Vous avez dit croissance?

(source: Philipp Klais – Facteur d’orgues © IMPULSE)

En mai 2012, le SECO (Secrétariat d’Etat à l’économie) publiait un dossier intitulé “La croissance économique face aux contraintes environnementales” dans sa revue “La Vie économique”. Parmi les diverses contributions, j’ai remarqué en particulier celle du professeur Mathias Binswanger (voir l’article “Croissance économique et durabilité: deux idées contradictoires?”, pdf 120 Ko). Convaincu que les contraintes environnementales – que cela plaise ou non – finiront nécessairement par s’imposer, je tenais à commenter cet article magnifiquement représentatif de la politique de l’autruche enfonçant sa tête dans le sable…

Sans croissance, une économie est un jeu à somme nulle extrêmement désagréable qui débouche sur une lutte pour le partage des revenus: en effet, chaque gain pour l’un se traduit par une perte (ou une diminution de gain) pour l’autre; ainsi une augmentation de salaire ne peut qu’entraîner une diminution du bénéfice. La croissance permet d’échapper à cette tyrannie, les autres – personnes et entreprises – peuvent s’enrichir sans que je n’en sois dépossédé.”

Ces quelques lignes sont un condensé de la pensée économique dominante et source de réfléxions infinies… La lutte pour un partage équitable des revenus est-elle réellement aussi désagréable? L’augmentation des salaires (revenus du travail) est quoi qu’il en soit en compétition avec les bénéfices (rémunération du capital). Alors, où est le problème, si la question se pose aussi dans le “modèle de croissance”? Et si les salaires réels augmentent, la théorie ne prédit-elle pas une croissance du pouvoir d’achat et donc des bénéfices? Et – plus fondamentalement – que signifie l’idée de “s’enrichir” si le volume des biens et services à disposition n’augmente pas? Au pire, ce sont les prix qui augmentent et, avec eux, la masse monétaire, cette “richesse supplémentaire” étant anéantie par l’inflation. Au mieux, cet enrichissement se traduit par une augmentation de l’épargne, laquelle peut être mobilisée pour financer les déficits publics. Un sujet d’actualité…

La discussion autour de la nécessité absolue de croître pour ne pas disparaître a accompagné toute l’histoire de la PME que j’ai fondé à 20 ans. “Economies d’échelle” et “taille critique” étaient au centre du débat. Toujours est-il que la société a cessé de croître voici une dizaine d’années, qu’elle parvient (enfin) à rémunérer correctement les capitaux engagés et qu’elle se concentre sur une répartition convenable des revenus entre ses collaborateurs. Dans l’intervalle, elle a permis à une trentaine de familles de vivre pendant 30 ans. Tout cela en accord avec un certain nombre de valeurs écologiques et sociales! Ce furent, à vrai dire, les plus belles années de ma vie!

Alors je suis rassuré de voir que d’autres entrepreneurs suivent la même voie et renoncent sciemment à l’idée de croissance infinie: http://blogs.mediapart.fr/blog/etoile66/040212/contre-courant-la-croissance-tout-prix-des-chefs-dentreprise-la-refusent. C’est le cas, par exemple, du fabricant d’orgues Klais (photo ci-dessus). Avec, en prime, le bonheur de créer la beauté et de permettre au patrimoine de se perpétuer de génération en génération!

2 réflexions au sujet de « Vous avez dit croissance? »

  1. tu poses les bonnes questions. on va bien finir par devoir le remettre en questions, cette croissance impossible! en tous cas la croissance de l’exploitation des ressources. je pense que le futur moteur de la nouvelle civilisation à venir sera une économie encadrée par deux taxes mondiales, une taxe CO2 et une taxe Tobin

  2. OK pour la taxe Tobin (dont il convient de rappeler qu’elle ne s’applique qu’aux transactions monétaires). Pour la taxe CO2, ce sera plus compliqué, sachant que la culture sur brûlis représente environ 20-25% du problème, dans des pays qui ne sont pas en mesure de lever un impôt sur le revenu ou la fortune… Compliqué, compliqué! Mais pas désespéré!

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