Mes adieux devant le Grand Conseil vaudois

(Source: http://www.letemps.ch)

Le 19 juin 2012, après avoir entendu les éloges du Président du Grand Conseil, j’ai adressé mon message d’adieu aux députées et députés, ainsi qu’à mes collègues du Conseil d’Etat. S’agissant d’un moment fort, j’en publie ici le texte intégral.

Monsieur le Président du Grand Conseil,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d’Etat et chers collègues,

Merci pour ces éloges, Monsieur le Président, même si ils sont par définition exagérés. C’est la règle du genre…

Merci de me donner la parole pour vous adresser mon message d’adieu. Mais cela pourrait laisser à penser que, pour moi, les quinze jours qui viennent seront occupés à ranger les dossiers, à faire les cartons et à donner quelques vagues conseils à Nuria Gorrite – qui, soit dit en passant, n’en a certainement pas besoin!
Cependant, (vous connaissez mon obstination) j’ai bien l’intention de cocher 2-3 objectifs figurant encore sur ma « todo list ». Bien qu’anglaise, j’adore cette expression, entrée dans le langage courant, qui renvoie à la sympathique émission de la Télé Vaud-Fribourg – « toudou » – animée par l’inoxydable Lolita Morena.
5 temps forts m’attendent encore :
• mercredi 20.06.12 (demain !): inauguration du portail de la cyberadministration vaudoise;
• jeudi 21.06.12 : mise en ligne de la nouvelle plate-forme collaborative du patrimoine bâti et réorientation des missions de la section des Monuments historiques (en particulier en ce qui concerne l’intégration des panneaux solaires); voilà qui devrait intéresser Mme la députée Isabelle Chevalley ;
• vendredi 22.06.12 : dernière présidence du comité de la CTP et discussion (certainement animée) concernant la priorisation des projets ferroviaires indispensables pour la Suisse occidentale;
• lundi 25.06.12 : signature à Yverdon-les-Bains du nouveau projet AggloY;
• enfin, vendredi 29.06.12 : inauguration de la nouvelle gare de Prilly-Malley (où les trains s’arrêteront dès le jour-même à 12 h., permettant de rejoindre Lausanne ou Renens, en moins de 3 minutes!).
Mais puisque l’heure est au (je dirais premier) bilan, je me plie volontiers à l’exercice.
En commençant par vous dire à quel point le mandat de Conseiller d’Etat est exigeant, passionnant et surtout surprenant.
Surprenant, parce que, sans que vous ne ressentiez rien du tout, vous passez de l’autre côté du miroir. Lorsque vous êtes député, on ne parle de vous que pour relever telle ou telle proposition novatrice ou pour mettre en exergue un propos particulièrement bien senti ou un amendement âprement discuté. Une fois au Conseil d’Etat, toutes vos actions (et même les présumées inactions) sont attentivement scrutées. Et on vous attend au contour! Par exemple, au contour d’une route cantonale, tel que le grand virage de Montéclard sur la RC 601 entre les Croisettes et le Chalet-à-Gobet… De surcroit, tout – ou presque – de ce que vous dites sera soumis à l’appréciation d’autres élus, choisis au hasard, de sorte à alimenter la chronique et quelques polémiques. A noter que le hasard, en ce qui concerne les dossiers du DINF, tombait souvent sur le Directeur des travaux d’une grande ville, toujours prompt à donner un avis…
Il m’a fallu quelques mois pour me faire à cette nouvelle situation et ne plus attendre d’éloge pour le travail accompli.
« Faire et laisser braire », disait mon regretté collègue Jean-Claude Mermoud. Un conseil que j’ai suivi scrupuleusement avec comme résultat la conduite et la réalisation de dizaines de projets, le plus souvent votés à l’unanimité par ce Grand Conseil. Je n’ai pas trouvé le temps de faire le décompte de tous ces projets.
Celui des projets refusés par le Parlement est plus vite fait. Selon ma mémoire, ils sont au nombre de deux : en 2004, l’EMPL redessinant le réseau des routes cantonales intégrant les routes en traversée de localité, et, plus tard, le projet de requalification de la RC 601, alias la Route de Berne.
A l’heure de ma retraite politique, je constate – non sans une certaine satisfaction – que la reprise des routes en traversée de localité a fait l’objet d’une motion Marendaz, actuellement en discussion au sein de la plate-forme Canton-communes, et que la requalification de la RC 601 semble approcher de son dénouement. En effet, ce dernier dossier, après un long séjour au frigo (que d’aucuns ont confondu avec un congélateur), a fait l’objet, jeudi dernier, d’une présentation à une délégation de la Broye-Vully, sur le site de l’Ecole hôtelière de Lausanne, qui s’est déroulée dans un climat finalement très constructif. Un épilogue favorable de cette saga pourrait donc s’écrire très prochainement…
En quittant le Grand Conseil pour le Conseil d’Etat, il y a presque neuf ans, j’ai perdu mon statut de Bernard Hinault du Développement Durable. Pourtant, bien que les rapports du Conseil d’Etat ne soient pas affublés de titres accrocheurs (contrairement aux interventions parlementaires; autre différence!), il me semble avoir multiplié les « tours de roue en direction du développement durable ». Une marque que j’aurais dû déposer pour éviter que d’autres parmi vous ne s’en emparent… Si je ne l’ai pas fait, c’est que je suis plus que jamais convaincu par le modèle « open source » et que la « naturalisation des idées » est probablement le meilleur moyen pour sortir les grands projets politiques de l’ornière du clivage gauche-droite. Alors, pour la prochaine législature, et pour les suivantes, n’hésitez pas à multiplier les « tours de roue en direction du développement durable ». La planète vous en sera reconnaissante!
Je dois l’avouer, un autre aspect de la fonction de Conseiller d’Etat m’a, au début, posé quelques difficultés. Pour celui qui, à l’âge de 20 ans, avait fondé la première « coopérative de production autogérée » de Suisse, le rôle de « grand chef » ne me convenait pas. « Grand chef », c’est le sobriquet sympathique avec lequel Monsieur le député François Brélaz s’adresse à moi! Heureusement, les chefs de service et les cadres du DINF l’ont vite compris et j’ai pu créer parmi eux un climat d’équipe extrêmement agréable et motivant, grâce auquel l’esprit d’initiative et de responsabilité a fait naître des projets novateurs au niveau suisse et même parfois européen! Comme, par exemple, le cadastre géologique ou l’outil Sméo d’aide à la décision pour la conception de quartiers durables.
Au fond, les collaborateurs de l’administration cantonale carburent – comme vous et moi – à la motivation et aux défis, fiers d’oeuvrer pour le bien commun. Ils sont aussi souvent les meilleurs dans leur domaine de spécialisation et sont très sensibles à la confiance que « le politique » leur accorde. Il faut noter que – par la force des choses – la grande majorité d’entre eux est issue du secteur privé.
Préserver ces compétences, encourager cette motivation, offrir des perspectives d’évolution professionnelle et assurer la relève, voilà les objectifs qui m’ont animé durant ces années passées à la tête du DINF, sachant que la masse salariale reste le principal poste de charges du budget de l’Etat et mérite, ne serait-ce que pour ce motif, notre plus grande attention!
Dans ce contexte, je ne peux m’empêcher d’évoquer les débats pré-électoraux auxquels j’ai participé avant mon élection de 2003. Jacques-André Haury, candidat comme moi à la succession de Philippe Biéler, avait à l’égard des fonctionnaires une toute autre théorie (je cite de mémoire): en application de la théorie des gaz, il convient de limiter les surfaces administratives pour stopper l’expansion de la fonction publique!
En charge précisément de mettre à disposition les surfaces nécessaires à l’administration – en location ou, de préférence, en propriété -, cette théorie m’a préoccupé tout au long de mon mandat.
Mais sans jamais trouver de cas où elle s’applique…
J’en viens maintenant à ce qui aiguise souvent la curiosité de nos concitoyens – certes pas tous: l’intimité du fonctionnement du collège gouvernemental, les relations inter-personnelles, les points de vue idéologiques irréconciliables, la dimension « panier de crabe » qui caractériserait le fonctionnement du Conseil d’Etat…
Non, je plaisante! Et Je ne vous dirai rien de tout cela! Sauf peut-être, parmi les grands moments vécus, un exposé virtuose de notre Président portant sur la distinction qu’il convient d’effectuer entre le « vrai argent » et le « faux argent ». Malgré ma formation à HEC Lausanne, j’avoue n’avoir pas immédiatement saisi toute la finesse du raisonnement. Après mûre réflexion, il m’est apparu comme une évidence que le « vrai argent » est celui que l’on sort de la caisse et que le « faux argent » est simplement ce que l’on inscrit dans les comptes de l’Etat.
Comptes que vous avez d’ailleurs adoptés ce matin sans trop rechigner et je m’en réjouis!
Pour conclure, Monsieur le Président du Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d’Etat et chers collègues, je tiens à vous redire à quel point cette fonction est exigeante, passionnante et surtout surprenante. Je vous remercie pour la confiance – parfois discrète – que vous m’avez accordée tout au long de son exercice.
Bien que je regrette, en raison du référendum annoncé, de ne pas avoir l’occasion de poser la première pierre du futur nouveau Parlement cantonal sur le site de Perregaux, j’éprouve une certaine fierté et une grande reconnaissance aux membres de ce Grand Conseil pour la qualité des débats qui ont précédé ce vote historique en faveur du projet Rosebud, plébiscité – je vous le rappelle – par 115 oui, 3 non et 8 abstentions. Je le prends comme un gage de votre confiance et comme une démonstration de la capacité des Vaudoises et des Vaudois à se projeter dans l’avenir avec, pour reprendre les mots de Daniel Brélaz lors de l’inauguration du métro m2, « une audace qui parfois les surprend eux-mêmes »!

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