Pas besoin d’attendre la crise de la quarantaine pour agir !

“Apolitique”, “pragmatique”, “projet de vie bourgeois” : le baromètre de la jeunesse 2012 du Crédit Suisse nous présente une jeunesse qui sait ce qu’elle veut, ne s’intéressant pas vraiment à la politique et qui n’a pas d’élan “révolutionnaire”.
En effet, il ressort de ce rapport que les jeunes de Suisse ont, pour la plupart, une vision assez pragmatique. Acheter un logement, épargner et disposer d’un patrimoine personnel font en effet partie des objectifs de la majorité des jeunes interrogés.

Ce constat, comme d’autres avant lui, ne provoque apparemment pas (encore) de débat sur la question de la jeunesse et de son engagement dans nos sociétés. Pour ma part, cela me fait vraiment réfléchir quant à son rôle et quant à l’implication des jeunes, en ayant quelques craintes à ces propos.
En terme de participation des jeunes, un aspect m’interpelle : deux groupes distincts ont l’air de se former. Un groupe de personnes qui se désintéresse de la politique, vote peu et ne désirant pas tellement s’engager pour faire évoluer la société, tel que présenté par le baromètre du Crédit Suisse.
L’autre groupe englobe plutôt des gens qui se sentent concernés par les questions de société, qui s’engagent de diverses manières, dans des associations et/ou en politique. Si la formation de ces deux groupes paraît inquiétante en ces temps de crise, alors l’écart grandissant qui les séparent devrait nous faire bondir de notre chaise, littéralement !

En effet, un désintérêt marqué de la chose publique risque de maintenir, voire d’augmenter le taux d’abstention lors des votations, qu’elles soient communales, cantonales ou fédérales. Or, une démocratie comme la nôtre ne vit que par la participation de ses citoyens. Quand l’abstention atteint des sommets alpins, l’intérêt et l’implication de ceux qui se sont rendus aux urnes, aussi grands soient-ils, fait office de massage cardiaque. Or voulons-nous d’une démocratie directe proche de l’encéphalogramme plat, qui plus est dans un pays de pics montagneux ?

Cependant, évitons de tomber dans la consternation ou de partir dans un jugement biaisé. En effet, de nombreux jeunes s’engagent, avec motivation et réussite. Dernier exemple en date, il y a deux semaines, plus de 200 jeunes de toute la Suisse ont participé à une conférence qui traitait des défis futurs de l’ONU et du “bilan” des 10 ans de participation de la Suisse à l’organisation onusienne. Le sujet peut sembler loin de nos considérations quotidiennes ou alors inaccessible pour des non-initiés. Cependant, malgré la complexité, si nous voulons que nos préoccupations soient entendues et discutées, il faut les présenter, les défendre et proposer des pistes de solutions !

L’Histoire nous montre aussi que les jeunes se doivent d’intervenir sur la place publique, malgré les risques. Sophie Scholl et les étudiants membre de la Rose blanche se sont opposés au régime nazi, les milliers de jeunes qui ont participé aux contestations estudiantines dans les années 60 (Allemagne, France, États-Unis et Mexique entre autres) ou encore les étudiants chinois qui, en 1989, ont exigé des réformes politiques, malgré la répression. Lors de ces mouvements, il y eut des morts, des blessés et des gens condamnés, mais cela ne doit pas nous pousser à réfréner nos envies de changement, ne serait-ce que par respect pour ceux qui sont tombés. Ainsi, il vaut mieux pour la cause que ceux qui ne sont pas prêts à tout quitter pour lutter optent pour une vie plus bourgeoise, sans écarts flagrants malgré leurs convictions politiques de jeunesse…

L’engagement pour un idéal, parfois “au détriment” de sa vie future, n’est bien sûr pas évident, ni sans risques, mais c’est le choix le plus cohérent (avec soi même) et humaniste à mon avis. Je mentionne ici un humanisme de coeur, de terrain, non pas un humanisme d’universitaire à l’abri du danger ! Ne vous inquiétez pas, les problèmes ne manquent pas, il est ainsi facile de trouver une cause qui en vaille la peine.
Notre génération se doit de trouver ses propres repères dans la société d’aujourd’hui. Nos parents se sont opposés à la guerre du Vietnam, à nous de réagir devant le siège de Gaza ou la répression militaire en Syrie. Ils se sont mobilisés contre les essais atomiques puis se sont inquiétés du trou de la couche d’ozone, à nous de nous opposer à la privatisation des réseaux de distribution de l’eau et à la dissémination des OGM. Le pire, moi je vous le dis, c’est que nous sommes au courant de ces problèmes, tous. Pensez aux questions de vos petits-enfants, et surtout à vos réponses, désemparés et évasives.

Pour le moment, ne regardons pas en arrière et concentrons-nous sur les défis présents et à venir. La jeunesse se doit de secouer la société et de mettre le doigt là où ça fait mal afin de la réveiller. Si elle n’apporte pas sa vision de la chose publique et ne prend pas part aux débats, la société se construira sans elle et sur des idées en inadéquation totale avec ses aspirations.
Le plus important est de se rendre compte que la démocratie n’est pas quelque chose de figé et n’est jamais acquise, surtout en Suisse. De plus les décisions politiques ont un impact plus que concret, à nous de choisir la société dans laquelle nous voulons vivre.
En effet, voulons-nous habiter dans un pays où les multinationales qui ne respectent pas les droits humains et environnementaux sont accueillies avec le tapis rouge, alors que, au même moment, à des milliers kilomètres de là, des réfugiés Syriens voient leur demande de séjour refusée, suite aux durcissements successifs de la loi sur l’asile, que nous n’aurions pas combattus à l’automne 2012…

Pour terminer, dans le cadre d’une association que j’ai co-fondée avec une amie, je parlais avec un journaliste du Courrier. Pour lui expliquer la raison qui nous poussait à créer un projet malgré notre jeune âge, je lui dis simplement que je n’avais pas besoin d’attendre la crise de la quarantaine pour agir !
Et vous ?

Ilias Panchard

Baromètre du CS : https://infocus.credit-suisse.com/app/article/index.cfm?fuseaction=OpenArticle&aoid=371569&coid=371616&lang=FR

De nombreux jeunes s'engagent dans la campagne contre les durcissements du droit d'asile !

De nombreux jeunes s’engagent dans la campagne contre les durcissements du droit d’asile (ici le dépôt du référendum en janvier dernier).

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