Et si les caisses de pension assuraient le préfinancement de la troisième voie CFF?

caissecff_a.jpg

C’est la question posée par le magazine Bilan dans son édition du 17.12.08. Et la réponse est clairement positive. “Avec la crise financière mondiale, les institutions de prévoyance (IP) ne savent plus guère où placer leurs fonds”. Une analyse confirmée par le Directeur de la plus importante d’entre elles, Publica, la caisse de retraite des employés de la Confédération: “Notre caisse serait tout à fait disposée à trouver une joint-venture avec les cantons de Genève et de Vaud pour financer une infrastructure telle que la 3e voie ferroviaire”, indique Werner Hertzog (voir l’article de Jean-Raphaël Fontannaz).

J’avais déjà formulé cette proposition lors d’une table ronde sur les transports animée par Philippe Le Bé de L’Hebdo et organisée en juin 2008 par la BCV. Les débats avaient été relatés dans la revue “Points Forts”publiée par la banque (voir le tiré à part de Points Forts No 14).

Cette idée avait été évoquée dans un article du 18 mai 2008 sur ce blog – c’était bien avant la crise boursière! – en guise de contre-proposition à la provocation de Moritz Leuenberger qui voulait ouvrir le capital des CFF aux investisseurs privés. Je suis donc ravi que le concept fasse sont chemin…

Si les statuts de Publica lui permettent déjà d’investir des capitaux dans des infrastructures de transport, à ma connaissance, il n’en va pas de même pour les autres caisses de pension. Il faudrait probablement modifier la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) ou son ordonnance d’application. C’est le job de nos parlementaires fédéraux.

Mais il faudrait aussi revoir les règles qui régissent les investissements des CFF. En effet, s’ils peuvent, comme annoncé l’automne dernier, engager un programme de 20 milliards de francs (!) pour l’acquisition de matériel roulant d’ici 2030, il leur faut l’aval des Chambres fédérales pour chaque amélioration de l’infrastructure, ce qui est une pure aberration! C’est ainsi que dans le cadre du programme ZEB, les CFF se sont vu refuser tout crédit supplémentaire pour financer à hauteur de 2,5 milliards de francs les “options d’extension” (dont la célèbre 3e voie) jugées pourtant indispensables et que des lobbys de circonstance sont parvenus à leur imposer des ouvrages pharaoniques dont ils estiment ne pas avoir besoin. Il me par trait logique que notre ex-Régie puisse plus librement lever des fonds auprès des caisses de pension pour financer le développement indispensable de son infrastructure avec la même marge de manoeuvre – et la même responsabilité d’entreprise – que lorsqu’elle modernise son matériel roulant. Là aussi, nos élus à Berne devraient oser remettre en cause des mécanismes plus que poussiéreux.

2 réflexions au sujet de « Et si les caisses de pension assuraient le préfinancement de la troisième voie CFF? »

  1. Bonjour,

    Je pense que cela pourrait être une bonne idée puisque les caisses de pension pourraient donc investir dans un domaine où elles ne prendraient pas des risques immenses en investissant dans des produits financiers complexes et dangereux.

    Ces investissements seraient une bonne chose pour les CFF puisque cela permettrait notamment de préfinancer des projets comme la 3ème voie CFF mais aussi d’autres projets destinés à  améliorer l’infrastructure CFF.
    J’espère que les différents élus à  Berne seront sensibles à  cet élément et qu’ils seront prêts à  modifier la loi sur la prévoyance professionnelle pour permettre aux caisses de pension d’investir dans le domaine des transports publics.

  2. Du bout des lèvres, même Moritz Leuenberger prend cette proposition au sérieux. Son département (le DETEC) publie aujourd’hui son rapport stratégique sur l’avenir des réseaux d’infrastructure nationaux en Suisse (voir pdf 4,3 Mb). On peut y lire: “Pour ouvrir les réseaux routiers et ferroviaires aux investisseurs non étatiques, plus particulièrement aux investisseurs institutionnels comme les caisses de pensions, il conviendrait de les confier à  des sociétés autonomes, axées sur le profit à  long terme avec un risque minimum, dont les recettes devraient surtout permettre une rémunération conforme au marché du capital.”

    Une note de bas de page nous apprend que: “Les investisseurs institutionnels, notamment les caisses de pensions, sont concernés comme en attestent les éléments ci-après: Les caisses de pensions disposent d’importants moyens (en moyenne dans l’OCDE, leur somme de bilan a atteint en 2005 tout juste 90% du PIB (en Suisse 117%), disposent d’un horizon de placement à  long terme et suivent une politique de placement axée sur des versements réguliers. Contrairement à  d’autres placements tels que par exemple les carburants ou les devises, les infrastructures engendrent des recettes constantes comparativement résistantes à  la conjoncture, se distinguent par une plus grande tangibilité et une volatilité moindre et peuvent tendanciellement être plus facilement compatibles avec les exigences posées à  une politique d’investissement durable et socialement responsable. Malgré ces conditions favorables, les caisses de pensions ont jusqu’ici peu investi dans les projets d’infrastructure: dans tous les pays de l’OCDE, cela représente 1% de la totalité des placements. Les parts les plus importantes sont investies en Australie, au Canada et aux Pays-Bas qui sont des pionniers dans ces domaines. Cette part ne dépasse toutefois nulle part les 5%. (Cf. OCDE (2007) Les infrastructures à  l’horizon 2030, vol. 2, p. 38).”

    Sachant que les caisses de pensions suisses gèrent des avoirs pour environ 600 milliards de francs, si elles pouvaient en investir 5% dans les infrastructures ferroviaires, cela représenterait 30 milliards, soit bien plus que le scénario le plus ambitieux de Rail 2030.

    Certes, on me répliquera que les infrastructures ne sont pas rentables et que les caisses de pensions ont besoin d’une rentabilité minimale. Ce à  quoi je réponds trois choses:
    1) Si le financement est apporté par la Confédération, il coûte ce que coûtent les emprunts publics et les caisses de pensions souscrivent une bonne part de ces obligations. La nouveauté, c’est que la Confédération ne veut plus s’endetter pour cela.
    2) Chacun l’admet, de bonnes infrastructures sont garantes de la compétitivité du pays et donc de la rentabilité à  long terme des autres placements des caisses de pensions dans l’économie suisse.
    3) Si la vente des sillons voyageurs et marchandises ne couvre en moyenne qu’environ 25% des coûts totaux de l’infrastructure, je suis persuadé qu’il existe des investissements qui, par leur effet favorable sur la performance du réseau, dégagent une rentabilité intrinsèque. Alors commençons par ces projets-là ; on allègera d’autant le fardeau à  porter selon les règles traditionnelles!

    Et puis, cela ressemble un peu à  du PPP (le très en vogue partenariat public-privé), où le Public serait la Confédération et le Privé les CFF SA (entreprise que l’on suppose gérée selon les “principes de l’économie privée” depuis qu’elle n’est plus une Régie).

    L’heure est probablement venue pour les chambres fédérales de se saisir de cette proposition…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *