OpenExpo 2008: la cyberadministration profite des logiciels libres

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Les 12 et 13 mars se tenait à Berne la troisième édition du Swiss Open Source Software Conference & Exposition. J’ai eu le grand plaisir d’y ouvrir le cycle de conférences consacrées aux logiciels libres dans les administrations publiques (government track). L’occasion pour moi de rappeler en quoi les logiciels open source s’inscrivent parfaitement dans la logique du développement durable (présentation OpenExpo 2008, format PDF). Force est en outre de constater que le canton de Vaud est reconnu au niveau suisse pour son action en faveur des logiciels libres dans les administrations publiques.

Les logiciels libres présentent les deux caractéristiques essentielles suivantes:

  • leur code source est ouvert et peut donc être adapté à l’évolution des besoins ou de la technique;
  • ils sont libres de droit et peuvent donc être réutilisés par d’autres (mutualisation).

Les principales conséquences en sont que les logiciels libres (open source software ou OSS) peuvent évoluer au rythme voulu par les utilisateurs et que les coûts de développement et d’adaptation peuvent être partagés par un grand nombre d’intéressés. En regard des objectifs du développement durable, cette m trise de l’obsolescence du software favorise une utilisation prolongée du hardware et donc des impacts environnementaux résultant de la production et de l’élimination du matériel informatique. Au plan économique, la suppression des rentes de situation dont disposent les éditeurs propriétaires garantit une efficience économique maximale: les utilisateurs ne paient que pour les services supplémentaires dont ils ont besoin.

Curieusement, l’idée de partager un logiciel avec ses concurrents a progressé plus vite dans le secteur privé que dans le secteur public. Mais les collectivités publiques sont en train de rattraper ce retard comme le montre la dernière étude Gartner consacrée à ce sujet. Par exemple, 72% des responsables informatiques disent examiner des solutions OSS pour le système d’exploitation de leurs serveurs (7% en 2006) et 49% les envisagent aussi pour les bases de données (12% en 2006).

Dans le canton de Vaud, les solutions open source commencent à prédominer. Si c’était déjà le cas pour les logiciels d’infrastructure (serveurs, stockage de masse, réseaux, etc.), les OSS prennent le pas sur les logiciels propriétaires dans le domaine des plates-formes transversales. Le premier succès a été, en 2005, l’adoption du gestionnaire de contenu web Typo3 (voir http://www.vd.ch). En 2006, le canton a décidé de promouvoir l’ERP (enterprise ressource planning) TinyERP et s’apprête à l’utiliser pour gérer certains processus administratifs. En 2007, une première expérience positive a été conduite à l’Administration cantonale des impôts (ACI) avec le système de gestion électronique des documents (GED) Alfresco. Plus récemment, c’est le CRM (customer relation management) SugarCRM qui a été déployé au service de l’emploi pour le suivi des entreprises.

Dans chacun de ces cas, la Direction des systèmes d’information (DSI) reverse à la communauté des développeurs les adaptations et améliorations qu’elle développe. L’Etat de Vaud ne veut pas se contenter de dévaliser le supermarché des OSS, mais il consolide la communauté de ceux qui font évoluer chaque application.

Il arrive aussi que l’Etat soit propriétaire du code des applications qu’il a développé pour ses propres besoins. Ces solutions métiers sont alors offertes aux autres cantons ou collectivités publiques sous licence open source. C’est par exemple le cas du logiciel de télégestion de l’énergie dans les b timents Tener, de l’application qui gère tout le processus de délivrance des permis de construire de la Camac ou encore du logiciel qui devrait rendre bientôt accessibles toutes les données du cadastre géologique vaudois. La diffusion de ces solutions métiers devrait s’accélérer depuis que, sur proposition du canton de Vaud, la Conférence suisse de l’informatique a adopté en août 2006 une licence logiciel libre compatible avec le droit suisse (GPL de la CSI). Si dix cantons suisses se mettent à partager dans ce cadre des solutions informatiques pour exercer des t ches publiques somme toute très semblables, on peut estimer que chaque fois que l’Etat de Vaud “offre” un logiciel qu’il a développé, disons pour 1 million de francs, il peut espérer en “recevoir” neufs autres d’une valeur totale de 9 millions, réalisant ainsi une économie de 8 millions, soit huit fois sa “mise de base” (dépense qu’il a de toute manière déjà effectuée).

On se met à rêver en songeant aux économies qui pourraient être réalisées si le cercle des bénéficiaires s’étendait aux collectivités publiques de l’Europe entière. C’est pourtant le projet que nous a présenté à OpenExpo la responsable du programme européen IDABC, Mme Barbara Held (voir sa présentation, PDF).

Reste la lancinante question du poste de travail et du choix qu’il va falloir faire dans les 2-3 ans à venir entre le système d’exploitation Windows Vista et Linux. Une migration complète vers les OSS est techniquement possible et certains se sont lancés dans l’avanture, le cas le plus célèbre étant le projet LiMux de la ville de Munich (voir la présentation LiMux faite à OpenExpo). Mais partout on bute sur l’obstacle majeur constitué par les logiciels métiers qui ne tournent que sur un PC Windows et dont la réécriture coûterait pour un canton comme le nôtre des dizaines, voire des centaines de millions de francs. Certains, comme le canton de Soleure, contournent l’obstacle en émulant un bureau virtuel Windows (avec Citrix) sur tous ses PC Linux. D’autres encore se contentent de remplacer les logiciels bureautiques Microsoft par OpenOffice et Mozilla Firefox.

Dans le canton de Vaud, la question Vista vs Linux est à l’étude et un choix stratégique devrait être fait d’ici fin 2009. Une seule chose est sûre: il sera lourd de conséquences pour l’avenir. En attendant, la règle essentielle qu’il faut respecter est de renoncer à tout développement informatique qui accroîtrait encore cette dépendance (solutions multi-plateformes).

Mais le grand défi reste le développement de la cyberadministration, lequel n’est pas confronté à ces contraintes techniques, puisque, par définition, tout passe par l’Internet et que les navigateurs se jouent assez bien du système d’exploitation du poste de travail. Les investissements informatiques étant à la hauteur du retard pris par la Suisse dans ce domaine, la mutualisation des développements dans une logique open source est la seule voie que nous pouvons nous payer. C’est clairement l’esprit dans lequel a été rédigée la Convention passée entre la Confédération et les cantons pour le développement du e-government. J’ai la chance de représenter les cantons romands au sein du comité de pilotage présidé par le Conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz et je crois pouvoir dire que – sur ce point-là au moins – nous sommes au diapason.

Partout où l’approche coopérative est choisie, on voit appar tre des solutions OSS. C’est le cas, par exemple, du projet PloneGov de construction d’un portail unifié de cyberadministration dans les (petites) collectivités publiques en Suisse et en Europe. Il vaut la peine d’aller voir sur plonegov.ch ce qu’ont fait les villes de B le et de Berne, ainsi que le canton de Zoug.

Je ne regrette pas ma participation à OpenExpo, tout particulièrement en raison des éloges dont le canton de Vaud a été gratifié par plusieurs orateurs. Mais pendant ce temps-là, à Lausanne, 24 Heures préparait un nouvel article (paru lundi 17.03.08) pour décrire la “gabegie” qui règnerait dans l’informatique vaudoise, “paralysée par une crise sans précédent”. Voilà qui confirme que nul n’est prophète en son pays…

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