Fusion nucléaire: une réponse possible aux problèmes d’énergie, mais aussi beaucoup de questions

Je viens de lire coup sur coup une Feuille d’information du Forum nucléaire suisse et une interview de Daniel Brélaz dans Reflex au sujet de la fusion nucléaire et du projet ITER. “Source d’énergie inépuisable”, “aucune émission de CO2”, “pas de déchets radioactifs à stocker”, tels sont les slogans de ce futur miracle (on parle d’exploitation industrielle à partir de 2050).


A ce stade, mes réflexions sont les suivantes:

  • Pourquoi investir 10 milliards d’euros (sur 30 ans) pour recréer sur Terre les conditions thermonucléaires du Soleil (100 millions de degrés Celsius) alors que notre “étoile de vie” nous adresse chaque jour environ 10’000 fois toute l’énergie que nous consommons et que notre propre planète recèle de si grandes quantités d’énergie sous forme de plasma (géothermie profonde)? Et combien de simples capteurs solaires pourraient être construits avec une telle somme?
  • Le combustible choisi est du deutérium (isotope de l’hydrogène) présent dans l’eau de mer sous forme d’eau lourde à raison de 16 grammes par tonne. Quel est le coût énergétique et environnemental d’extraction de ce deutérium? La production d’eau lourde constitue un épisode pour lui-même de la seconde guerre mondiale et je n’ai pas le souvenir que les technologies utilisées aient été légères…
  • L’autre combustible est le tritium, isotope radioactif celui-là de l’hydrogène. Les essais de la bombe H ont déjà multiplié par 100 la teneur en tritium dans l’atmosphère et dans l’eau. Je veux bien admettre que le risque de dispersion de tritium par les futures centrales de fusion est éventuellement m trisable. Mais il me semble malsain de commencer à prétendre que la fusion ne pose aucun problème du point de vue de la radioactivité.
  • On parle de centrales d’une puissance minimale de 1 à 2 gigawatt pour atteindre la rentabilité énergétique (produire plus d’énergie que le réacteur n’en consomme). On s’éloigne ainsi assez nettement de l’idéal d’une production décentralisée, m trisée au niveau local, minimisant les pertes liées au transport de l’énergie et peu intensive en capital.
  • Tout cela pour chauffer de l’eau et turbiner de la vapeur pour entr ner des alternateurs. C’est là que les lois de la thermodynamique nous rattrapent: il faut dissiper plus de 60% de l’énergie produite, car on ne peut rien faire avec de l’eau à 35 degrés. Le moyen le plus économique pour dissiper cette chaleur consiste à réchauffer un cours d’eau. Sympa pour les baigneurs, moins chouette pour la faune et la flore. A mesure que les étés se font plus chauds et secs (réchauffement climatique), l’activité estivale des centrales nucléaires et autres centrales thermiques doit être limitée. Dans ces conditions, je vois mal que l’énergie de fusion couvre non seulement notre consommation électrique (environ 15% du total) mais encore de quoi remplacer tout le pétrole et le gaz utilisés pour l’industrie, le chauffage des b timents et les transports.

J’espère simplement que la fusion nucléaire n’est pas qu’un simple prétexte pour ne rien faire sur le front des économies d’énergie et des énergies renouvelables.

PS: D’autres partagent mon analyse “à froid” (voir opposants à ITER).

10 réflexions au sujet de « Fusion nucléaire: une réponse possible aux problèmes d’énergie, mais aussi beaucoup de questions »

  1. Il me semble qu’il y a un autre problème majeur. Ces centrales ne font pas de déchet directement mais les parois de confinement doivent être changée régulièrement (de l’ordre du 5ème/6ème tous les ans). Ces parois sont très radioactives et vont poser le même problème que les déchets actuels (mais sur une plus courte durée de quelques centaines d’années…)
    Il y avait un article du monde diplomatique qui en parlait, c’est ici (si le lien marche).

  2. Félicitations d’avoir apport sur ce blog si informatif des éléments ausi larges que celui de la fusion nucléaire. Une position verte à  cette égard est souhaitable. Elle devrait tenir compte toutefois des arguments des pro fusions qui nous rappelleroant que les ordres de grandeur en jeu sont minimes en regard des fruits espérés.

    L’extrait du tableur (disponible à  mon adresse) montre ne comparaison avec le même investissement finançant du photovoltaïque … la centrale (disons les toitures disséminées) ainsi formée générerait en fin de compte une très petite fraction énergétique, alors que sir le projet ITER ou d’autres aboutissent, on peut espérer des plus grands agrégats.

    Il faut donc avoir une position qui inclue les approches coûts / bénéfices (pas au sens marchand, mais au sens d’un pari, ou d’un investissement technologique en recherche et développement) avant de décider une fois pour toute que l’approche générale est à  proscrire.

    Bravo d’avoir lancé le débat.

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    Bases de calcul:

    1 m2 de panneaux photovoltaïques coûte 600 ‚¬
    puissance moyenne (24h/24h) générée par 1 m2 de capteurs = 100 W

    Si les dix milliards de francs d’ITER étaient investis par exemple en photovoltaïque (PV)
    cela ne correspondrait qu’à  une “petite” centrale atomique de 200 MW €¦
    et pour vingt ans seulement (usure des panneaux)

  3. Ce calcul est un peu déprimant. Il ne tient pas compte de l’énergie grise (utilisée pour produire soit une installation photovoltaïque soit une centrale nucléaire de fusion et les combustibles nécessaires), ni des pertes de distribution (presque inexistantes avec une injection de photovoltaïque dans le réseau local).
    La principale différence reste que la technologie photovoltaïque est disponible aujourd’hui, alors que la fusion est annoncée comme une éventualité pour la seconde moitié ou la fin du siècle. Au surplus, elle est rentable dans les pays qui garantissent un rachat au prix de revient.
    Voici quelques données trouvées sur Wikipedia:
    La Centrale Photovoltaïque de Sainte-Tulle en quelques chiffres:
    * Superficie : 16,7 ha, en bordure de l’autoroute, donc aucune nuisance paysagère.
    * Puissance installée : 6,3 MW.
    * Nombre de modules photovoltaïques : 45 000.
    * Puissance unitaire des ùodules : 140W.
    * Hauteur des modules : entre 1m et 4,5m.
    * Investissement : environ 25 ME.
    * Energie produite : environ 8 500 MWh/an.
    Sur cette base, je calcule que l’investissement correspond à  2.94 ‚¬/kWh de production annuelle, ou 0.34 ‚¬/kW de puissance moyenne (8760 h/an). Ainsi, un investissement de 10 milliards d’euros permet de réaliser une puissance photovoltaïque continue de 388 MW, soit le double du résultat précédent. Voilà  qui rassure un peu… Toujours selon Wikipedia, les investissements photovoltaïques mondiaux totalisent environ 4 milliards de dollars par an.
    Il faut encore relever que plus on investit dans ces techniques, plus les rendements s’améliorent (ils ont doublé pour atteindre 20% pour les panneaux commercialisés aujourd’hui) et plus les coûts de production diminuent. Il se pourrait bien qu’en 2070 les investissements dans le photovoltaïques seront devenus encore plus rentables.

  4. Le groupe TOTAL vient de réaliser qu’il n’a que trop contribué à  la pollution de la planète (et des mers) et change de cap en se lançant à  la place dans le … Nucléaire !
    C’est expliqué sur le blog http://www.thedino.org et l’article s’intitule : Changement TOTAL de stratégie.

  5. Bonjour,
    Vous avez remarqué que le débat sur la nécessité de planifier la construction de nouvelles centrales est relancé.
    Les électriciens suisses et economiesuisse font le forcing pour conduire notre pays droit dans le mur! Ils essaient de convaincre les citoyens consommateurs qu’une pénurie nous menace et qu’il faut construire de nouvelles centrales nucléaires et au gaz. Ils préconisent de recourir de plus en plus à  des énergies, comme l’uranium et le gaz:
    * qui s’épuisent rapidement;
    * qui deviennent de plus en plus chères;
    * qui menacent les équilibres naturels et en fin de compte la vie même, sur Terre.

    Heureusement les alternatives existent: moins gaspiller d’énergie et développer les énergies renouvelables. Prenez les chauffages électriques directs: en plein hiver, Muhleberg, Beznau I et Beznau II, tournent à  plein pour les alimenter. Interdisons ces chauffages ruineux, planifions leur remplacement dans les dix ans à  venir et l’on pourra arrêter ces trois centrales nucléaires, de plus en plus dangereuses avec l’ ge, sans manquer de courant.

    Exigeons que soient mis en vente que des lampes économiques, des frigos et congélateurs de classe A et A+, ainsi que des appareils sans «stand by » ruineux: nos portemonnaies et l’environnement en profiteront. Généralisons la construction et la rénovation de b timents répondant aux normes Minergie, ayons recours pour le préchauffage de l’eau chaude sanitaire aux énergies renouvelables.

    Prendre ces mesures non seulement nous permettra de nous passer du nucléaire sans augmenter les émissions de CO2, mais facilitera la création de dizaines de milliers d’emplois.

    C’est ce que montre une étude faite par le réseau Sortir du nucléaire français
    (à  télécharger sur: http://www.sortirdunucleaire.org/index.php?menu=sinformer&sousmenu=brochures&soussousmenu=courant-alternatif&page=index ). Investis à  bon escient dans l’efficacité énergétique et le renouvelable, les 5 milliards de francs prévus pour construire une nouvelle centrale nucléaire de type EPR permettraient de disposer de deux fois plus d’énergie et de créer quinze fois plus d’emplois!

    Et si la mise en place de ces mesures alternatives était trop lente, on pourrait toujours construire des centrales au gaz, avec pleine compensation des émissions de CO2…

    Etes-vous d’accord avec ces propositions? Etes-vous prêts à  les défendre ces prochaines années?

    Je reste à  votre disposition pour toute information complémentaire.
    Salutations cordiales.

    Christian van Singer
    Président du comité romand “Sortir du nucléaire”, député

  6. Pour l’éolien, la capacité installée a été multipliée par 18,6 dans le monde en dix ans (1995-2005).

    Pour le solaire photovolta ¨que, en 10 ans (1995-2005), la capacité installée a été multipliée par 31,2 dans le monde, par 23,8 au Japon, par 25,5 en Espagne, par seulement 14,0 en France, mais par 120 en Allemagne.

    Pour le nucléaire, voir : http://travail-chomage.site.voila.fr/energie/fin_uranium.htm

    Avec une pénurie d’uranium dans 8 ans et un “pic de production” dix ans plus tard (en même temps que le gaz) alors qu’aucune technologie nouvelle ne sera disponible avant 30 ou 40 ans au niveau industriel, le nucléaire n’a aucun avenir.

    Pour la fusion déjà  promise pour “dans 50 ans” il y a déjà  50 ans, celle-ci sera peut-être disponible en 2060 ou en 2100 … ou plus sûrement : jamais.

  7. Nucléaire: durable ou pas?

    A l’occasion d’une visite auprès des autorités fédérales à  Berne le 16.10.07, Rajendra Pachauri, président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), a déclaré qu’il voyait un potentiel de croissance dans l’énergie nucléaire, énergie pauvre en CO2 et attrayante au niveau économique. Le quatrième rapport du GIEC table sur un maintien de la part du nucléaire dans la production d’électricité et mise donc sur un doublement des capacités mondiales de production d’ici 2030 (voir http://www.nuklearforum.ch/119020895455–p-0-fr-index.html).

    De son côté, l’Agence des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (AEE) reprend à  son compte les chiffres fort intéressants présentés en septembre par Michael Dittmar, physicien au CERN, qui estime qu’en 2010 déjà , 5 à  10% des centrales nucléaires existantes ne disposeront plus d’assez de “carburant” (voir http://www.renouvelable.ch/index.php?id=70&L=1).

    Décidément, l’évaluation scientifique des ressources énergétiques mériterait un consensus à  l’échelle mondiale. Comment voulez-vous que les responsables politiques opèrent les bons choix face à  des visions aussi antinomiques? Et que peuvent bien penser les citoyens abreuvés d’informations en contradiction totale les unes avec les autres?

  8. Pour compléter le débat, je cite cette série d’études assez bien documentées sur les questions relatives à  l’énergie nucléaire :
    http://futura24.site.voila.fr/nucle/nucleaire.htm

    Par exemple:
    – remplacer tous les réacteurs nucléaires par des centrales au gaz produirait SEPT fois moins de CO2 que la déforestation chaque année,

    – les réacteurs de quatrième génération n’arriveront pas au stade commercial avant 2040 et en si petit nombre qu’ils ne pourront remédier à  la disparition des réacteurs précédents, touchés par le manque d’uranium

    – le coût (donc le prix) de l’électricité nucléaire va beaucoup augmenter avec le prix de l’uranium …

    Pour la fusion, on en reparlera dans 80 ANS, pour voir si des solutions commencent à  se dessiner.

    Mais d’ici là , ce projet inutile et coûteux aura été abandonné car depuis longtemps les énergies renouvelables seront abondantes et bien moins coûteuses que le nucléaire.

  9. Petit à  petit, le miracle EPR se dessine comme une impasse:

    Réseau “Sortir du nucléaire”
    Fédération de 872 associations
    agréée pour la protection de l’environnement
    http://sortirdunucleaire.org/

    Communiqué de presse

    Révélations d’une source interne à  EDF : l’EPR risque l’accident nucléaire !

    Le Réseau « Sortir du nucléaire » révèle des documents confidentiels, divulgués par une source anonyme interne à  EDF. Ces documents démontrent que la conception de l’EPR implique un sérieux risque d’accident majeur €“ risque pris en conscience par EDF pour des raisons de calcul économique. Potentiellement sujet à  un emballement dont les conséquences seraient incontrôlables, l’EPR s’avère donc extrêmement dangereux.

    Le Réseau “Sortir du nucléaire” a constitué un groupe d’experts pour analyser de façon approfondie ces documents, qui nous ont été envoyés très récemment. Voici les premiers enseignements que l’on peut en tirer, ils sont de première importance.

    Certains modes de pilotage du réacteur EPR peuvent provoquer l’explosion du réacteur à  cause d’un accident d’éjection de grappes (qui permettent de modérer, d’étouffer la réaction nucléaire). Ces modes de pilotage sont essentiellement liés à  un objectif de rentabilité économique, qui implique que la puissance du réacteur puisse être adaptée à  la demande électrique. Ainsi, dans le but de trouver une hypothétique justification économique à  l’EPR, ses concepteurs ont fait le choix de prendre le risque très réel d’un accident nucléaire. De plus, l’essentiel des arguments en faveur de l’EPR (puissance, rendement, diminution des déchets, sûreté accrue) s’avèrent faux.

    EDF et Areva ont tenté de modifier le pilotage du réacteur : ces efforts n’ont pas abouti à  des parades éliminant cette classe d’accidents. L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a semble-t-il été tenue à  l’écart de ces questions.

    Il semble donc bien que la conception de l’EPR accroisse le risque d’un accident de type Tchernobyl, qui entraînerait la destruction de l’enceinte de confinement et la dispersion massive de radionucléides dans l’atmosphère.

    Les 8 et 9 mars, Paris accueille une conférence internationale pour inviter 65 pays à  se doter de la technologie nucléaire. Cette conférence sera ouverte par Nicolas Sarkozy et animée par le Directeur Général de l’AIEA. Il est scandaleux que la France continue ainsi à  faire la promotion du nucléaire en général, et de l’EPR en particulier, alors même que la dangerosité de ce réacteur est aujourd’hui démontrée. Il faut donc abandonner immédiatement la construction de l’EPR en Finlande, en France et en Chine, et annuler impérativement le projet prévu à  Penly. Le meilleur moyen d’éviter l’accident nucléaire reste la sortie du nucléaire.

    Le scénario accidentel en détail :

    Selon les calculs d’EDF et d’Areva, le pilotage du réacteur en mode RIP (retour instantané en puissance) et la disposition des grappes de commande du réacteur peuvent provoquer un accident d’éjection des grappes de commande à  faible puissance et entraîner la rupture de l’enveloppe du mécanisme de commande de la grappe (i). Cette rupture provoquerait le passage du réfrigérant en-dehors de la cuve du réacteur nucléaire. La perte de réfrigérant (un type d’accident nucléaire très grave) entraînerait la rupture d’un nombre important de crayons par échauffement du combustible et des gaines (ii) et donc le rel chement de vapeur extrêmement radioactive dans l’enceinte de confinement. Il y a alors un risque important d’excursion critique qui résulterait en une explosion (iii), la puissance du réacteur EPR étant démultipliée de façon extrêmement brutale.

    Suite aux éjections des grappes de commande à  faible puissance (EDG), le réacteur EPR pourrait ne pas se mettre en arrêt automatique (iv). Quelle que soit la configuration des grappes de commande, l’accident d’éjection de grappe de commande entraîne un taux important de rupture du combustible (NCE) et donc un risque élevé d’excursion critique (v).

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