Tiens, l’informatique cantonale fonctionne!?

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Le 17 février dernier, le quotidien 24 Heures titrait à la une: “Le bug de l’été 2009 menace l’informatique cantonale”. Dans un éditorial assassin – comme à l’ordinaire – on annonçait la paralysie du Service des autos, des impôts et des hôpitaux vaudois. Tout cela sur la foi d’articles “spécialisés” diffusés sur le web, eux-mêmes fondés sur les déclarations des dirigeants de notre exploitant informatique Bedag, bien décidé à faire avorter l’opération de réinternalisation.

Malgré la déstabilisation induite par cette polémique, l’opération s’est bien déroulée et une centaine de collaboratrices et collaborateurs motivés ont poursuivi leurs missions, lundi 3 août 2009, dans de nouveaux locaux à Ecublens et pour leur nouvel employeur l’Etat de Vaud. Je leur souhaite la bienvenue et les remercie d’avoir eu à coeur, tout au long de cette période troublée, d’assurer le bon fonctionnement de l’informatique cantonale. J’en profite pour faire le point sur mes projets de modernisation de l’informatique vaudoise.

Tout d’abord un constat général: l’informatique cantonale coûte cher (plus de 110 millions de francs en 2009 dans le canton de Vaud) et pourtant chaque canton réinvente la roue bien que les t ches cantonales soient peu ou prou les mêmes. Le développement et la maintenance des applications “métiers” coûte, bon an mal an, quelque 50-60 millions de francs et une mutualisation de ces logiciels dans une optique open source devrait permettre de substantielles économies. C’est pourquoi j’ai défendu une licence “GPL de la CSI” pour gérer en commun les droits sur ces applications (voir article du 12.09.07).

Par ailleurs, l’informatique cantonale reste très hétérogène et morcelée. Chaque citoyen ou entreprise y est probablement enregistré 30 à 50 fois. Pour entrer de plain pied dans la cyberadministration, il faudrait un portail d’accès unique, comparable à ce que vous offre depuis des années votre banque ou votre compagnie d’aviation low cost. Heureusement, les différentes briques informatiques (en principe 100% open source) ne demandent plus qu’à être mises en place.

Face à cette situation, il s’est rapidement avéré nécessaire de regrouper les anciennes unités informatiques départementales sous une même Direction des systèmes informatiques (DSI). Le regroupement des budgets a permis une meilleure allocation des ressources et l’émergence de standards pour garantir une “urbanisation des systèmes d’information” plus rationnelle. Depuis janvier 2009, la DSI peut s’appuyer sur un règlement du Conseil d’Etat ainsi que sur une stratégie explicite du gouvernement qui légitiment son action, ses choix et ses priorités.

Restait la question de l’exploitation des ordinateurs confiée à Bedag en 2000, faute de disposer des quelque 30 millions de francs nécessaires à la construction d’un nouveau centre de calcul. Ce choix stratégique, validé par le Grand Conseil, était probablement le plus évident. A l’époque, la question de l’ouverture de ce marché public ne se posait pas, puisque Bedag était un établissement de droit public entièrement contrôlé par le canton de Berne. Mais ce dernier a décidé en 2003 de transformer l’entreprise en société anonyme de droit privé. Dès lors, il n’était plus possible pour le canton de Vaud de ne pas remettre en concurrence un marché de quelque 35 millions de francs par an, sauf à faire de Bedag une société coopérative sans but lucratif et ne fournissant ses prestations qu’aux collectivités publiques composant son capital social.

En juillet 2005, le Conseil d’Etat a donc décidé de dénoncer le contrat avec Bedag à sa première échéance, soit le 31.07.09. Le rapprochement de Bedag et d’Abraxas (son homologue détenue par les cantons de Saint-Gall et Zurich) entamé en 2006 a été pour moi l’occasion de défendre l’idée d’une entité commune à laquelle auraient été associés les trois plus grands cantons suisses. Mais cette vision de “service public” s’est heurtée aux ambitions des instances dirigeantes des deux sociétés qui n’entendaient pas se laisser mettre un “fil à la patte”. Ne restait alors plus que l’alternative suivante: lancer un appel d’offres ouvert à tous les concurrents du marché ou réinternaliser notre informatique. La première voie présentait toute une série de risques, dont celui d’être contraints à adjuger l’exploitation de nos données sensibles à une société étrangère. Elle a donc rapidement été abandonnée au profit de la réinternalisation (retour à la situation d’avant 2000).

Cette dernière solution permet une économie de plus de 5 millions de francs par an, qui s’explique pour l’essentiel par l’exonération de la TVA et la suppression de la marge bénéficiaire de 10% contractuellement due à Bedag. Conscient des besoins en matière de consolidation du socle des systèmes d’information, le Conseil d’Etat a décidé de maintenir cette somme au budget de la DSI (des investissements qui profitent à tous mais que personne ne veut financer au détriment de ses projets “métiers”).

Pour l’heure, seul le personnel a été transféré de Bedag à l’Etat de Vaud, les machines restant physiquement à Berne avant d’être rapatriées à Lausanne dans un futur nouveau green data center, ceci dans un délai de 3 mois (stockage des données) à 5 ans (mainframe IBM).

Le canton de Vaud dispose ainsi d’une informatique m trisée de bout en bout, conduite par des professionnels compétents et remotivés, au bénéfice d’un inespéré volant de manoeuvre financier pour mettre en oeuvre une stratégie claire validée par le Conseil d’Etat. Quant aux collaborations avec d’autres collectivités publiques dans le souci d’une utilisation rationnelle des deniers publics, elles devraient se multiplier ces prochaines années, y compris – pourquoi pas? – avec le canton de Berne (et la Bedag) pour autant que ce soit dans une démarche open source.

2 réflexions au sujet de « Tiens, l’informatique cantonale fonctionne!? »

  1. Monsieur Marthaler,

    Partant de votre constat en 3ème paragraphe que je cite : “chaque canton réinvente la roue bien que les t ches cantonales soient peu ou prou les mêmes”, je suis étonné d’apprendre que vous envisagiez l’investissement d’un nouveau data center alors même qu’en dernier paragraphe vous soulignez votre volonté de collaborations inter cantonales.

    Comment m’expliquerez-vous vouloir votre propre data center à  Lausanne alors que par exemple, celui du Canton du Jura va être inaugurer sous peu ?
    Je tiens à  préciser que ce dernier est Green IT, labélisé Minergie, recouvert de panneaux solaires et situé à  1000 mètres d’altitude (donc moins d’énergie nécessaire pour le refroidissement). Techniquement, le data center répond également à  toutes les normes de sécurité et offre les connexions redondantes nécessaires pour les besoins d’autres Cantons, à  qui bien entendu il est ouvert.

    Pourquoi ne pas utiliser ce qui existe, surtout lorsque c’est de bonne facture et que ça permet « une utilisation rationnelle des derniers publics » ?

    Meilleures salutations

    H. De Pinho

  2. Cher Monsieur,

    J’admets que cette idée n’est pas totalement conforme à  mon objectif de mutualisation des moyens informatiques. Tout comme l’aura été d’ailleurs la décision de mettre un terme à  la collaboration avec Bedag. Cependant, ce projet tombe à  point nommé dans le cadre d’un programme de regroupement de l’înformatique cantonale dans une friche industrielle (ex-usine Kodak à  Renens) et permet la valorisation de la chaleur pour les autres besoins et utilisateurs de l’immeuble, ce qui est optimal. Enfin, ce data center pourrait intéresser d’autres acteurs publics et parapublics installés dans le canton avant même qu’il soit éventuellement partagé avec d’autres administrations cantonales.

    Je trouve regrettable que vous n’ayez pas pris la peine de préciser que le data center jurassien sera exploiter par… Bedag et que vous êtes un cadre supérieur de cette société. Ce qui aurait mieux permis de comprendre la tonalité de votre message…

    Cela dit, je ne peux que vous féliciter et vous encourager à  poursuivre dans cette voie.

    Meilleures salutations.

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