Contre-nature adjectif péjoratif qui a remplacé “péché” pour montrer du doigt son prochain depuis que l’évocation du Lévitique est devenu moins porteur. A deux définitions:
1) Qui ne se passe pas ainsi dans la nature.
Cette définition plus primaire part du principe que la nature est forcément l’exemple à suivre. Ainsi, le conseiller fédéral Ueli Maurer considérant que la femme doit rester à la maison indique “C’est aussi comme cela dans la nature. Le chevreuil ne s’occupe pas de ses faons” (source).
Selon cette définition, sont donc contre-nature les activités suivantes:
- Faire du patin à glace (un chevreuil ne fait pas de patin à glace)
- Lire la “Critique de la raison pure” (un chevreuil ne lit pas “La critique de la raison pure”)
- Boire un verre de Dézaley (un chevreuil ne boit pas de Dézaley)
- Voter UDC (un chevreuil ne vote pas UDC)
Sont par contre considérées comme naturelles les activités suivantes:
- Vivre constamment nu dans la forêt
- Brouter
- Chasser son enfant dès le 13ème mois
2) Qui est contraire à la nature de l’être humain.
Cette définition, notamment utilisée par l’acteur suisse Alain Delon (source), considère que chaque personne, de par ses caractéristiques, est déterminée à un rôle bien précis. Ainsi, selon le conseiller fédéral Ueli Maurer, le rôle de l’homme est de devenir soldat et le rôle de la femme est de faire des enfants (source). Cette définition est très pratique pour indiquer à une certaine partie de la population qu’ils ne peuvent quand même pas vivre comme ils l’entendent puisqu’ils ont – par essence – un “rôle”. Il va de soit que ce rôle correspond bien sûr toujours aux buts de son propre programme politique, par exemple:
- Machiste: “Il est contre-nature pour une femme de ne pas faire des enfants et la cuisine”
- Homophobe: “Il est contre-nature pour un homme de coucher avec un homme”
- Raciste: “Il est contre-nature pour un noir de faire le même travail qu’un blanc”
- Feignant: “Il est contre-nature que les humains travaillent”
L’autre aspect pratique de cet adjectif, c’est qu’il ne nécessite pas d’explication. En effet, dans un débat politique, personne ne questionne sur ce qu’est réellement la nature de l’être humain, s’il a une destinée inscrite ou d’où tombe ce “rôle” qu’on lui attribue, parce que c’est chiant et que ça endort le téléspectateur qui peine déjà à garder les yeux ouvert.
Toutefois, en cas d’improbable questionnement sur la vacuité de cet adjectif, il est tout à fait possible de sortir la botte secrète du politicien en manque d’arguments: “Mais enfin, c’est du bon sens!”