Le canton de Vaud doit-il (pré-)financer les surcoûts du Gothard?

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Les nouvelles liaisons ferroviaires à travers les Alpes (NLFA) coûteront probablement 5 milliards de francs de plus que prévu. La plus grande partie de ce surcoût provient des mauvaises surprises que nous a réservé le tunnel de base du Gothard. Comme le programme Rail 2000, les liaisons au réseau grande vitesse et la lutte contre le bruit, les NLFA sont financées par le fonds des transports publics (FTP) dont le budget initial était de 30,5 milliards de francs. Le Conseil fédéral et les Chambres estiment que ce chiffre mythique ne peut en aucun cas être dépassé et proposent de raboter sur les projets planifiés sur les lignes du Plateau. La 3e voie Lausanne-Genève fait partie des projets recalés dans les options d’extension du programme ZEB (développement de l’infrastructure ferroviaire). Des voix s’élèvent de tous bords pour demander au Conseil d’Etat vaudois de forcer le destin en avançant les fonds nécessaires à sa réalisation avant 2030.La proposition mérite d’être étudiée si elle permet effectivement de débloquer ce projet vital pour la “métropole lémanique” et donc pour la Suisse romande. Cependant, n’en déplaise aux yakas de tous poils, l’idée se heurte au texte de la loi actuellement en discussion aux Chambres fédérales. En effet, l’article 12 de la Loi sur le développement de l’infrastructure ferroviaire (LDIF) stipule que l’Office fédéral des transports (OFT) ne peut autoriser les CFF à recevoir des avances de fonds des cantons que pour les projets figurant dans l’offre de base (art. 4 LDIF) du programme ZEB (voir LDIF). Or, la 3e voie Renens-Allaman (CHF 410 mios), qui permettrait d’augmenter d’environ 50% la capacité de l’axe Lausanne-Genève tout en favorisant le développement du RER vaudois, figure parmi les options de développement (art. 10 LDIF).

L’offre de base du ZEB comprend une 4e voie Lausanne-Renens (CHF 210 mios). Ce développement devrait améliorer sensiblement le fonctionnement du noeud ferroviaire de Lausanne et donc la stabilité de l’horaire à l’échelle nationale, tout en facilitant l’insertion des trains du futur RER vaudois. Mais il n’apporte aucune amélioration de capacité entre Lausanne et Genève. Reste que sans cette 4e voie, la 3e voie Renens-Allaman n’a aucun sens. Ainsi, les Vaudois pourraient pré-financer cet investissement planifié au-delà de 2018 compte tenu des disponibilités du fonds FTP (réservé pour le Gothard).

On pourrait imaginer que les Vaudois accordent un pré-financement de CHF 620 mios pour l’ensemble de l’ouvrage (4e et 3e voies entre Lausanne et Allaman). Une telle avance de fonds représenterait une charge d’intérêt colossale. Sur 20 ans et avec un taux moyen de 4%, la facture se monterait à quelque CHF 740 mios. Les conditions de rémunération d’une telle avance doivent donc être examinées avec le plus grand soin. L’axe Genève-Lausanne-Berne-Zurich fait certainement partie des liaisons rentables du réseau CFF et il est raisonnable de penser que l’ancienne régie aurait un intérêt direct à ce développement de l’infrastructure… Les pourparlers sont d’ores et déjà engagés.

Reste que l’idée de pré-financement par les cantons pose une série de questions politiques et économiques:

  • ils se trouveraient à financer des infrastructures nationales en totale contradiction avec la philosophie de la nouvelle répartition des t ches entre la Confédération et les cantons;
  • les cantons à forte capacité financière pourraient s’en trouver avantagés, mettant en danger la solidarité confédérale;
  • on développerait l’infrastructure selon la disponibilité des financements plutôt que selon la performance globale du réseau;
  • alors que la Confédération bénéficie du meilleur rating (AAA), les investissements ferroviaires seraient financés par des emprunts publics sensiblement moins avantageux (NB: la Confédération aura dégagé des excédents à hauteur de quelque CHF 7 mias en 2006 et 2007!);
  • finalement, cette idée revient à laisser les cantons financer les surcoûts du Gothard.

La commission des finances du Conseil des Etats invite le Conseil fédéral à examiner les nouvelles voies de financement du programme ZEB 2 (Rail 2000 3e étape) en insistant sur le PPP (“partenariat public privé”). Je peux me rallier à cette proposition très tendance. A condition que le partenaire “privé” soit les CFF. Qui mieux que l’exploitant du réseau peut identifier les investissements les plus rentables, en contrôler l’exécution et se rétribuer en fonction des gains de productivité? Malheureusement, pour l’heure, la doctrine fédérale interdit que les CFF s’endettent pour développer l’offre. C’est le serpent qui se mord le rail!

3 réflexions au sujet de « Le canton de Vaud doit-il (pré-)financer les surcoûts du Gothard? »

  1. Si je ne peux que soutenir l’engagement d’améliorer la capacité entre Lausanne et Genève, je trouve la manière de proceder trés peu prometteuse. D’abord, en posant des conditions, excusez l’expression, idiotes: un PPP, cela inclut, exactement, un partie privé et non “privé”!
    Ensuite en choissisant une approche ou vous ne faites que d’exiger votre part du gateau sans rien offrir en contrepartie et sans se poser la question si les mesures exigés sont vraiment les bonnes. Pourquoi pas remettre la manière de procéder en cause?

    A Zà¼rich, la première étappe est de déterminer les besoins non en infrastructure mais en offres! Et oui, au lieu de demander une voie en plus, on demande des trains/capacités en plus. Nuance. Que cela soit résolu par des voies ou d’autres moyens n’est pas important. Nuance.

    Ensuite, les cantons de Vaud et Genève pensent que la troisième voie est urgent, mais pas question de payer? Le signal n’est pas vraiment le bon.

    Alors, pourquoi pas repenser le concept de A à  Z puis revenir à  charge avec une proposition qui tient vraiment la route. La troisième voie est elle la seule et unique solution?

  2. Je tiens à  noter que les demandes vaudoises ont dès le départ été exprimées en terme d’offre et pas d’infrastructures. Mais il se trouve que pour répondre à  une augmentation de 80% de la demande TP entre Lausanne et Genève d’ici 2020, on n’échappera pas à  la réalisation d’une voie supplémentaire entre Lausanne et Allaman. C’est en tout cas ce qu’affirment les CFF eux-mêmes.

    Il est totalement faux de dire que les Vaudois revendiquent sans contrepartie. En effet, Vaud investit et investira encore massivement dans le développement des transports publics urbains et régionaux (m2, nouveau réseau tl, tramway, RER, gare de Malley, etc.). Les projets d’agglomération prévoient explicitement que les infrastructures nécessaires au trafic régional (3e voie Bussigny-Cossonay, tronçons de 4e voie entre Coppet et Genève, etc.) seront financés par les cantons, avec, le cas échéant, une participation fédérale pour le trafic d’agglomération. Au surplus, les récentes déclarations des Conseils d’Etat vaudois et genevois montrent une bonne disposition pour un préfinancement de la “3e voie”. Mais celui-ci reste à  ce jour illégal en vertu de l’article 10 de la loi sur le développement de l’infrastructure ferroviaire tel que voté par le Conseil des Etats.

    Enfin, le PPP n’est pas une proposition que je défends, car je n’arrive pas à  imaginer comment une entreprise privée (autre que les CFF) pourraient exploiter un tronçon de ligne isolé sur le réseau national. A l’inverse, je suis persuadé que, si la Confédération les y autorisait, les CFF pourraient lever des fonds et réaliser par eux-mêmes certaines infrastructures dont la rentabilité est évidente. Cette idée a d’ailleurs été reprise récemment par Andreas Meyer, Directeur général des CFF, dans une interview accordée au journal Le Temps.

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