(Source: article publié sur www.novethic.fr le 25.07.2019, image Nasa Earth Observatory)
Il n’y a pas que l’Amazonie qui brûle, dégageant des mégatonnes de CO2, déséquilibrant les écosystèmes et menaçant la biodiversité! Depuis le début du mois de juillet, le Nasa Earth Observatory (l’observatoire terrestre de la Nasa) a posté pas moins de cinq séries de photographies montrant des incendies géants en zone Arctique visibles de l’espace… ils se déroulent en Ontario, en Alaska, au Groenland, et dans l’immense Sibérie. Entre mai et octobre, les incendies dans ces régions ne sont pas rares mais ils atteignent cet été 2019 des intensités inédites.
Le Copernicus Atmosphere Monitoring Service (CAMS), service de l’Union européenne, constate que “Au cours des six dernières semaines, (ont été observés) 100 feux de forêt intenses et de longue durée dans le cercle polaire arctique. En juin seulement, ces incendies ont émis 50 mégatonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce qui correspond aux émissions annuelles totales de la Suède“. L’institut calcule que ces seules émissions représentent plus que tout ce que les incendies dans l’arctique ont relâché entre 2010 et 2018.
Pendant ce temps-là, Donald Trump souffle sur les braises du scepticisme climatique. Un fléau qui touche, paraît-il, plus de 60% des Étasuniens.
Et les Suisses sont de plus en plus nombreux à rouler dans un véhicule de plus de deux tonnes, avec pour conséquence que la moyenne des émissions de CO2 par kilomètre des nouveaux véhicules immatriculés dans notre pays a à nouveau augmenté, passant de 134 à 138 grammes de CO2 par kilomètre en 2018. Pas étonnant, lorsque l’on apprend que les 4×4 représentent la moitié des véhicules neufs vendus (voir https://www.rts.ch/info/economie/10179933-les-voitures-ont-emis-plus-de-co2-en-2018-a-cause-des-4×4-et-du-dieselgate.html)!
Rien que sur ce point du trafic individuel motorisé, on n’est pas sorti de l’auberge… Non seulement on s’éloigne un peu plus de la valeur-limite de 130 grammes de CO2 fixée en 2015, mais il n’y a plus aucun espoir d’atteindre la cible de 95 grammes de CO2 d’ici fin 2020, cible fixée dans la loi pour attester de nos engagements en matière de politique climatique.
Bien sûr, le législateur a prévu des sanctions contre les importateurs qui ne respecteraient pas les objectifs d’émission du pays. Mais là aussi, le Parlement a légèrement arrangé les bidons.
La RTS résume (c’est moi qui souligne en gras):
Il y a 10 ans, le Parlement a mis en place un dispositif de sanctions qui déresponsabilisait totalement l’acheteur de voiture polluante. On ne regarde plus alors les émissions de CO2 de chaque véhicule pour calculer la taxe, mais on fait la moyenne entre tous les véhicules vendus par la même marque ou le même groupe. Ce sont donc les achats de petits véhicules moins polluants qui permettent aux détenteurs de gros 4×4 à essence de ne pas payer trop de taxes.
Des amendes sont prévues pour les concessionnaires qui dépassent la moyenne. Mais elle est dérisoire. En 2016, par exemple, le groupe Mercedes a déboursé un peu moins de 200’000 francs, soit une amende de 7,50 francs pour chaque véhicule vendu par la marque allemande.
Mais cela pourrait changer, car dès 2020, la limite de CO2 par véhicule va baisser à 95 grammes par kilomètre. Les importateurs évoquent des amendes de l’ordre de 200 millions de francs. A Berne, on prépare à nouveau des mesures destinées à diminuer les amendes prévues sur les émissions de CO2.
La Suisse se montre assez inventive pour justifier le non respect de ses engagements climatiques en la matière. On peut découvrir les mécanisme de phasing-in et de supercredits sur le site de Auto Suisse: https://www.auto.swiss/fr/politique/dispositions-sur-le-co2/. La candeur de l’argumentation est déconcertante! Avec un pouvoir d’achat supérieur (et une topographie présentant un peu plus de reliefs), les Suisses roulent dans de plus grosses voitures et il serait injuste d’exiger d’eux qu’ils réduisent leurs émissions au même rythme que leurs voisins.
Le problème, c’est que, même avec un retard supplémentaire de 5 ans, la Suisse n’atteindra pas ses objectifs. Le drame, c’est qu’il en ira probablement de même pour nos voisins européens. Reste à savoir si, à l’instar de la Suisse, l’UE parviendra à anéantir à temps les mécanismes d’amendes prévus dans les accords internationaux sur le climat…
PS1: Toutes les valeurs d’émission de CO2 se basent sur les données des constructeurs. Chacun sait bien, ne serait-ce qu’en lisant les publireportages de nos quotidiens régionaux, que ces valeurs sont largement sous-évaluées. Le défi n’en est que plus grand.
PS2: On peut considérer que les 50% des Suisses qui font l’acquisition d’un gros 4×4 sont climato-sceptiques (ou alors schizophrènes). En partant de l’idée que 50% de l’autre moitié ne fait pas ce choix faute de moyens (ces engins de prestige social valent entre 40 et 150 mille francs), on peut considérer que 75% de nos compatriotes sont climato-sceptiques. Plus que les Étasuniens…
PS3: Même si je me refuse à y croire, tout laisse à penser que l’Humanité boira la coupe jusqu’à la lie. Jusqu’à la dernière goutte de pétrole. Je ne serai plus là pour le voir, mais c’est foutrement dommage!