Taxe écologique sur l’utilisation des graviers: le Conseil d’Etat va de l’avant

gravière

Les graviers constituent une ressource non renouvelable et plusieurs cantons suisses n’en disposent tout simplement plus. Le canton de Vaud comprenant une vaste plaine alluviale a encore d’importantes réserves (pour plusieurs décennies), mais il lui devient de plus en plus difficile d’accorder des permis d’exploitation en raison des nuisances induites par les transports en camion à destination des zones urbanisées. Suivant une proposition que j’avais faite en 1998, le Conseil d’Etat a décidé d’étudier sérieusement l’idée d’une taxe sur l’utilisation des graviers favorisant le recyclage et permettant de compenser les surcoûts d’un transport par rail chaque fois que cela est raisonnable (voir le communiqué de presse du Conseil d’Etat du 22 mai 2008).

Dix ans pour qu’une étude soit réellement engagée. On peut s’interroger sur la capacité des pouvoirs publics à répondre aux défis nouveaux. Mais j’admets bien volontiers que le problème s’avère sensiblement plus complexe que l’énoncé de l’idée peut laisser penser. Comment percevoir la taxe sans engendrer des frais administratifs disproportionnés? Comment la redistribuer sans créer de nuisibles distorsions de concurrence? Où localiser les interfaces de transbordement rail-route dans des zones urbanisées, c’est à dire là où les nuisances toucheront beaucoup de gens et où la pression foncière est élevée? Comment profiter de ce nouveau système de transport pour déplacer les quantités tout aussi importantes de matériaux d’excavation jusque dans les sites d’extraction à combler? Dans quelle mesure les matériaux de recyclage non soumis à la taxe seront-ils privilégiés, par exemple pour la production de béton? Avec quelle incidence à la baisse sur la demande de gravier “neuf” et donc sur le produit de la taxe?

Il reste donc bien des problèmes à résoudre. Mais je suis persuadé que les réponses adéquates seront trouvées et approuvées par les professionnels concernés. Peut-être que la jurisprudence du Tribunal fédéral favorisera la bonne volonté des uns et des autres…

En effet, un récent arrêt du TF, rendu dans le cadre d’un recours contre l’ouverture d’une gravière dans le canton de Berne, conclut: « l’extraction du gravier n’est fondamentalement pas conforme au principe du développement durable ( « Kiesabbau ist grundsätzlich nicht nachhaltig »), car elle implique l’utilisation d’une ressource non renouvelable. Le principe du développement durable rappelle dans ce contexte que le gravier ne doit être employé que là où d’autres matériaux ne peuvent pas l’être et qu’il faut inciter à l’emploi de produits de remplacement recyclés ou renouvelables. Il revient en première ligne au législateur d’ordonner les mesures correspondantes. »

Certes, le TF a rejeté le recours, mais il a cependant confirmé que le législateur cantonal devait se préoccuper de concrétiser ce principe. C’est certainement ce que ferait le canton de Vaud en adoptant une taxe sur les graviers favorisant le recyclage et permettant un transfert modal.

2 réflexions au sujet de « Taxe écologique sur l’utilisation des graviers: le Conseil d’Etat va de l’avant »

  1. Monsieur le Conseiller d’Etat et Cher Monsieur,

    Nous aurons effectivement l’occasion d’èvoquer cette problématique de la taxe sur les graviers que le CE souhaite introduire. Mais je vous suggère de bien réfléchir avec vos colistiers quant à  l’implication de cette éventuelle taxe sur les finances de l’Etat. Je ne suis pas sûr et certain que Monsieur Broulis partage votre opinion. Je vous rappelle très respectueusement que les corporations publiques – par quoi j’entends aussi bien le canton que les communes – mettent en oeuvre grosso modo un 50% des constructions érigées sur le sol vaudois. Magnifique auto goal pour l’Etat de Vaud qui va donc payer lui aussi une taxe sur les graviers à  hauteur de ce qu’il construit et que ce que construisent les communes! Il est vrai que le canton encaisse des redevances de gravier supérieures à  ce qui se pratique couramment et qui sont de fr. 6.- par m3 de gravier. En contre partie de cet encaissement le canton a donc les moyens de payer un nouvel impôt fût-il affecté…Par contre, je trouve beaucoup plus juste – mais vous m’aviez dit une fois que ce n’était pas votre dicastère et donc pas votre problème mais cela le deviendra de toute façon que vous le vouliez ou non – qu’une taxe de cette nature soit mise à  charge des importations de graviers en provenance de France qui représentent officellement 80000 mouvements de véhicules par année (vous savez j’imagine que les redevances payées aux propriétaires français représentent zéro cinquante euro par m3 soit huit fois moins que la redevance perçue par le canton sur les terrains exploités en gravières, terrains dont ce même canton est propriétaire….). Et comme j’ai toutes les peines du monde à  lire dans le Grenelle de l’environnement un chapitre consacré à  l’utilisation parcimonieuse des richesses du sol, il faut bien commencer quelque part et pourquoi pas justement par une texe qui est de nature à  empêcher ces importations ?

  2. Cher Monsieur,

    Je suis parfaitement conscient des incidences financières d’une telle taxe sur le coût des ouvrages réalisés par l’Etat et les communes. L’alternative à  une taxe incitative serait une décision des pouvoirs publics de n’approvisionner leurs chantiers en gravier qu’à  la condition que les transports se fassent majoritairement par le rail. Exemplarité oblige. Mais dans ce cas comme dans l’autre, il faudrait admettre un surcoût.

    Si c’est la taxe qui devait être préférée, j’espère qu’elle aurait un effet incitatif sur les choix techniques de l’Etat aussi. Il est fréquent que des entrepreneurs reprochent à  l’Etat de ne pas utiliser autant de matériaux de recyclage que ce qui serait techniquement possible. Il semble donc qu’un potentiel de substitution existe et qu’une taxe pourrait favoriser l’utilisation des produits de recyclage qui, eux, en seraient exemptés.

    La taxe sur l’utilisation des graviers concernerait indifféremment les produits locaux et les produits importés. Son introduction ne favoriserait donc pas les graviers français. Quant à  l’idée d’une taxe à  l’importation, elle serait tout simplement contraire aux accords GATT/OMC. Reste la possibilité de réduire les taxes cantonales perçues sur les gravières dont il est propriétaire. Mais ce serait, admettez-le, une signal contraire à  la volonté de favoriser une utilisation plus économe des ressources non renouvelables. Alors je parie sur l’idée que les collectivités publiques de France voisine ne manqueront pas d’augmenter à  terme les taxes perçues, pour des motifs tant écologiques qu’économiques.

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