination interne par INHALATION des aérosols et gaz radioactifs présents dans l’air : parce que l’on ne peut pas s’arrêter de respirer, parce que les simples masques à poussières portés par la population ne procurent AUCUNE PROTECTION contre les iodes radioactifs gazeux dont l’air est chargé ; parce que le confinement à l’intérieur des bâtiments est une mesure de COURT TERME qui n’aurait jamais dû être prolongée sur plus de 15 jours : soit les personnes s’asphyxient parce que le confinement fonctionne, soit il est imparfait, et elles sont alors approvisionnées en oxygène ET en produits radioactifs ! ;

  5. Contamination interne par INGESTION d’eau et d’aliments contaminés : parce que le contrôle des aliments à risque a commencé de façon tardive ; parce que ne sont retirés de la consommation que les aliments dont le taux de radioactivité dépasse les normes.

Il faut surtout comprendre que même les faibles doses de radioactivité ont un effet. On peut comparer la situation à celle d’une troupe qui doit traverser un champ de mines. S’il y a beaucoup de mines, le risque que plusieurs soldats meurent ou soient blessés est grand. S’il y a peu de mines le risque est faible, mais pour le soldat qui saute sur une mine les conséquences sont terribles. Il en va de même avec la radioactivité. S’il y a peu de particules radioactives, peu de risques d’en ingérer ou d’en respirer une. Mais pour les personnes atteintes les conséquences peuvent être létales.

Pour avoir une information indépendante dans ce domaine, vous pouvez consulter le site www.criirad.org

1Katanos – une étude comparative sur les conséquences de catastrophes et de situations d’urgence en Suisse : risques de catastrophes en Suisse

2Rédigé à partir de données du site de la Commission de Recherche et d’Information

Indépendantes sur la Radioactivité http://www.criirad.org/

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