Première plate-forme collaborative pour documenter notre patrimoine

jardin Castel Beau Cèdre

(Jardin du Castel Beau Cèdre à Jouxtens-Mézery, wiki des jardins historiques du canton de Vaud)

A l’ère de la cyberadministration, l’informatique coûte cher. Cependant, la valeur des informations structurées auxquelles elle nous permet d’accéder s’avère 10 ou 100 fois plus grande. Et la saisie de ces informations ne coûte “rien” en regard de leur mise à jour continue! A l’instar de la célèbre encyclopédie Wikipédia, il est aujourd’hui possible de réunir en un temps record une foule d’informations sur une plate-forme collaborative en permettant à des milliers de contributeurs de partager les informations qu’ils détiennent. Le canton de Vaud vient d’innover en la matière en proposant un wiki des jardins historiques. Une première à l’échelle suisse et même européenne! D’autres référentiels devraient suivre: architecture du XXe siècle, patrimoine naval, héritage industriel, etc. (voir le communiqué de presse du 24.05.11)

C’est le résultat d’une histoire qui débute en février 2008 et que je dois conter ici. Deux récents retraités de la Ville de Lausanne sollicitent un entretien avec moi pour voir comment poursuivre à l’échelle cantonale l‘inventaire des jardins historiques qu’ils avaient réalisé sur le territoire de la commune au cours de leurs dernières années en tant qu’architectes-paysagistes. Ils avaient attiré mon attention sur le fait que l’ICOMOS (Conseil international des monuments et des sites) disposait de crédits pour soutenir les collectivités qui s’y engageaient et que le canton de Vaud était le seul (avec le Valais) à n’avoir rien fait dans ce sens.

Le canton de Berne, comparable à bien des égards à notre canton, avait investi dans cet inventaire de plus de 5’700 jardins historiques la bagatelle de CHF 4 mios. En sorte qu’il était possible d’évaluer le coût d’une telle opération dans le canton de Vaud à quelque CHF 2-3 mios. Inutile de préciser qu’un tel budget était inenvisageable alors même que les moyens financiers manquaient pour assurer la protection physique de la Cathédrale de Lausanne, de l’Abbatiale de Payerne, du site romain d’Avenches, etc.

Mais il était tout aussi inconcevable de ne rien faire pour inventorier cette richesse discrète et insoupçonnée – mais si importante – des jardins historiques. Je me suis donc engagé à trouver le moyen d’offrir à la communauté des passionné, défenseurs du patrimoine et propriétaires conscients de la valeur culturelle de leur propriété un moyen de réaliser ce recensement à peu de frais. A l’époque, je venais de découvrir comment le projet openstreetmap.org avait réussi à dessiner en quelques années la carte mondiale des réseaux routiers à l’aide des “traces GPS”transmises par des milliers d’anonymes. J’avais aussi eu vent de ces inventaires géants de la faune et de la flore, alimentés par des dizaines de milliers de bénévoles. Des projets impossible à réaliser et à financer dans un cadre institutionnel ordinaire… L’idée du wiki des jardins historiques était née.

Probablement ai-je sous-estimé la résistance naturelle des spécialistes du domaine qui ont dû accepter que des amateurs puissent effectuer un travail qui requiert des connaissances scientifiques et ne viennent “polluer” ce recensement avec des informations mal formulées, peu précises, voire inexactes. Il a donc fallu développer une plate-forme qui, d’une part, fixe un cadre contraignant (champs obligatoires, qualification par menus déroulants, etc.) et, d’autre part, exige la délivrance d’un “droit en écriture” décerné par le service gérant (en l’occurrence, la section Monuments et Sites du Service Immeubles, Patrimoine et Logistique – SIPAL). Enfin, un spécialiste de l’ICOMOS est mandaté pour valider chaque fiche d’information, laquelle appar t avec l’équivalent d’un label de qualité. A ce stade, l’investissement a été très limité, puisque la plate-forme a coûté moins de CHF 80’000.- et qu’elle pourra être réutilisée à d’autres fins.

Déchargés de cette t che de fourmis que représente le recensement de ces éléments de patrimoine, j’espère que les spécialistes du patrimoine pourront offrir leurs compétences et leurs savoirs pour des t ches à forte valeur ajoutée, comme la sensibilisation du public à nos richesses culturelles ou à la diffusion des bonnes pratiques en vue de leur meilleure conservation.

Cerise sur le g teau, les outils et modules utilisés pour réaliser cette plate-forme seront utilisés dans d’autres domaines pour permettre une visualisation plus concrète et aisée d’informations spatiales, comme par exemple les terrains industriels disponibles ou les panneaux de signalisation routière implantés dans le territoire.

Tout cela est assez bluffant! En particulier l’interface entre la carte nationale et les images Googlestreet View ou Bird’s Eye. A vous de découvrir!

5 réflexions au sujet de « Première plate-forme collaborative pour documenter notre patrimoine »

  1. Félicitations pour cette initiative! J’espère que ce n’est que le début.

    Peut-on aussi à  l’exemple de wikipedia pouvoir utiliser ces données (avec les certaines contraintes que l’on retrouve dans le développement du logiciel!)?

    Vous parlez d’ailleurs d’OpenStreetMap – Peut-on un jour espérer un export de http://www.geoplanet.vd.ch/ dans OpenStreetMap, ou une utilisation libre de cette base de donnée? (Que l’on pourrait utiliser gratuitement par exemple dans des projets open-source et gratuits).

    Le lien: http://www.patrimoine.vd.ch/jardins-historiques

  2. Bravo ! Le Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage (www.sl-fp.ch) dont je suis le Directeur suppléant ne peut que saluer ce type d’initiative. Nous allons étudier de quelle manière bonifier ces précieuses données de terrain.

    Roman Hapka

  3. @Gab
    Merci pour ces encouragements. En effet, ce ne devrait être qu’un début. Ma priorité va au domaine du patrimoine, car les connaissances en la matière sont cantonnées au cercle des spécialistes, alors que, par définition, le patrimoine est un bien commun qui devrait être partagé et accessible au plus grand nombre!

    En réalité, le partage de l’information dans le cadre d’une plate-forme créée par l’Etat connaît déjà  deux exemples dont je suis assez fier. Le cadastre géologiques où sont saisis les résultats de tous les sondages effectués dans le canton de Vaud (+ Jura et Thurgovie). La loi sur le cadastre géologique exige une saisie en ligne par le bureau de géologue ou le géotechnicien et garantit un accès gratuit aux données, ce qui permet, par exemple, d’éviter des sondages inutiles à  proximité d’anciens sondages. Et, tout bientôt, la carte des b timents ayant fait l’objet d’un audit sur la présence d’amiante (vert lorsqu’il n’y en a pas ou plus, rouge lorsqu’il y en a et que le rapport est publié, orange si le propriétaire ne souhaite pas le rendre public).

    Quant aux couches de géoplanet, je dois me renseigner. Mais je crains que les formats de données ne soient pas suffisamment universels pour qu’elles soient partagées et que d’autres ne soient tout simplement pas libres. N’en reste pas moins que ma volonté politique est de sortir du modèle d’accès payant à  ces géodonnées. Ce qui suppose que le coût de leur collecte et de leur mise à  jour soit aussi partagé. D’où l’intérêt stratégique des plate-formes collaboratives…

    Meilleures salutations.

  4. @Roman Hapka
    Votre SLFP et ses membres sont tout désignés pour contribuer à  enrichir cette base de données sur les jardins historiques et les éléments remarquables du paysage. Vous pourriez au surplus promouvoir l’utilisation de cette plate-forme auprès d’autres cantons et/ou pour d’autres recensements dans le domaine du patrimoine.

    En tous les cas, je vous y encourage chaleureusement et demeure à  disposition…

    Cordialement.

  5. Hello,

    Vous dites : « Quant aux couches de géoplanet, je dois me renseigner. Mais je crains que les formats de données ne soient pas suffisamment universels pour qu’elles soient partagées et que d’autres »
    Je ne pense pas que soi soi vraiment un argument valable dans le sens qu’il y beaucoup d’outils et expert dans la communauté pour tout de même pouvoir les utiliser.

    Puis « Quant aux couches de géoplanet, je dois me renseigner. » La par contre on ne peut effectivement rien faire 🙁

    Et encore « N’en reste pas moins que ma volonté politique est de sortir du modèle d’accès payant à  ces géodonnées. Ce qui suppose que le coût de leur collecte et de leur mise à  jour soit aussi partagé. D’où l’intérêt stratégique des plate-formes collaboratives €¦ » Cool, merci de votre investissement bien réelle.

    Meilleure salutation
    Stéphane Brunner

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