Sciences et politique, discussion difficile

1024px-Grand_Conseil_de_l'État_de_Vaud_-_3Il y a maintenant 2 ans, j’ai été pris un peu malgré moi dans un débat qui m’a beaucoup interpellé et sur lequel je souhaite revenir à tête reposée.

Tout à commencé quand Xavier, un collègue vert très engagé dans les podcasts, m’a demandé dans un mail les raisons pour lesquels je suis opposé aux OGM dans l’agriculture pour les intégrer dans une émission de podcast science. A vrai dire, je m’étais jamais intéressé à la question des OGM. J’étais très content de vivre sous le régime du moratoire suisse, mais comme je n’avais jamais eu à prendre des décisions à ce sujet, je m’y étais jamais vraiment plongé en détails.

J’ai donc répondu à Xavier en évoquant des éléments à charge des OGM dans le domaine que je connais le mieux: l’environnement, vu que c’est ma formation (master en sciences de l’environnement).

J’ai oublié cette histoire, jusqu’à la diffusion de l’émission. Or, celle-ci m’a passablement heurtée, ne serait-ce parce qu’elle fut largement partiale, mais pas seulement. J’ai réagi, puis j’ai été pris dans différentes “discussions” avec des pro-OGM sur le net. Deux ans après, j’en retire les enseignements suivants:

  1. L’image du politicien. Dès qu’on est en politique, il semblerait qu’on cesse d’avoir une opinion propre et qu’on ne fasse que du marketing. C’est particulièrement criant dans le podcast ” Et c’est une des choses, je ne connais pas personnellement Martial de Montmollin, pour ce que j’ai vu de lui sur internet il m’a l’air de quelqu’un très estimable, mais je vais peut être le vexer mais c’est un politicien. L’objectif d’un politicien c’est qu’il se fixe un agenda et il doit le remplir donc il cherche les choses qui vont confirmer son agenda, qui vont convaincre, les choses qui vont lui permettre d’avancer, c’est ça son objectif. L’objectif d’un scientifique c’est d’arriver à la vérité, même si elle nous vexe.” Autrement dit, le politicien cherche à vendre son programme alors que scientifique est désintéressé et cherche que la Vérité.Bien sûr qu’il y a du marketing en politique suisse. Chacun cherche à occuper une place dans les médias et ce n’est pas spécifique au monde politique, les scientifiques ne sont pas en reste pour faire les titres des journaux ou jouer des coudes pour être publiés dans des revues à haut facteur d’impact. Mais surtout, c’est une vision du politicien où celui-ci vendrait n’importe quelle soupe pour être élu. Or, si y’a bien une chose qui m’a impressionnée en siégeant au Grand conseil, c’est la conviction avec laquelle chacun se bat pour ses valeurs, quelle que soit le bord politique.
    L’immense majorité des personnes qui siègent dans des législatifs n’ont aucune perspective de carrières politiques et ils en sont tout à fait conscients. Pourtant, ils s’engagent, en grande partie bénévolement, pour leurs convictions. Les réduire à des vendeurs de lessive, c’est effectivement blessant, mais surtout c’est très éloigné de la réalité.
  2. La perte de légitimité. Je suis avant tout ingénieur forestier. Et il y a 5 ans, j’ai été élu dans un législatif cantonal où je siège un jour par semaine. Si je n’étais pas élu, on me considérerait comme un ingénieur, mais comme je suis élu, je perds toute légitimité à parler de science. Comme si une transformation miraculeuse intervenait lors de mon éléction.
  3. Le mélange des rôles. Le phénomène inverse opère pour celui qui est estampillé “scientifique”: il est forcément neutre, sait tout et n’a forcément pas d’avis politisé. Or, le professeur interviewé dans l’émission fait un travail de militantisme, allant même jusqu’à jouer les journalistes auprès de ses collègues favorables aux OGM.
  4. La négation de l’éthique. Le plus étonnant dans toutes mes “discussions” sur le net sur le sujet des OGM, c’est la négation de la dimension éthique de la science. Alors que l’éthique est au coeur de la décision du politicien: Chaque fois qu’un politicien doit prendre une décision, il se basera sur ses valeurs morales. C’est particulièrement évident pour les questions de sociétés, mais c’est également le cas dans des décisions aussi banales que la réféction d’une route.
    Or, les réactions que j’ai eu sont souvent du type “si on peut le faire, pourquoi ne pas le faire?” Sans se demander s’il est bien de le faire. Ceci est d’autant plus étonnant que depuis le développement de la génétique, les comités scientifiques d’éthiques se sont multipliés.
  5. L’anti-science. Dernier élément peut-être anecdotique, lorsque je faisais entendre une voix critique envers les OGM, j’ai souvent été qualifié d’anti-science ou rangé avec les conspirationniste. Ceci relève seulement du tactique oratoire très connue.

Finalement, que faut-il en retirer de tout ça? La conclusion principale est que le monde académique et le monde politique ne se connaissent pas. C’est étonnant car le second donne les fonds au premier qui donne des données au second. Ceci est dangereux à double titre. D’une part, le monde académique n’arrive pas à expliquer aux politiciens leur point de vue dans la perpective d’une décision politique, d’autre part, la science peut être mal comprise du politicien de sorte qu’on arrive à ce qu’une présidente de parti politique prétende qu’un lapin se transforme en guépard (à revoir ici, point 17).

Il faut donc d’urgence mettre en place des structures pour que ces deux mondes se parlent.

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