Les participants à la 24ème Fête du Sel de Buttes ont eu le privilège d’apprendre que l’intégration de la Saline de Bex SA aux Salines suisses du Rhin SA était imminente ! Lors de la partie officielle, M. Urs Hofmeier, directeur général des Salines suisses du Rhin, a en effet annoncé la fusion des deux sociétés. Deux cents ans exactement après l’arrivée de Jean de Charpentier à la direction des mines de sel de Bex, les Vaudois cèderont leur saline aux Bâlois, si le Grand Conseil accepte de modifier la loi cantonale.
En août 2012, il était prévu que « Die Saline Bex – im Besitz des
Kantons Waadt – soll bis 2014 in die Schweizer Rheinsalinen AG integriert
werden ». Radio Chablais confirmait, en décembre 2012, que « Les discussions pour un rapprochement entre la Saline de Bex et celles du Rhin, amorcées il y a une année, se poursuivent ». Depuis, plus de nouvelles. Même le personnel de la saline semble devoir garder le plus grand silence sur les opérations en cours… Il faut consulter le rapport annuel de la section bâloise du Syndicat suisse des services publics pour en savoir un peu plus : « die Vorarbeiten zum Projekt „Sel 27“, dem Zusammenschluss der beiden Betriebe „Schweizer Rheinsalinen“ in Schweizerhalle/Möhlin und „Saline de Bex“ sind am laufen. Dieser Prozess wird eine enge Zusammenarbeit des vpod mit der in Bex aktiven Unia verlangen, damit die Arbeits- und Lohnbedingungen im Zuge des Fusionsprozesses nicht nach unten nivelliert werden. Mit der Betriebskommissi15 on (sog. Arbeiterkommission) konnte der vpod für das laufende Jahr eine Beratungsver-einbarung abschliessen ».
« Sel 27 » fait probablement référence aux 25+1 (VD) cantons et la principauté de Liechtenstein, auxquels appartiennent les Salines suisses du Rhin SA. A noter que Südsalz GmbH, en Allemagne, est également actionnaire des Salines suisses du Rhin.
Les velléités d’annexion de la saline vaudoise de sont pas nouvelles ! En 1916 déjà, le Conseil d’Etat vaudois recevait des offres de reprise des salines de Bex par la Société suisse des Salines du Rhin. Ce qui provoqua immédiatement de vives réactions : « On fit cortège à Bex, on tint une vaste assemblée, on lança une pétition monstre dans le canton… et le gouvernement retira son projet » !
Nouvel épisode dans les années 1950, où le syndic socialiste bellerin Sollberger s’alarmait du projet du Conseil d’Etat « et tout particulièrement du département des Finances » visant à modifier l’exploitation commerciale des mines en question afin « d’acheter à l’avenir le sel sur les bords du Rhin, à Rheinfelden, et d’exploiter à peu près uniquement les salines de Bex pour en tirer l’eau salée nécessaire aux industries chimiques de Bex ». Sollberger craignait « que de tels changements ne causent de graves préjudices à la main d’œuvre employée présentement dans les salines, ainsi qu’à l’économie régionale », soulignant avec raison que « l’idée d’aller chercher dans un autre canton ce que le nôtre peut produire relève de l’absurdité ». Le Conseil communal emboîtait le pas : « C’est avec une vive émotion que le Conseil communal de Bex a pris connaissance des Intentions du Département vaudois des finances de procéder a une réorganisation complète du système de livraison et de distribution des sels. Le Conseil communal de Bex s’étonne que l’on porte atteinte de propos délibéré à la plus ancienne manufacture du canton et que, pour des avantages commerciaux momentanés, on sacrifie la main-d’œuvre, vaudoise, spécialisée depuis des générations dans la production du sel de consommation. Persuadé que faire dépendre l’approvisionnement en sel comestible des seules salines du Rhin pourrait être, en cas de conflit, préjudiciable au pays tout entier, le Conseil communal de Bex invite les communes des 4 mandements à se joindre à lui pour demander au Conseil d’Etat de renoncer à une telle réorganisation. »
Alerte encore en 1970 : « Quand Bex broie du noir. L’avenir des salines inquiète les Bellerins » titrait la Feuille d’Avis de Lausanne alors que la Tribune Le Matin annonçait
« Les Mines et Salines vont-elles disparaître ? Bex – L’occasion perdue ».
Suite de la saga en 1997, lorsque l’Etat de Vaud accorde l’autonomie commerciale aux Salines de Bex et renonce à ses fonctions de marchand de sel.
Désormais le sort de la saline vaudoise n’est plus entre les mains de son conseil d’administration, présidé par l’UDC bellerin Pierre-François Veillon, mais bien en mains étrangères au canton, selon la NZZ du 24 avril 2012…
A n’en pas douter, une page de l’histoire du sel vaudois se tourne dans la plus grande discrétion. Selon certaines sources, la chute du monopole vaudois serait imminente et la Saline de Bex SA, qui vient curieusement de se doter d’une nouvelle identité fantaisiste, risque de disparaître à cours terme. Même la Fondation des Mines de sel de Bex, censée « préservation et mise en valeur de l’héritage historique et culturel des mines de sel de Bex » se détourne de son activité et participe, grâce aux fonds Interreg à « un à projet qui vise à faciliter l’itinérance touristique en région lémanique grâce aux technologies numériques des mobiles ou des tablettes ».
Probablement parce que les Mines de Sel de Bex seront très prochainement virtuelles !