Il faudrait créer un groupe d’experts intergouvernemental sur le pic pétrolier

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Samedi et dimanche 1er et 2 septembre, l’Université d’été des Verts de Suisse romande recevait Yves Cochet, député à l’Assemblée Nationale, ancien Ministre de l’Environnement du gouvernement Jospin et auteur de “Pétrole apocalypse”. Comme moi, Yves Cochet n’est pas en mesure d’expliquer comment des scénarios diamétralement opposés peuvent être présentés aux décideurs politiques: l’ASPO prédit un déclin de la production de pétrole et de gaz en 2008-2010 et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) affirme que celle-ci croîtra de 60% d’ici 2050. Cette situation rappelle les discussions idéologiques des années ’80 au sujet de l’effet de serre et de ses causes humaines. On avait alors créé le Groupe intergouvernemental d’experts sur les changements climatiques (GIEC). Je propose donc que l’on en fasse de même aujourd’hui pour mettre d’accord la communauté scientifique sur l’épuisement des ressources pétrolières. Une proposition que les Verts européens pourraient relayer au niveau du G8.

Se fondant globalement sur les mêmes données, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que la consommation de produits pétroliers devrait augmenter de 60% d’ici à 2050 et réfute totalement les calculs de l’ASPO qu’elle considère comme tout simplement pessimistes. En particulier, elle fait valoir que les progrès technologiques et l’augmentation des investissements en matière de prospection, extraction, transport et transformation permettront de repousser la limite de plusieurs dizaines d’années. Entre ces modèles totalement incompatibles, les décideurs politiques choisissent donc selon des critères idéologiques.

Que ce soit en 2010 ou plus tard, le pic de production mettra pour la première fois l’économie mondiale dans une situation où l’offre ne pourra « physiquement » pas répondre à la demande ni se rabattre sur une ressource de substitution. Les économistes sont incapables de dire quels sommets le prix du baril pourrait atteindre (Artus, sur la base des scénarios de croissance de la production émis par l’AIE mais qui sont inférieurs à l’évolution de la demande, estime que ce prix devrait atteindre 380$ en 2015). Pour éviter d’entrer dans cette zone inconnue, le meilleur moyen est de m triser une réduction de la consommation parallèle à celle de la production.

Dans les années 1980, les gouvernements du G7 étaient confrontés à une situation très semblable en ce qui concerne le réchauffement climatique et les causes imputables à l’activité humaine. Des avis divergents étaient alors exprimés dans la communauté scientifique. C’est ce qui a conduit le G7 à demander la création du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui, depuis lors, rend des rapports de plus en plus précis sur cette question et gr ce auxquels les gouvernements peuvent élaborer des politiques.

Intergovernmental Panel on peak oil (IPPO)

Les Verts devraient pousser les pays européens du G8 à constituer un groupe d’experts chargé, d’ici 2010, de modéliser l’évolution de la production totale de pétrole et de gaz à l’horizon 2050. Ce groupe devrait comprendre des économistes à même de proposer un modèle décrivant ce qui pourrait se passer si l’offre ne parvenait plus à satisfaire la demande quel que soit le prix. Sur cette base, les gouvernements pourront prendre les mesures permettant d’éviter une crise économique majeure tout en contribuant à la toute aussi nécessaire réduction des émissions de CO2.

4 réflexions au sujet de « Il faudrait créer un groupe d’experts intergouvernemental sur le pic pétrolier »

  1. L’Office fédéral de l’énergie (OFEN) revient de plus en plus fréquemment sur la “théorie du peak oil” pour dire qu’elle n’y croit pas. Du moins pas à  moyen terme. Contrairement à  l’ASPO qui reconstitue patiemment des données fiables sur la production et les réserves pétrolières, l’OFEN se borne à  constater que les prévisions sur la fin du pétrole bon marché ont été invalidées par les faits depuis les années 1970. Cela me fait un peu penser à  la chèvre de Monsieur Seguin: à  force d’entendre crier “au loup”, on finit par ne plus s’en inquiéter.

    Dans un rapport de février 2008, signé par Vincent Beuret, spécialiste du marché pétrolier à  l’OFEN, on apprend que la Confédération se rallie aux pronostics de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) et “admet que, jusqu’en 2030 environ, l’offre mondiale de pétrole suffira à  répondre à  la demande sans tension” sur les prix. Une croyance qui s’apparente plus à  une profession de foi qu’à  une analyse scientifique.

    Plus que jamais, l’idée d’un groupe intergouvernemental d’experts devrait s’imposer. Seul problème: ses conclusions pourraient bien constituer une nouvelle “vérité qui dérange”… Et il faudrait alors agir et peut-être même intervenir dans l’économie privée, ce qui n’est pas le rôle d’un Etat qui sacralise la liberté du commerce et de l’industrie.

    L’OFEN voit bien que ses prévisions de croissance de la consommation mondiale de produits pétroliers ne sont pas conformes aux objectifs de la politique climatique de la Confédération. Il constate aussi avec le GIEC que le stockage du CO2 dans la croute terrestre ne serait qu’une solution très partielle au problème du réchauffement climatique, tout en générant par lui même une augmentation des émissions de CO2 en raison de la consommation d’énergie fossile qu’il suppose.

    Toutes les données du problème sont réunies, mais, une fois de plus, notre pays adopte une position attentiste qui risque bien de lui coûter très cher. Sur le seul premier semestre 2008, constate l’OFEN, la facture pétrolière suisse s’est déjà  accrue de 3 milliards de francs et les objectifs pourtant modestes de réduction des émissions de CO2 se sont encore éloignés.

  2. “Un jour […] on aura la sagesse de chercher à  savoir ce que recèle le sous-sol de la planète, et comme on a fait un GIEC pour le climat, on se décidera à  faire un GIER des ressources!” C’est ce qu’écrit Jacques Varet, directeur de la prospective au Bureau de Recherche Géologique et Minière, dans un éditorial du dernier bulletin de l’ASPO France (voir http://aspofrance.viabloga.com/files/Bulletin%20ASPO_F-7.pdf). Puisse-t-il être entendu!

    D’autant que Christophe de Margerie, Directeur de Total, l’affirme, “le monde ne parviendra jamais à  produire plus de 89 millions de barils par jour” (84 en 2008). Voir: http://www.peakoil.net/total-the-world-will-never-be-able-to-produce-more-than-89-mbpd-of-oil

  3. La menace du pic pétrolier (ou l’opportunité, c’est selon) intéresse aussi la Suisse. Une association affiliée à  l’ASPO (association for the study of the peak oil and gas) a été constituée récemment en Suisse: http://www.peakoil.ch/
    Elle compte une vingtaine de parlementaires fédéraux parmi ses membres. Cela ne fait pas une majorité mais contribue à  rendre crédible l’hypothèse selon laquelle l’extraction d’énergie et de matières premières ne pourra pas toujours croître de manière exponentielle.

  4. Ping : Rôle de l’Homme dans le changement climatique: l’Union pétrolière reconnaît | François Marthaler

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