(Source: Der Bund, photo: Adrian Moser)
Deux ans après avoir quitté le Conseil d’Etat vaudois, je constate avec satisfaction que mon action en faveur d’une utilisation plus systématique des logiciels libres dans les administrations publiques fait encore des émules. La motion “Exploiter les synergies dans le développement et l’utilisation de logiciels”, déposée au Grand Conseil bernois le 11 juin 2013, a reçu une réponse globalement favorable de la part du Gouvernement (Conseil exécutif).
Même si la référence à mon action en faveur des logiciels libres n’est pas explicite, les auteurs de la motion s’en sont certainement inspirés. A preuve, le chiffre de 3 milliards de francs par an pour les dépenses informatiques annuelles des collectivités publiques suisses – chiffre que j’avais donné dans une conférence à Berne, sans qu’il n’ait jamais été contesté – et la citation du logiciel vaudois CAMAC comme exemple des synergies qui peuvent se développer entre les cantons (voir le texte de la motion et la réponse du Conseil exécutif, pdf, 106.8 ko).
Bien qu’il approuve la motion dans son principe, le Gouvernement bernois fournit ici une réponse très timorée et pose des limites très contestables à l’utilisation de logiciels libres et à leur mutualisation auprès d’autres collectivités publiques:
- Pas question de développer ou d’adapter une solution open source s’il existe un logiciel “standard” (comprenez “propriétaire”) couvrant les fonctionnalités requises. Il aurait dû préciser que cette règle ne devrait s’appliquer qu’à condition que l’éditeur de la solution “standard” n’abuse pas de sa position monopolistique avec des prix de licence et de maintenance plus élevés que ceux qui résulteraient d’un développement commun à plusieurs cantons…
- Il attend un avis de droit de l’Office fédéral de la justice (OFJ) qui pourrait conclure que la mise à disposition gratuite du code source d’une application par une collectivité publique constitue une concurrence déloyale vis-à-vis des éditeurs propriétaires. Référence est faite ici à la mise à disposition gratuite de OpenJustitia par le Tribunal fédéral susceptible de mettre sur la paille le petit éditeur Weblaw (bernois!). Si l’OFJ s’alignait sur la position défendue par l’UDC dans cette affaire, le texte de la motion serait tout bonnement vidé de son sens. Et le canton de Vaud pourrait se voir interdire de partager avec d’autres des solutions informatiques, à commencer par OpenJustitia qui est en cours de déploiement au Tribunal cantonal. Un comble!
- Le Conseil exécutif considère que la mise à disposition gratuite d’une solution informatique constitue une dépense dans la mesure où il s’agit d’un renoncement à des royalties. Il estime qu’une base légale est nécessaire pour qu’une telle “dépense” puisse être effectuée. Mais ce raisonnement ne résiste pas une seconde à l’analyse. La seule dépense à prendre en considération serait le coût d’un CD-ROM et de son gravage. Et il faudrait déduire la part des coûts de maintenance et de développement supportés par la collectivité publique à laquelle le code source serait transmis. Une telle démarche débouche nécessairement sur des économies par rapport à ce qu’il en coûterait au canton s’il restait seul utilisateur du logiciel en question.
Cette réponse du Gouvernement apparaît d’autant plus frileuse que la société anonyme Bedag, dont le Canton est propriétaire à 100%, est beaucoup plus ouverte: “dans les mêmes conditions de faisabilité technique et en présence de
coûts comparables, Bedag donne la priorité aux logiciels libres avant les produits propriétaires”. Mais le Conseil exécutif rappelle qu’il “ne peut pas influer directement sur la politique d’entreprise de Bedag”. Est-ce à dire que s’il le pouvait – comme sa position d’actionnaire unique l’y autoriserait parfaitement -, il lui ferait interdiction d’implémenter dans d’autres cantons la solution open source CAMAC offerte par le canton de Vaud?…
Je veux pourtant en rester au constat essentiel: la mutualisation de logiciels libres entre administrations publiques est en marche et devrait conduire à économiser des millions de francs, tout en favorisant une informatique plus durable!
Merci pour cet article! C’est bon à savoir
Ping : Berne va créer une plateforme d'échange pour les logiciels libres - François Marthaler