Un système de transport qui intègre 93% de la population vaudoise

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C’est un projet de grande envergure qui vient d’aboutir avec l’extension de la communauté tarifaire vaudoise Mobilis jusqu’à Coppet à l’ouest, Ste-Croix au nord et Villeneuve à l’est. Dès fin 2010, environ 650’000 habitants accèderont avec un seul titre de transport à 1’800 km de lignes de transports publics, exploitées par 11 entreprises de transport et desservant 2’160 arrêts! Avec 140 millions de francs de chiffre d’affaires, Mobilis devient la 3e plus grande communauté tarifaire de Suisse après Zurich et B le. Pour la concrétisation de ce projet, le canton de Vaud va investir 7,5 millions de francs pour adapter les systèmes de vente, les systèmes de vérification des titres de transport, les grilles tarifaires et la communication. On évalue en outre à 4,3 millions de francs les pertes de recettes qui résultent de tarifs globalement plus favorables. Une perte de recette qui sera compensée en partie par une augmentation du nombre de clients, mais aussi par une majoration des tarifs d’environ 4,4% (+0,4% de hausse de la TVA votée par le Peuple en faveur de l’AI). Voir le communiqué de presse du 12.01.10.

Le processus de concertation qui a permis cette extension s’est avéré plus difficile et plus lent que ce que j’avais espéré et annoncé au Grand Conseil. Mais le diable se cache dans les détails. En effet, il aura fallu investir des millions de francs dans de nouveaux systèmes de distribution (un distributeur automatique de titres de transport qui rend la monnaie et accepte les cartes de crédit coûte plus de 50’000.- francs) et la reprogrammation des bases de données tarifaires des CFF nécessite un an et demi de travail. Autre difficulté technique à surmonter: les petits ordinateurs rouges des contrôleurs CFF ne permettent pas de lire les abonnements format carte de crédit des tl ou des VMCV (technologie RFID) et doivent donc être adaptés pour tous les trains grandes lignes qui desservent les gares Mobilis (Montreux, Morges, Nyon ou Yverdon, par exemple).

Mais le jeu en vaut la chandelle. La facilité de circuler sur les lignes régionales et les réseaux urbains devrait entr ner à elle seule un accroissement du nombre de voyageurs estimé à plus de 3%. Et cela malgré l’augmentation de certains tarifs. A titre d’exemple, la précédente extension de la communauté tarifaire vaudoise avait intégré le funiculaire Cossonay-Ville / Cossonay-Gare, entr nant une augmentation très forte du tarif “historique”, mais s’est conclue par un accroissement de 20% de la clientèle. Ce paradoxe s’explique simplement par la plus grande attractivité d’une “ch ne de transport” intégrant les trains CFF et les réseaux urbains de la région lausannoise. Comme le montre une série d’exemples de tarifs (voir comparaison des tarifs, pdf 43,8 Ko), ce sont exclusivement les parcours entre deux gares qui voient leurs prix augmenter. J’ignore quelle est la proportion des pendulaires Vevey-Lausanne qui n’utilisent pas les bus VMCV et/ou tl, mais je suppose qu’elle est très faible. Surtout, à partir du moment où les réseaux urbains des deux villes sont compris dans l’abonnement, on peut imaginer que ces services seront utilisés au moins occasionnellement, ce qui compense la hausse tarifaire subie.

Par définition, la communauté tarifaire suppose une harmonisation tarifaire. C’est ainsi que le ticket de bus à Yverdon-les-Bains va passer de 2 francs à 3 francs. Scandale? Peut-être, même si ce tarif ne couvre qu’un tiers du coût réel. Certainement pas, si l’on tient compte de deux éléments: prolongation de la durée de validité et promesse de développement de l’offre des transports publics urbains. En effet, le ticket actuel n’est valable qu’une demi-heure actuellement: un peu court pour aller faire une course en ville et revenir. A l’avenir, le client occasionnel disposera, comme à Lausanne, d’une heure et pourra se contenter d’un ticket à 3.- francs au lieu de deux tickets à 2.- francs. Mieux, gr ce à la communauté tarifaire, on disposera de 4 heures pour se rendre à Lausanne et revenir avec un seul ticket! Il faut donc se garder des comparaisons trop h tives. Et puis, il faut citer l’exemple de Morges qui avait aussi subi une forte hausse du prix du billet en entrant il y a quelques années dans Mobilis et qui, gr ce à une volonté politique et à ces nouvelles recettes a, depuis, fortement amélioré la qualité de l’offre en termes de fréquence, confort et nouvelles dessertes. Je ne doute pas que les autorités yverdonnoises accéléreront le développement de l’offre en transports publics, en droite ligne avec le projet d’agglomération envoyé à la Confédération en décembre dernier.

Conformément à son plan directeur et à l’objectif du Conseil d’Etat de faire porter l’essentiel de l’augmentation de la mobilité sur les transports publics, le canton de Vaud est en train ratrapper rapidement son retard en la matière, qu’il s’agisse des liaisons CFF grandes lignes (cf. accords Vaud-Genève), du RER vaudois et franco-valdo-genevois, des axes forts de transports publics du PALM (retour du tram) ou des réseaux urbains. L’extension de la communauté tarifaire à l’ensemble du canton (le Chablais et le Pays-d’Enhaut devraient suivre dès 2012) apporte le sésame à un système de transport intégré et de plus en plus performant.

Certains pensent que la communauté tarifaire est d’abord un moyen d’offrir des rabais supplémentaires sur les services de transports publics et considèrent que l’Etat de Vaud a les moyens d’offrir plus sans qu’il en coûte un sou aux usagers. Cette vision me semble trop simpliste. S’il faut choisir, la marge de manoeuvre financière doit être engagée dans un développement ambitieux de l’offre et pas dans des subventions arrosoir pour l’utilisation d’un réseau souvent saturé et parfois vétuste. Il devrait être possible d’enclencher un cercle vertueux permettant à ce canton de rejoindre Zurich, B le ou Berne, des cantons affichant des prix très sensiblement plus hauts, où la part des transports publics est plus élevée de 10-15 points de pourcent et où les recettes sont aussi d’environ 10 points de pourcent plus hautes (ce qui équivaudrait chez nous à 50 millions de francs par an dans les caisses des entreprises de transport). Pour engranger ces recettes supplémentaires afin de les réinvestir dans l’amélioration de l’offre, il faut fournir à la clientèle ce qu’elle est disposée à payer. Je ne doute pas une seconde que la communauté tarifaire trouvera rapidement une clientèle plus nombreuse. Malgré les tarifs.

7 réflexions au sujet de « Un système de transport qui intègre 93% de la population vaudoise »

  1. Un abonnement CFF Vevey Lausanne annuel qui passe de 1260 à  1760 francs: la pilule est dure à  avaler.

    Je reprendrai probablement mon véhicule pour me rendre sur mon lieu de travail.

  2. A Zurich ou à  Berne, les tarifs communautaires sont sensiblement plus élevés qu’à  Lausanne et pourtant la part des transports publics dans le total des déplacements y oscille entre 50% et 60% contre 35% chez nous. Par conséquent, les recettes de transport qui peuvent être réinvesties dans le développement de l’offre y est beaucoup plus élevée. Or on sait que la propension à  utiliser les TP dépend plus de la qualité de l’offre que du prix. D’une certaine façon, baisser les tarifs Mobilis – voire offrir la gratuité pour tous ou certaines catégories de la population – risquerait d’empêcher un développement plus rapide et nécessaire des TP.

    C’est ce que constate Albert Tille dans un article de Domaine Public: http://www.domainepublic.ch/articles/15989

  3. Bonjour,
    merci pour la sympathique discussion dans le train en retour du soupé parlementaire du logiciel libre.

    Un genevois pas aigri mais vert cependant

  4. Cher Monsieur Marthaler,
    Je prends le train de Vevey à  Lausanne pour me rendre à  mon bureau et je marche en ville parce que j’aime marcher. Un ticket Mobilis et un ticket simple me semblent être une solution juste. Ce système me semble être un tour de passe-passe poussant à  la consommation. Le choix, toujours proposer le choix. Cela n’empêchera pas l’achat d’un ticket Mobilis si besoin est.
    Avec mes respects sincères.

    Marc-Antoine

  5. Cher Monsieur Oberson,

    Nous pourrons certainement poursuivre notre dialogue sur l’un ou l’autre des nombreux articles que j’ai publiés sur ce blog au sujet des logiciels libres. D’ores et déjà  merci pour cet intéressant échange de vue.

    Dois-je comprendre qu’un Genevois pas aigri ne saurait être vert? Ou qu’un Genevois aigri devrait l’être? Aigri vert?

    Meilleures salutations.

  6. Cher Monsieur de Muralt,

    Je comprends votre critique. Mais elle ne devrait pas s’adresser à  Mobilis, mais à  toute communauté tarifaire. En effet, il s’agit par définition d’offrir un titre de transport unique pour accéder ensuite librement à  un réseau de transports publics sur une zone déterminée. Si vous n’y voyez guère d’avantage, d’autres, nombreux, y trouvent le leur. Et chaque extension de la communauté tarifaire entraîne une augmentation de fréquentation sur l’ensemble du système de transport. En tant que défenseur d’une mobilité durable à  l’échelle du Canton, je ne peux que m’en réjouir.

    Je note avec plaisir que vous continuerez cependant à  utiliser les transports publics. Quant à  la marche à  pieds, elle procure des bénéfices au niveau de la santé et mérite tout autant d’être encouragée.

    Meilleures salutations.

  7. Cher Monsieur Marthaler,

    conscient du défi que représente la “mobilité durable”, il est en effet temps de s’y atteler et vous en félicite d’en être le défenseur, je ne peux m’empêcher de penser au libre arbitre “mobilis ou ticket unique”. C’est comme ça, peut-être est-ce pour cela que je suis à  mon compte. Néanmoins, si cette initiative est faite pour le bien commun, j’y serais solidaire, bien entendu.

    Bien à  vous.

    Marc-Antoine

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