Ce n’est qu’à plus de 40 ans que j’ai appris – une soirée thématique de Arte, je crois – que, malgré leur incroyable diversité, tous les chiens descendent du loup. Inspirés par les travaux de Konrad Lorenz, des chercheurs en éthologie ont tenté de domestiquer des loups et sont parvenus à la conclusion que la relation devait se nouer avant le sevrage du louveteau, ce qui n’était possible qu’en l’absence de la louve. Il a donc fallu que le petit animal soit nourri au sein par une femme. Voilà qui éclaire de manière stupéfiante le mythe fondateur de Rome: Romulus et Remus nourris par une louve! Jeudi 7 juillet 2010, Temps Présent est revenu sur ce sujet qui m’a une nouvelle fois captivé et qu’il est possible de visionner sur le web (voir http://www.tsr.ch/emissions/temps-present/2034504-la-vie-secrete-des-chiens.html).

Cela n’a rien à voir, mais cette histoire retient bien plus mon attention que l’affaire de Baxter, ce pitbull qui a mordu un enfant au visage il y a quelques semaines à Préverenges (VD) et dont on se demande s’il faut ou non l’euthanasier…

Cette rencontre de l’Homme et du loup, dont on a des preuves formelles remontant à 10’000 ou 15’000 ans (même si certains pensent qu’elle est bien plus ancienne), me fascine en ce qu’elle nous apprend tant sur nous-mêmes que sur les chiens. Domestiqué des millénaires avant que l’Homme ne pratique l’élevage, il s’est créé entre les deux espèces des liens extraordinaires. Temps Présent nous raconte cette expérience menée depuis 50 ans en Sibérie avec des renards argentés (sauvages) dont la sélection, sur 35 générations, a permis d’isoler une lignée d’animaux socialisés parmi les humains et de mettre en évidence les mutations génétiques permettant cette socialisation et la disparition des comportements agressifs. Et si, en retour, le génome des êtres humains s’était modifié aussi au fil de cette évolution conjointe? Que penser de la mythologie qui entoure le loup? Et que dire de ce célèbre aphorisme “l’Homme est un loup pour l’Homme”, si essentiel pour l’explication libérale de la société capitaliste?

Tout ceci renforce ma conviction que l’on devrait investir bien plus qu’on ne le fait dans les sciences sociales et comportementales si l’on veut parvenir à faire vivre dans la concorde les êtres humains entre eux et avec l’ensemble du règne animal. Un programme de recherche qui se poursuit sur plus de 50 ans et qui commence seulement à nous livrer les premiers résultats scientifiques a quelque chose de fascinant. Comment mobiliser des ressources pour lancer des études dont les résultats utiles ne sont pas exploitables après 3-5 ans? On trouve des millions pour séquencer le génome de telle ou telle espèce, mais ces résultats, pour remarquables qu’ils soient, ne nous donnent guère de clés pour développer notre connaissance et guider notre action.

Voilà une petite réflexion de vacances, un peu plus profonde qu’à l’accoutumé…