Amiante: un partenariat public-privé innovant

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Face au refus des milieux immobiliers d’effectuer un diagnostic systématique de la présence d’amiante dans tous les b timents sis sur territoire vaudois, le Conseil d’Etat propose une obligation lors de tout projet de démolition ou transformation, soit lorsque les risques d’exposition sont maximaux. Le projet de loi prévoit que ces diagnostics et les mesures d’assainissement seront publiés sur Internet. De quoi mettre propriétaires et bailleurs sous une certaine pression et obtenir un assainissement plus rapide que le rythme des rénovations. (voir la conférence de presse du 10.07.09, pdf 425 kB)La présence d’amiante dans les bâtiments constitue l’une de ces nombreuses bombes à retardement qui découle du non-respect du principe de précaution et à l’utilisation joyeuse de « nouveaux » matériaux et substances. L’utilisation la plus dangereuse de l’amiante reste le flocage de fibres faiblement agglomérées à même les murs et les structures porteuses. Mais l’industrie a aussi introduit de l’amiante dans les plaques de faux plafonds, les revêtements de sols, les colles pour carrelages ou encore les mastics de fenêtres. Dans ces cas-là, on considère que les risques sont faibles que l’amiante se libère, sauf en cas de travaux. Le personnel d’entretien et les ouvriers appelés à exécuter ces travaux doivent être informés de manière précise sur la nature des matériaux et leur localisation pour pouvoir prendre les précautions recommandées par la Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail (CFST) et la SUVA. Il est dès lors parfaitement logique qu’un diagnostic soit établi avant d’engager les travaux, comme l’exige le projet de révision de la loi sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC). En effet, il était fréquent jusqu’ici que la présence d’amiante ne soit identifiée qu’en cours de chantier, souvent après que des ouvriers eurent été exposés massivement.

On aurait pu imaginer que ces rapports d’analyse, comme d’autres expertises techniques, restent dans les dossiers du maître d’ouvrage avec le risque que les entreprises ne soient informées que tardivement, voire incomplètement. La publication sur Internet devrait permettre à l’entrepreneur ou aux ouvriers eux-mêmes de se documenter très concrètement sur les difficultés d’un chantier. Plans, photos, recommandations techniques, toutes les informations utiles seront accessibles dans un document standardisé édité à l’aide d’un logiciel open source en ligne.

Mais cela ne suffira pas pour que l’ensemble du parc immobilier vaudois soit ausculté dans un délai raisonnable. En moyenne, les interventions de rénovation ou de démolition surviennent tous les 30 à 35 ans. Or, compte tenu d’une période de latence de 30 à 40 ans, les maladies de l’amiante vont connaître un pic d’ici 2020 et l’on s’attend à ce que cette substance causera alors autant de morts que la route aujourd’hui (environ 400 décès par an). Ainsi, la loi prévoit que la plate-forme Internet puisse aussi servir à publier les diagnostics et assainissements effectués spontanément par des propriétaires responsables. Et il en existe plus qu’on ne l’imagine, notamment parmi les caisses de pensions ou les entreprises certifiées ISO 14’001 pour leur management environnemental!

Petit à petit, le cadastre des immeubles va se colorer en rouge avec les bâtiments à assainir, puis en vert avec ceux qui l’auront été, mettant par contraste en évidence les biens immobiliers n’ayant fait l’objet d’aucune analyse. Je veux parier sur le fait que les locataires ou les associations qui les représentent ne manqueront pas de faire pression sur les propriétaires pour qu’ils expertisent leurs biens, probablement plus efficacement et plus légitimement que l’Etat ne pourrait le faire avec une petite armée de fonctionnaires. Un bel exemple de partenariat public-privé utilisant les ressorts du marché et un meilleur respect des droits des citoyens et des travailleurs.

Si le cercle vertueux attendu s’enclenche, le concept d’une documentation complète dans une base de données géoréférencée pourrait bien faire des émules, dans d’autres cantons, voire dans d’autres régions du monde. D’autant plus facilement que j’ai souhaité que l’ensemble de la démarche puisse être mutualisée (méthodologie de diagnostic, logiciel open source, etc.).

Pour en savoir plus: http://www.vd.ch/fr/themes/territoire/construction/dossier-amiante/

10 réflexions au sujet de « Amiante: un partenariat public-privé innovant »

  1. Bravo ! Le diagnostic amiante obligatoire avant travaux est une excellente chose ! Félicitations.
    Je reste pour l’instant un peu interloqué par la publication sur internet de tous ces diagnostics, y compris pour le privé. C’est une t che énorme (plus de 85% du parc immobilier, soit certainement de l’ordre de 100’000 b timents et donc 100’000 rapports…).
    De la même manière, j’attends encore un peu “à  voir” pour les exigences demandées au niveau des diagnostics. Ceux-ci n’ont de sens que s’ils sont réalisés par des professionnels du diagnostic, au bénéfice d’une formation sérieuse et complète, idéalement confirmée par un label (comme en France depuis 1996 ou en Suisse romande depuis quelques années). Je suis un peu inquiet de voir que la CVI prévoit d’ores et déjà  des formations “rapides” pour que tout un chacun puisse réaliser ces diagnostics… La première nécessité serait que le diagnostiqueur soit indépendant du régisseur…
    Mais encore mille bravos pour l’initiative, en espérant qu’après Genève et Vaud, les autres cantons romands et suisses aient également de l’avant.

  2. Je suis particulièrement fier de cette idée de publier les diagnostics sur Internet. Pour les b timents soumis à  l’obligation légale nouvelle, c’est l’assurance que les personnes potentiellement exposées peuvent être complètement informées. Pour les diagnostics décidés de manière autonome par les propriétaires, c’est une magnifique occasion de “montrer patte blanche” et de faire connaître les efforts consentis. Enfin, pour ceux qui seraient tentés de renoncer à  des travaux pour échapper à  l’assainissement, c’est une pression potentielle de l’opinion publique et des locataires. Nous avons bien conscience du nombre de b timents, le but étant que l’ensemble du parc construit avant 1991 soit diagnostiqué sans attendre 30 ou 40 ans.

    Le format des rapports sera défini par l’Etat (directive d’application) et ceux-ci seront réalisé sur une application web (open source). De même, les diagnostiqueurs et les laboratoires d’analyse devront être qualifiés et reconnus par la SUVA.

    La CVI ne prévoit pas de former rapidement des diagnostiqueurs mais de sensibiliser les collaborateurs pour qu’ils puissent repérer les immeubles sur lesquels lancer les diagnostics prioritaires. Elle le fait en partenariat avec EPIQR, cette dernière société restant indépendante du régisseur.

    Un groupe technique romand a été institué sur ma proposition pour échanger des expériences et harmoniser les pratiques. Je ne doute pas que la décision vaudoise fera de nouveaux émules…

  3. Après avoir réellement soutenu la démarche, les professionnels vaudois de l’immobilier semblent soudainement inquiets de leur propre audace… Dans le cadre de l’examen du projet de loi par le Grand Conseil, ils tentent de supprimer la véritable originalité du projet de loi vaudois: l’obligation de publier sur Internet le résultat des audits amiante et la possibilité, pour les propriétaires responsables, de faire connaître, sur cette même plate-forme, l’état sanitaire de leurs b timents (voir http://centrepatronal.blog.24heures.ch/archive/2009/10/27/amiante-dans-les-batiments-un-projet-de-loi-raisonnable.html).

    Encore une fois, la publication vise deux buts:
    1) permettre à  quiconque intervient dans un b timent diagnostiqué (dans le cadre des travaux mis à  l’enquête ou beaucoup plus tard) de prendre les mesures de précaution adaptées;
    2) inciter les locataires et les défenseurs des travailleurs à  exiger un diagnostic amiante même là  où des travaux soumis à  enquête publique ne sont pas prévus.

    C’est évidemment ce deuxième but que les professionnels de l’immobilier tentent d’éviter, dans la mesure où il devrait permettre un assainissement beaucoup plus rapide que ce que laisse espérer le taux ordinaire de rénovation des immeubles.

  4. Il n’y a PAS DE FORME D’AMIANTE SANS DANGER ! Je l’ai expérimenté avec ma propre maison à  Colombier(VD) fin 2004: une connaissance ingénieur m’avait dit de ne pas m’occuper du GEA (3 tonnes d’eternit par plaques 50cm x 1 m. de 6 mm d’épaisseur) posé en 1973 comme sous-couverte d’un toit en tuiles flamandes. Surprise, lors d’un contrôle ! Il y avait une petite bordure de poudre longeant chaque plaque, un résultat de décomposition du ciment par carbonatation et libérant la fibre … au total quelques Kg de poudre mortelle; l’isolation en fibre de verre sous-jacente était grise par place, contaminée.
    Sous ce toit, il y a un appartement: j’ai donc fait assainir les lieux, nous avons renforcé l’isolation d’importance par la même occasion.

    La bataille à  mener toujours et encore comme préalable: faire des contrôles et INVENTAIRES.

  5. Vous avez parfaitement raison. Les diagnostics “amiante” permettent d’identifier les éléments en fibro-ciment et de s’assurer que tant le propriétaire que les locataires ou les ouvriers soient conscients du danger et des précautions à  prendre.

    L’état du liant (ciment, bitume, mastic, polymère, etc.) doit être examiné par les experts et un assainissement doit être ordonné si les fibres menacent d’être libérées. En cas de doute, une analyse de l’air doit être faite et peut conduire à  l’évacuation immédiate du site.

    Mais il est vrai que, pour l’heure, les risques d’exposition à  l’amiante demeurent importants et que l’assainissement va réclamer une large mobilisation et des efforts dans la durée.

  6. En tant que consultant du domaine de l’amiante, je suis évidemment de partie prise dans cette question. Une telle loi signifierait en effet une augmentation du nombre de mandats de diagnostics amiante.

    Je suis parfaitement d’accord que le seul moyen pour efficacement protéger la santé des travailleurs est un diagnostic amiante à  effectuer avant tout travail de transformation ou démolition. Par contre, je partage avec M. Dubouloz un certain doute sur l’utilité d’une publication en ligne.

    En effet, selon mon expérience, environ 95% des b timents contiennent quelque part des matériaux amiantés. Donc en gros, on peut déclarer toutes les b timents datant davant 1992 comme contenant de l’amiante.

    La réaction d’un locataire qui voit que l’immeuble dans lequel il habite contient de l’amiante, est en général de la panique. Il serait donc nécessaire de fournir un travail de communication important pour les convaincre qu’un assainissement immédiat n’est pas nécessaire, ce qui est un peu contraire au message que l’on essaye d’habitude de faire passer comme quoi l’amiante est dangereux.

    Un autre moyen pour avancer dans cette question serait d’encourager les acheteurs d’immeubles à  faire examiner les immeubles avant que la transaction soit effectué. Une publication à  ce sujet se trouve ici.

  7. Bonjour,

    Je suis un peu surpris qu’en tant que “consultant” vous vous souciez plus du nombre de vos mandats que de la santé des travailleurs potentiellement exposés à  l’amiante. Seule la publication transparente du rapport de diagnostic permettra aux entreprises et à  leurs ouvriers d’accéder aux informations leur permettant de prendre les mesures appropriées. En effet, comme vous le savez certainement, ce sont les ouvriers du b timents qui sont le plus exposés au risque amiante lorsque les fibres sont plutôt fortement agglomérées et qu’un assainissement urgent n’est de ce fait pas nécessaire.

    Bien sûr, cela pourrait ne pas faire le beurre de quelques propriétaires ou gérances confrontés à  des locataires un peu trop sourcilleux ou inquiets. Mais je vous invite à  prendre en considération l’effet positif (sur les mêmes locataires potentiels) de cette publication pour les propriétaires ou gérances ayant consentis à  d’importants frais d’assainissement. Je suis en effet convaincu que cette transparence devrait profiter aux propriétaires “responsables” et créer une certaine émulation chez ceux qui pourraient être tentés de renoncer à  des travaux pour éviter le diagnostic et l’assainissement du b timent. Avec à  la clé des mandats pour vous et vos concurrents!

    Quant à  encourager les acheteurs d’immeubles à  faire examiner le b timent avant de l’acquérir, vous admettrez que la généralisation des publications sur Internet constitue un puissant stimulus pour le vendeur à  faire expertiser son immeuble avant de le mettre en vente.

    Je précise enfin que le diagnostic qui sera publié sur Internet contiendra des plans, des photos, un rappel du niveau de danger et des règles applicables. Je doute que ces informations conduisent à  un mouvement de désertion des immeubles concernés. Et quand bien même cela devrait arriver, cela ne pourrait avoir qu’un effet bénéfique sur le rythme des diagnostics et des assainissements, de telle sorte qu’il ne faudra peut-être pas attendre la fin du siècle (cycle de rénovation complète du parc immobilier d’avant 1992) pour règler ce douloureux problème de l’amiante:

    Meilleures salutations.

  8. Monsieur,

    Merci de votre réponse rapide. Je m’excuse si mon message ait donné l’impression que je me soucis plus du nombre de mandats que de la santé des travailleurs. Ce n’est évidemment pas le cas.

    Je supporte 100% l’idée qu’un diagnostic amiante doit être effectué pour obtenir un permis de démolition ou de transformation. Mais je ne suis pas encore vraiment convaincu qu’une base de données publique soit le seul moyen pour réduire le cas d’expositions accidentelles à  des fibres d’amiante, même si vos arguments sont tout à  fait pertinentes.

    Meilleures salutations.

  9. Cher Monsieur,

    Merci pour ce commentaire plutôt positif. Je précise n’avoir jamais prétendu que le “cadastre de l’amiante” serait le seul moyen de réduire les cas d’exposition accidentelle à  des fibres d’amiante. J’ai choisi la voie (fortement) incitative, car l’alternative d’une obligation d’assainir tous les b timents n’était pas praticable. Soit le délai était court (par ex. 10 ans) et l’objectif n’aurait jamais été atteint faute de moyens financiers et de compétences pointues, soit le délai était plus long (par ex. 30 ans) et il devenait impossible de justifier moralement que des gens puissent être exposés à  l’amiante “en toute légalité” pendant plus d’une génération.

    Avec mes meilleures salutations.

  10. Ping : Diagnostic amiante des bâtiments: un démarrage en douceur! | François Marthaler

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