Déchets: la taxe forfaitaire bientôt à la poubelle

composition poubelle

Saisie par une citoyenne de Romanel-sur-Lausanne soutenue par les Verts, la Cour Constitutionnelle du canton de Vaud vient de rendre un arrêt (voir http://www.jurisprudence.vd.ch/; arrêt non encore publié) qui annule le règlement communal prévoyant un financement de la gestion des déchets non conforme au principe “pollueur-payeur” inscrit depuis 20 ans dans le droit fédéral. Cette décision va certainement créer les conditions d’un accord politique global sur un modèle de financement combinant une taxe de base couvrant 25% des coûts et une taxe proportionnelle (au sac ou au poids) pour le reste. Cela devrait surtout rapprocher les Vaudois de l’objectif qu’ils se sont donné de recycler 60% des déchets. Pour moi, c’est une étape importante dans un combat politique, professionnel et individuel de plus de 15 ans… (voir le communiqué de presse des Verts du 14.10.09, pdf)

On se souvient qu’en 2002, le Grand Conseil avait finalement renoncé à imposer aux communes des règles de financement de l’élimination des déchets conformes à l’art. 32a LPE (Loi fédérale sur la protection de l’environnement). Contrairement à l’avis de la minorité (défendu par le soussigné, alors député), on avait inscrit dans la loi la possibilité d’un financement par une taxe forfaitaire. Pour les Verts, ce mode de financement est le pire de tous dans la mesure où il s’apparente à un “droit de polluer”, ce qui est tout le contraire d’une taxe proportionnelle qui incite à la réduction et au tri des déchets. Associés aux socialistes (partisans d’un financement par l’impôt), les Verts ont lancé le référendum contre cette loi et le peuple vaudois a rejeté la loi.

En 2005, le Grand Conseil a accepté une modification de la loi vaudoise. A nouveau, le courage politique a manqué pour imposer un système respectant le principe “pollueur-payeur”. La loi se borne donc sur ce point à proclamer que les communes doivent respecter le droit fédéral. Evidemment qu’aucun parti politique n’a lancé le référendum contre ce texte qui ne disait rien de contestable. Dès lors, il appartenait aux tribunaux de dire le droit. Les Verts ont donc décidé de saisir la justice dès qu’une commune adopterait une taxe forfaitaire. Ce fut le cas de Romanel-sur-Lausanne, une commune qui a “sagement” adopté le “modèle”proposé par Lausanne Région: 30% des charges financées par l’impôt, le solde par une taxe forfaitaire perçue selon la taille du ménage.

Dans son arrêt d’octobre 2009, la Cour constitutionnelle exclut totalement un recours à l’impôt pour financer, même partiellement (30%) l’élimination des déchets. Il est impossible de démontrer, dit-elle, un quelconque lien entre la quantité de déchets produits et les impôts payés (soit le revenu et/ou la fortune imposables). Etonnemment, elle considère qu’une taxe forfaitaire selon la taille du ménage constitue une simplification acceptable du principe “pollueur-payeur”. L’argumentation ne résisterait certainement pas à l’examen du Tribunal fédéral (TF), mais le jugement de la Cour constitutionnelle présente l’avantage de ne pas donner absolument tord à la commune et au canton.

Qu’importe. Si la commune de Romanel-sur-Lausanne ne forme pas recours et ne gagne pas au TF, il n’existe plus que deux choix: la taxe forfaitaire ou la combinaison préconisée par les Verts (25% taxe de base et 75% taxe proportionnelle). Face à cette alternative, même le plus doctrinaire des socialistes préférera la solution verte. Quant aux partis bourgeois, la perspective de pouvoir revendiquer une baisse de la fiscalité directe devrait les conduire à soutenir massivement le modèle défendu depuis toujours par les Verts.

Ma satisfaction d’aujourd’hui ne résulte cependant pas d’un déplacement de la charge fiscale! Mes activités professionnelles passées m’ont appris qu’avec l’introduction du principe “pollueur-payeur”, la quantité totale de déchets se réduit durablement de 25% et, avec elle, le coût à charge de la collectivité et l’impact pour l’environnement. Peut-être que si les thèses écologistes avaient été entendues plus tôt, on aurait évité une surcapacité d’incinération impressionnante, si j’en crois les dernières statistiques de la Confédération. Ainsi, avant même de mettre en service la nouvelle usine d’incinération de Giubiasco (2010), notre pays pourrait incinérer environ 400’000 tonnes d’ordures étrangères (11% du total), soit trois fois la capacité de TRIDEL (140’000 tonnes par an), l’usine d’incinération lausannoise!

4 réflexions au sujet de « Déchets: la taxe forfaitaire bientôt à la poubelle »

  1. Mon ancien collègue socialiste Pierre Chiffelle s’est fendu le 2 mars dernier d’un petit billet dans Le Nouvelliste intitulé “L’écologie n’est pas soluble dans le libéralisme”. Il y égratigne légèrement ses camarades socialistes dans le paragraphe que je prends la liberté de reproduire ci-dessous:

    “D’une manière difficilement compréhensible, elle [la gauche traditionnelle] peine parfois à  distinguer l’accessoire de l’essentiel lorsque, comme dans certains cantons, elle empêche l’application du principe pollueur payeur en s’opposant à  la taxe poubelle au seul motif, certes incontestable mais secondaire, de son iniquité en matière de capacité contributive.” Lire l’article complet.

    Sans que cela ne soit dit, ce commentaire concerne en premier lieu l’attitude du parti socialiste vaudois dans le débat du Grand Conseil qui a abouti, en février dernier, à  l’adoption par la droite et les Verts d’une initiative visant à  généraliser l’application du principe de causalité dans la loi vaudoise sur la gestion des déchets (LGD).

    Je partage – une fois de plus – le point de vue de Pierre Chiffelle. Avec cependant une nuance, car l’introduction d’une telle taxe visant à  orienter dans un sens écologique le comportement des consommateurs (et, par suite, des producteurs) s’accommode assez bien du libéralisme. Pour ne pas dire qu’elle en découle… C’est pour cela que les élus verts libéraux ont eux aussi soutenu l’initiative.

    En simplifiant, la droite plaide pour une primauté de la responsabilité individuelle, la gauche pour celle de la solidarité. Pourquoi cherche-t-on toujours à  opposer ces valeurs? La solidarité ne relève-t-elle pas aussi de la responsabilité individuelle? La protection de l’environnement, qu’elle soit soutenue par la droite ou la gauche, n’est-elle pas l’expression d’une solidarité essentielle avec l’ensemble des êtres humains, vivants ou à  venir?

    Merci Pierre pour ce petit pavé lancé dans la mare!

  2. Réflexion fondée, à  plus forte raison si des aménagements sociaux sont prévus concrètement pour éviter des chocs brutaux (par exemple pour les familles ayant une personne incontinente).

  3. Oui, cela me semble important d’utiliser le terme solidarité dans le domaine environnemental aussi. Parler de responsabilité individuelle comme un droit et un devoir pour tout un chacun et pas uniquement pour les individus possédant un certain revenu: Le débat “taxe au sac” et principe de causalité continuera au sein du Conseil communal lausannois… également.

  4. Dans une “opinion” publiée ce jour dans 24 Heures, la députée socialiste Michèle Gay-Vallatton se déclare favorable à  une réforme fiscale écologique. Dont acte. Mais elle ajoute en substance qu’avant d’introduire la “taxe au sac” il faudrait que les distributeurs fassent un effort de limitation à  la source des emballages. Encore un problème de poule et d’oeuf! Les grands distributeurs ont effectivement réduit les emballages en Suisse alémanique où la “taxe au sac” est généralisée. C’est ainsi que les sachets de lait “mous” ont supplanté les briques en carton et aluminium. Dans nos contrées, les consommateurs qui ne paient rien (de plus) pour éliminer leurs déchets semblent donner la préférence aux produits “bien emballés”. Même s’ils sont plus chers (bien plus chers que ce que coûte leur élimination!).

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