3e voie CFF Lausanne-Genève: mon dossier prioritaire pour la législature qui commence

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(Discussion animée avec Machiavel Leuenberger, vaud2007.ch)

La conférence des directeurs cantonaux des transports a adopté sa prise de position sur le projet d’extension des infrastructures ferroviaires suisses – opportunément rebaptisé ZEB pour qu’il ne se confonde pas avec Rail 2000 2ème étape – en se fondant largement sur les revendications de la conférence romande (CTSO), elle-même coordonnée avec la position du lobby OuestRail (voir http://www.ouestrail.ch/ouestrail/zeb.html).


Pour les cantons, il est inacceptable que la Confédération finance les surcoûts du Gothard en supprimant des projets sur le réseau intervilles du Plateau. En d’autres termes, les 13,4 milliards de francs annoncés au peuple suisse lors de la votation de 1998 pour réaliser le projet Rail 2000 doivent pouvoir être engagés (solde de 8,5 mias) entre 2010 et 2020. Aujourd’hui, le Conseil fédéral propose de réduire cette enveloppe à 5,2 mias (voire 4,5), l’essentiel de ce budget n’étant disponible qu’à partir de 2020 et devant s’étaler jusqu’en 2035!

Cette proposition du Gouvernement revient à renvoyer aux calendes grecques la réalisation d’une 3e voie entre Lausanne et Genève, ainsi que divers aménagements permettant une cadence à la demi-heure sur la ligne du Pied du Jura (Lausanne-Yverdon-Neuch tel-Bienne).

Ces deux éléments figurent toutefois dans une liste d’options dites d’extension dont le total complète opportunément le ZEB à hauteur du crédit annoncé en 1998… Si les chambres fédérales trouvent un consensus pour financer de manière séparée les surcoûts du Gothard, on peut considérer que la 3e voie se réalisera. Certains affirment que Moritz Leuenberger, s’inspirant de Machiavel, aurait voté contre l’intégration de ce projet dans l’offre de base afin d’alimenter la révolte des Romands et obtenir du Parlement ce que le Conseil fédéral lui refuse.

Abstraction faite des analyses tactiques, je ne peux pas imaginer que la 3e voie Lausanne-Genève ne se réalise pas. Et cela pour quatre raisons au moins:

  1. Rail 2000 1ère étape est un succès technologique et commercial. Entre 1995 et 2005, le nombre de trains-kilomètres s’est accru de 30% et, dans le même temps, le nombre des voyageurs-kilomètres a augmenté de 28%. Il faut donc constater que la demande suit l’évolution de l’offre. Dans une telle situation, le secteur privé ne stoppe pas ses investissements dans l’amélioration de l’offre!
  2. L’axe Lausanne-Genève conn t une croissance bien supérieure encore. Entre 2003 et 2006, c’est-à-dire en trois ans, le nombre de voyageurs s’est accru de 27% (18% en moyenne suisse). La ligne figure parmi les plus rentables de Suisse.
  3. La Confédération et les cantons vont investir environ 15 mias dans les transports publics d’agglomération d’ici 2020. En posant l’hypothèse que les projets d’agglomération soient subventionnés à hauteur de 40% en moyenne avec les 6 mias du fonds d’infrastructure, chaque franc investi par la Confédération sera multiplié par 2,5. En refusant d’améliorer les liaisons entre agglomérations, la Confédération stériliserait une bonne partie de ses propres investissements. Les projets d’agglomérations Lausanne-Morges (PALM) et franco-valdo-genevois tablent sur un fort transfert de la route vers le rail, le trafic ferroviaire devant s’accroître de 50 à 80% sur l’axe Lausanne-Genève.
  4. La politique climatique exige un important et rapide report modal sur le rail. Les engagements de la Suisse à Kyoto ne seront pas tenus (réduction de 10% des émissions de CO2 en 2010 par rapport à 1990). Pour l’essentiel cela résulte de notre incapacité à m triser la croissance du trafic individuel motorisé. Des engagements encore plus forts devront être pris par notre pays pour atteindre les objectifs en passe d’être fixés par l’Union européenne: -30% à l’horizon 2030. Il est tout simplement inimaginable que ces objectifs puissent être atteints sans investissements sur le réseau ferroviaire (le plus intensément utilisé au monde).

La construction d’une 3e voie CFF entre Renens et Allaman permettra d’augmenter de 50% environ l’offre sur l’axe Lausanne-Genève. Cet investissement est aussi indispensable au développement du RER vaudois qui devrait bénéficier à l’ensemble des villes du canton à l’horizon 2020. Compte tenu des enjeux, je me battrai avec la dernière énergie pour la réalisation complète des promesses de Rail 2000!

5 réflexions au sujet de « 3e voie CFF Lausanne-Genève: mon dossier prioritaire pour la législature qui commence »

  1. Je connaissais l’existence du blog de Moritz Leuenberger, mais j’ignorais qu’il prenait la peine de s’adresser aux Romands (dans un français parfait) et qu’il l’avait fait longuement au sujet de la 3e voie: http://moritzleuenberger.blueblog.ch/mobilitaet-und-verkehrspolitik/a-propos-de-la-3eme-voie.html#comments

    Dans sa prise de position, M. Leuenberger invite les Romands à  un peu plus de retenue dans leur revendication, arguant que la situation n’est pas plus rose du côté de Zurich et niant avec véhémence que la Suisse romande serait oubliée.

    Pour ma part, je n’ai jamais considéré que le démantèlement de Rail 2000 2e étape se faisait au profit de Zurich et donc au détriment de la métropole lémanique. Plus que jamais, l’horaire cadencé et les “noeuds horaires” aux principales gares CFF nous obligent à  raisonner en terme de réseau et les améliorations profitent en définitive à  tout le monde, en tout cas pour le trafic “grandes lignes”. C’est sur la base de ce constat que la CTSO puis la CTP soutiennent la réalisation de l’offre de base et des options d’extension dans tout le pays.

    Le Chef du DETEC affirme que les problèmes de capacité sur l’axe Lausanne-Genève seront résolus en introduisant “plus de voitures à  deux étages” (les fameuses rames DOSTO). Je regrette de lui dire qu’il aurait été bien inspiré d’étudier le projet ZEB ou de se renseigner auprès de son Office des transports, car c’est exactement le contraire qui est prévu! Pour éviter un aménagement très coûteux entre Siviriez et Villars-sur-Gl ne, les CFF ont planifié des adaptations plus modestes de ce tracé sinueux et l’introduction exclusive de rames ICN (Intercity à  caisse inclinable) pour grapiller les quelques précieuses minutes mettant Berne à  moins d’une heure de Lausanne. Ces trains devraient continuer à  assurer la liaison Intercity de Genève à  St-Gall. Par conséquent, la desserte entre Lausanne et Genève ne serait précisément plus effectuée avec les DOSTO actuels et la capacité maximale de chaque train s’en trouverait ainsi diminuée de 25%.

    Le plus étrange dans cette affaire, c’est que dans le même temps la capacité de la ligne Berne-Zurich – réputée tout aussi saturée – se verrait dégradée d’autant! Ceci n’a pas échappé à  mes collègues des cantons alémaniques qui ont stigmatisé la chose dans leur prise de position commune et unanime (voir à  la page 6 du document http://www.koev.ch/dokumente/de/Stellungnahmen/stellungnahme080607_d.pdf).

    Tout le monde semble aujourd’hui convaincu du caractère indispensable d’une 3e voie, au moins entre Renens et Allaman. Même le TCS! Pas le Ministre des transports? Je n’ai pas trouvé de réponse sur ce chapitre en relisant “Le Prince” de Machiavel. Peut-être l’édition suisse alémanique est-elle augmentée par rapport à  la traduction française…

    En tout cas, le Conseil d’Etat a pris une position très ferme à  ce sujet (voir http://www.publications1-dinf.vd.ch/prod/dinf/publicationdinf1_p.nsf/ACTU/7ACF657B7D0D4945C125730E0054523A/$FILE/R%E9ponse%20CE%20consultation%20ZEB.pdf?OpenElement)

  2. La troisième voie Lausanne-Genève, c’est bien. C’est même indispensable. Mais ça a un gros défaut : ça ne raccourcit pas la durée du trajet. Et ça, c’est bien dommage, car la concurrence avec la voiture nécessite d’avoir des temps de trajet meilleurs de gare à  gare pour que les trajets de porte à  porte puissent être similaires ou favorable aux transports publics. La ligne entre Genève et Coppet comporte déjà  trois voies, pas question de la transformer ou de la déplacer pour pouvoir rouler plus vite. Le tronçon Lausanne-Morges est pratiquement rectiligne : pas moyen d’y augmenter la vitesse de circulation des trains. Ne reste que le tronçon Morges-Nyon, qui doit justement faire l’objet des investissements pour la troisième voie. Ne serait-ce pas une solution doublement avantageuse que de réaliser non pas une troisième voie (voire une quatrième par endroit) le long de la ligne existante et sinueuse, mais une nouvelle ligne à  grande vitesse (pour la Suisse 200km/h est une grande vitesse) entre Morges et Nyon, le long de l’autoroute et donc en dehors des zones urbanisées ? Avec cette solution, les trains régionaux continueraient d’emprunter l’ancienne ligne et d’y desservir toutes les gares. Les trains Intercity et Interregio, eux, circuleraient sur la nouvelle ligne, de même que les trains marchandises la nuit, épargnant les oreilles des nombreux habitants des villages traversés par l’ancienne ligne. Si le coût serait plus élevé, j’en conviens, il serait tout de même intéressant d’y réfléchir, notamment en rapport avec le gain de temps escompté. Et n’oublions pas qu’il peut être plus facile de construire une nouvelle ligne dans des zones non construites qu’une troisième voie au milieu des zones urbanisées. Puisque le Conseil fédéral a décidé d’alouer 40 mio pour des études complémentaires, pourquoi ne pas évaluer d’autres solutions comme celle-ci?

  3. Bonjour,

    Je prends note de l’idée et la communiquerai aux ingénieurs le moment venu. Il faudra encore la comparer à  la proposition toujours en suspend de construire une ligne Swissmetro entre Lausanne et Genève. Ou à  celle du Prof. Mange d’élargir l’autoroute et de faire circuler les trains “sur la berme centrale”…

    Ceci dit, mon expérience m’a convaincu que le moyen de se rendre d’un point à  un autre dans deux agglomérations de Suisse reste le train, même limité à  140 km/h. A quoi il convient de rajouter que le trajet en train permet de lire, écrire, parler ou téléphoner plus facilement que la voiture. Ainsi, à  mes yeux, le train est déjà  le moyen de transport le plus rapide.

  4. Bonjour,

    Je suis un utilisateur fréquent du train, en suisse romande et alémanique. Pourquoi n’adoptons-nous pas sur l’axe Lausanne Genève, une solution transitoire avec des trains à  deux étages et plus longs, afin d’augmenter le débit? Actuellement, seuls les InterCity en sont équipés.

    Salutations,
    Samuel

  5. C’est tout à  fait juste! Mais il faut tenir compte de plusieurs facteurs limitants:
    – les rames DOSTO (Doppelstockwagen) sont en nombre limité et il faut quelques années et quelques centaines de millions de francs pour en fabriquer de nouvelles;
    – les trains Genève-Lausanne ne s’arrêtent pas à  Lausanne et continuent, par exemple, sur la ligne du Simplon le long de laquelle on trouve des tunnels trop bas pour les DOSTO ou sur la ligne du Pied du Jura qui exige des trains à  caisse inclinable (ICN) adaptés à  la sinuosité du tracé;
    – dans les gares secondaires, les quais sont trop courts.

    Le programme ZEB (Rail 2000 2ème étape) prévoit de “gratter” 15 minutes sur le trajet Lausanne-Berne en utilisant des rames ICN. Il faudrait alors supprimer les DOSTO entre Genève et… Zurich, réduisant de 25% environ la capacité de transport à  l’heure de pointe entre Berne et Zurich. C’est la raison pour laquelle je me bats pour la 3e voie Renens-Allaman.

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