Lutte contre le dumping social: le TF m’offre un cadeau de départ

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En séance publique de ce jour, le Tribunal fédéral vient de confirmer le jugement prononcé par le Tribunal cantonal confirmant la sanction pécuniaire que j’ai prononcée à l’encontre d’une entreprise adjudicataire d’un marché public vaudois et qui avait sous-traité une partie des travaux à une petite société utilisant des travailleurs au noir. A dater d’aujourd’hui, les grandes entreprises et les entreprises générales ou totales doivent savoir qu’elles encourent une sanction pouvant aller jusqu’à 10% du contrat (et non pas du travail sous-traité!) si elles ne peuvent pas garantir que leurs sous-traitants ne pratiquent pas le dumping salarial et social. Le TF a ainsi confirmé qu’il est possible de frapper à la tête du système. A l’avenir, ce ne sont plus que les travailleurs au noir (renvoyés dans leur pays) et les petites entreprises (liquidées et recréées aussitôt sous un autre nom) qui subiront les sanctions. Je veux croire que, grâce à cet arrêt du TF, cet esclavage des temps modernes va fortement régresser. Voir le communiqué de presse du 22.06.12.

J’ai voulu faire du chantier de construction de la Transchablaisienne (H144) un chantier exemplaire du point de vue du développement durable: compensations écologiques, qualité architecturale et paysagère, économicité, utilisation de matériaux recyclés et lutte contre le dumping social. Le DINF a donc demandé à ce que le chantier soit contrôlé et les entreprises adjudicataires en ont été averties.

Quelle ne fut pas ma déception lorsque, quelques mois seulement après le début du chantier, un contrôle a établi la présence de travailleurs au noir. Ce qui était d’autant plus rageant que, depuis 2005, l’entreprise adjudicataire doit, par contrat, soumettre au DINF le nom des sous-traitants qu’elle veut utiliser et que ceux-ci sont vérifiés par les partenaires sociaux, à savoir la Fédération Vaudoise des Entrepreneurs et le syndicat UNIA. En l’occurrence, le sous-traitant était une entreprise nouvelle créée par un “multi-récidiviste” (ce qui n’aparaissait pas clairement dans les documents transmis).

Ainsi, le filet mis en place ne s’est pas avéré totalement efficace et j’ai décidé de “faire un exemple” en sanctionnant cette fois l’entreprise qui a pignon sur rue d’une peine pécuniaire d’environ CHF 60’000.-. Cette dernière a recouru, en arguant notamment que la sanction prononcée devrait, le cas échéant, se calculer sur la valeur des travaux sous-traités et pas sur la valeur globale du contrat signé avec l’Etat. C’était téméraire et la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Tribunal cantonal a confirmé que la sanction était proportionnée et que l’entreprise adjudicataire est responsable du respect par ses sous-traitants des règles de protection des travailleurs, règles qu’elle s’est engagée à respecter pour elle-même.

Depuis l’entrée en vigueur, le 24 juin 1996, de la loi vaudoise sur les marchés publics, c’est la première fois qu’une sanction pécunière est prononcée contre une entreprise en vertu de son article 14a, alinéa 2:

Les violations, intentionnelles ou par négligence, des règles régissant les marchés publics par un soumissionnaire pendant la procédure d’adjudication ou l’exécution du contrat peuvent selon leur gravité être sanctionnées par l’adjudicateur par l’avertissement ou la révocation de l’adjudication.

Le Département des infrastructures, sur dénonciation, peut prononcer une amende allant jusqu’à 10% du prix final de l’offre et/ou l’exclusion de tout nouveau marché pour une durée maximale de cinq ans et l’exclusion de la liste permanente des soumissionnaires qualifiés. Il est également l’autorité compétente pour prononcer l’exclusion des futurs marchés publics au sens de l’article 13 de la loi fédérale du 17 juin 2005 concernant des mesures en matière de lutte contre le travail au noir (LTN).

A noter que le canton de Vaud a déjà prononcé 16 sanctions d’exclusion des marchés publics (8 autres seront prochainement prononcées), essentiellement contre de petites entreprises du secteur de la construction, ceci en sus des jours-amende auxquelles elles ont été condamnées par la justice. A l’évidence, ces sanctions, même cumulées, ne sont pas suffisantes.

Avec cet arrêt du TF, les grandes entreprises deviennent de fait solidaires avec celles auxquelles elles sous-traitent des travaux, mais uniquement au niveau des sanctions pour violation des dispositions légales. A cela pourrait s’ajouter une responsabilité solidaire, fixée dans la convention collective de travail, à l’égard des travailleurs soumis au dumping salarial des sous-traitants. Mais c’est une autre affaire…

 

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