L’Etat de Vaud encourage l’innovation dans le bois-énergie

camions O. Bise

(source http://www.obise.ch/)

Le 9 septembre 2010, j’ai eu l’immense satisfaction d’assister, en présence des médias, à la première livraison de pellets écologiques qui seront utilisés pour chauffer l’ensemble du site de formation de Marcelin à Morges. Cette installation de 800 kilowatts de puissance (l’une des deux plus grandes chaufferies à pellets de Suisse romande) alimente, combinée avec une chaudière d’appoint et de secours fonctionnant au gaz naturel, un important réseau de chauffage à distance. Les pellets fourniront 80% des besoins totaux. En période estivale, lorsque la chaufferie à bois est éteinte, 110 m2 de capteurs solaires couvrent les besoins en eau chaude sanitaire. La réelle nouveauté concerne l’origine des pellets fournis par Enerbois SA, filiale à 50% de Romande Energie SA. Ils proviennent de la sciure produite par la scierie Zahnd SA de Rueyres (VD) après séchage avec la combustion des écorces, donc sans émission de CO2. Pour couronner le tout, le bois utilisé par la scierie provient essentiellement de forêts certifiées FSC (Forest Stewarship Council), dont les forêts cantonales et communales vaudoises font partie. Bel exemple de développement durable et d’économie de proximité!

Je suis d’autant plus heureux de cette réalisation que, dans une autre vie (en 1997), j’avais oeuvré à la mise en place de l’Association romande pour la revalorisation du bois (ARRbois) qui visait à organiser le marché du bois-énergie et le système qualité, ainsi qu’à susciter la mise sur pied d’une logistique de distribution efficace, que ce soit pour les plaquettes, les briquettes, les pellets ou encore les bois usagés du secteur de la construction (voir l’Etat de l’environnement 2000 publié par l’Etat de Vaud).

A l’époque, la centrale de chauffage au bois de Marcelin (Chopag SA) n’était encore qu’un projet. En arrivant au Conseil d’Etat, en 2004, il m’a malheureusement fallu constater la faillite de la société et tenter de sauver le projet. Sollicité pour un crédit d’assainissement, le Grand Conseil avait manifesté sa mauvaise humeur quant aux pertes financières assumées par l’Etat, mais accepté qu’un projet redimensionné soit relancé (sans l’hôpital et les immeubles locatifs des alentours). A condition toutefois que le bois combustible soit d’origine locale. A ce moment-là, il n’existait aucun producteur de pellets en Suisse romande. Mais les avantages de ce nouveau combustible étaient tels que j’avais la conviction qu’une production locale verrait rapidement le jour. Ce qui n’a pas manqué d’arriver avec la co-entreprise Enerbois dont la production a démarré en juillet 2010 (20’000 tonnes de pellets par an, en plus du séchage du bois de la scierie Zahnd et de la production de 40’000 kWh d’électricité renouvelable).

Le choix des pellets plutôt que des plaquettes forestières pour Marcelin était aussi un choix économique. En effet, le stock des plaquettes aurait nécessité de sacrifier 400 m2 de surfaces de plancher et un système complexe et délicat d’alimentation de la chaufferie, alors que les pellets sont stockés dans un silo de 75 m3 logé dans un volume inutilisé du b timent. Du fait de leur plus forte densité et de leur faible taux d’humidité, les pellets contiennent beaucoup plus d’énergie par unité de volume (2 kg de pellets équivalent à un litre de mazout). Ainsi, le nombre de camions nécessaires pour approvisionner le site de Marcelin sont quatre fois moins nombreux que si le choix s’était porté sur des plaquettes. Que ce soit au niveau de l’investissement initial ou de l’exploitation, l’installation s’avère plus économique que tout autre mode de chauffage.

A noter que, gr ce à une économie de 1’800 tonnes de CO2 par année, la Fondation Centime climatique a pu fournir un soutien financier permettant à l’Etat de réaliser un système de nettoyage des fumées comportant un filtre à cyclone et un électro-filtre (presque aussi imposant que la chaudière!) largement plus performants que ce qu’exigent les normes de protection de l’air (OPair).

Enfin, les cendres peuvent, après analyse, faire l’objet d’un mélange avec du compost et servir finalement d’engrais pour les cultures. La boucle est bouclée! Et on entre dans l’écologie industrielle: la forêt pousse en absorbant le CO2 de l’atmosphère, les arbres sont transformés en planches et en bois d’oeuvre, les déchets de coupe servent à produire de la chaleur pour le séchage du bois et de l’électricité renouvelable, la sciure est transformée en pellets utilisés localement pour le chauffage des b timents, et les cendres servent de nutriment aux plantes qui absorbent le CO2 de l’atmosphère, etc. Avec en prime une augmentation de la valeur ajoutée et des emplois (en Suisse) tout au long de la filière bois et un minimum de nuisances sur l’environnement.

Ainsi, pour l’Etat de Vaud, la main droite n’ignore pas ce que fait la gauche. Politique de soutien à l’innovation industrielle, politique énergétique, rôle d’actionnaire principal de Romande Energie, chauffage des b timents publics, l’intervention de l’Etat devient particulièrement cohérente. C’est ainsi que je conçois le rôle des collectivités publiques pour la mise en oeuvre d’une stratégie de développement durable.

8 réflexions au sujet de « L’Etat de Vaud encourage l’innovation dans le bois-énergie »

  1. Bonjour,

    C’est fou ce que j’aime les boucles qui sont bouclées, c’est tellement intelligent et logique. On ne devrait pas raisonner autrement pour s’en sortir!

    Bravo pour votre travail et votre engagement.

    Cordialement
    IM

  2. Mes vacances en France ont été bercée par le mouvement social opposé aux régimes des retraites, pour cela certains n’ont pas hésité à  bloquer des raffineries avec pour résultat quelques pompes à  sec. Cette situation, bien que très légèrement contrariante présage ce que nous réserve notre futur combiné avec l’émergence de plus en plus confirmée du pic oil (http://fossilisme.over-blog.com/ext/http://europe.theoildrum.com/node/7001).

    Cette situation m’a amenée à  faire un parallèle entre l’usage de notre capital retraite et celui que nous faisons du capital pétrole offert à  notre civilisation moderne par notre mère nature:

    Durant 35 ans de labeur, nous mettons péniblement de côté un capital nécessaire à  subvenir à  nos besoins pour nos 20 dernières années de vie. Il a fallu à  la nature plus de 3.5 Mio d’années (estimation très grossière et optimiste) pour constituer son capital de combustible pétrolier. Si l’on en croit les experts en la matière, nous consommerons ce capital naturel en moins de 200 ans. Ceci correspondrait donc à  dilapider notre capital de retraite en moins de 18 heures, et ce en polluant l’atmosphère, est-ce bien raisonnable ! ? Aucun économiste ou banquier ne parierai sur un tel scénario…

    Seule l’énergie solaire et ses dérivés (bois, vent, etc.) nous met a disposition les dividendes sans mettre à  mal le capital, notre avenir et celui des générations futures. Mettons-nous tous au travail faute de quoi, nous n’aurons plus rien dans notre caisse de retraite avant même d’en avoir goûté le plaisir. Utilisons donc le reste du capital pétrolier avec parcimonie pour ces qualités spécifiques (médicaments, engrais, etc) et comme énergie nécessaire à  réaliser les produits et techniques indispensables à  accéder efficacement au capital soleil plutôt que de le dilapider en compensation de pertes non maîtrisées ou pour faire fonctionner des machines avec un rendement médiocre. Il y a urgence !:-O

  3. Aujourd’hui comme la plupart des journées sur le plateau du Jorat, le vent souffle…! Et qu’apprends-je, les Verts locaux s’opposent à  l’initiative courageuse des Services Industriels de Lausanne, dirigés par un autre Vert …, à  l’installation de plusieurs éoliennes sur le Plateau.
    M’enfin dirait Gaston, quelle belle cacophonie, quel manque de responsabilité à  l’aube de nous faire voter sur de nouvelles centrales nucléaires. les Verts s’opposent une fois de plus à  une solution, certes visible et contraignante pour le paysage, mais pas immuable, pas si dommageable et surtout réversible !
    D’aucun préférerons utiliser le territoire pour enfouir nos déchets nucléaire ce n’est pas visible car c’est souterrain…
    En passant à  proximité d’une centrale nucléaire le long du Rhône en France, j’ai pu admirer leur panache blanc immaculé, leur tours de refroidissement décorée d’un joli enfant en train de jouer et …trois éoliennes pour se donner bonne conscience à  proximité, mais elles ne tournaient pas car situées en fond de vallée.
    Alors svp un peu de civisme et de cohérence, laissons place aux initiatives opportunes, même si elle ne résolvent pas tous nos problèmes, elles y contribuent. Demain, nos enfants seront habitués aux éoliennes comme l’ont été mes ancêtres hollandais aux fameux moulins. Aujourd’hui sans les moulins, qui sont protégés par les défenseurs du patrimoine et de la beauté du paysage, les Pays-Bas n’auraient pas le même charme….

  4. J’étais moi aussi en vacances en France – une fois n’est pas coutume – en voiture. Une petite cylindrée au gaz naturel voiture (GNV). Malheureusement, alors que près d’un million de véhicules GNV roulent en Europe, la France ne compte que quelques dizaines de stations et aucune sur mon chemin! Alors, sans que ma rente vieillesse ne s’en ressente, je suis tombé dans le piège, à  la recherche désespérée d’une station distribuant encore de la normale 95…

    C’est finalement un peintre en b timent qui m’a spontanément offert un bidon de 10 litres contre la promesse de le lui rapporté rempli un peu plus tard. Il a même refusé un paiement d’avance ou une caution! Belle leçon de solidarité. Et pas sûr qu’un cadre aisé en aurait fait autant…

    Je me suis aussi dit que si la France connaissait notre démocratie directe, le PS, les Verts et les syndicats auraient lancé le référendum contre la loi, sitôt adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat. A moins que la menace d’un possible référendum n’ait permis de trouver un compromis acceptable. Il n’y aurait eu aucun mouvement de grève. Et il n’est même pas certain que Sarkozy aurait perdu sa réforme devant le Peuple (si j’en juge par rapport au récent vote sur l’assurance chômage en Suisse)!

    Cela dit, la comparaison entre le peak oil et le stock de capital pour financer nos retraites n’est pas pertinente. En effet, nos rentes futures dépendent essentiellement du rendement du capital sur le long terme, inflation déduite. Ce rendement dépend des gains de productivité rendus possibles par l’investissement dans les outils de production. Or, tout au long de l’ère industrielle, l’augmentation de la productivité n’a que rarement dépassé 1-2% par an. Ainsi, tout modèle de rente par capitalisation fondé sur un rendement supérieur est condamné à  l’effondrement. Il en va tout différemment de l’AVS (modèle par répartition). C’est alors le rapport entre rentiers et population active qui détermine principalement le niveau des rentes. Et il faut bien admettre qu’avec l’augmentation de l’espérance de vie ce rapport se dégrade et les rentes ne peuvent que se réduire. Sauf si l’on accepte une immigration soutenue et une croissance exponentielle de la population. Mais cette voie n’est pas non plus soutenable sur la longue durée…

    Au fond, le principal mécanisme correctif qui permette à  la société et à  l’économie de rester en équilibre, c’est bien la solidarité. A commencer par celle de mon peintre en b timent!

  5. A propos des Verts et des éoliennes.
    Sans chercher à  provoquer, je considère moi aussi que les éoliennes peuvent être belles. Et les exemples sont nombreux de ces paysages modelés par l’Homme et qui font partie de notre patrimoine. Je pense ici aux “10’000” moulins du plateau de Lassiti en Crète.

    Cela dit, si des champs d’éoliennes doivent être construits pour satisfaire une demande croissante en électricité, je m’y opposerais avec vigueur. C’est pourquoi je propose un programme fondé sur le principe que pour chaque kWh renouvelable produit, on en économise un autre en réduisant le gaspillage. Ce qui revient à  stopper la croissance de la consommation d’énergie et à  substituer, lentement mais sûrement, la production d’énergie par des énergies renouvelables. J’en ai fait la proposition à  mes collègues de la conférence des directeurs cantonaux de l’aménagement du territoire de Suisse occidentale. Mais l’idée devrait s’imposer d’elle même, car la conversion aux énergies renouvelables va immanquablement accroître leur prix dans une proportion telle que leur gaspillage ne sera plus tolérable!

  6. Pour revenir sur le capital retraite, je faisais allusion à  celui constitué par chacun que l’on peut comparer au pécule savamment accumulé et caché sous le matelas pour ses vieux jours. Par cette métaphore, j’ai voulu mettre surtout en évidence la rapidité avec laquelle nous dilapidons le capital offert par la nature qui, dans le cas du pétrole ne rapporte aucun intérêt…
    Le fait de mettre en lumière le rapport temporel pour la constitution d’un capital naturel et son usage avec celui constitué à  l’échelle humaine et la vitesse à  laquelle nous les dépensons a essentiellement pour objet de rendre attentif à  notre voracité énergétique résultante de l’ère industrielle, elle n’a aucune valeur en terme économique à  proprement parler, j’en conviens:-)
    J’ai cependant pu tester cette image auprès de certains collègues ou septique d’une démarche visant l’économie d’énergie, cela a eu le mérite de les rendre attentif à  notre attitude dispendieuse concernant les ressources terrestre et bien qu’un peu simpliste, la leçon a porté.

  7. Pour revenir sur les éoliennes, je reconnais tout le mérite de la proposition encourageant une maîtrise de la croissance de la consommation et salue cette proposition à  double effet.
    Je regrette néanmoins que nous ne soyons capable de réagir qu’une fois face au mur, allons nous ainsi toujours devoir réagir plutôt que d’agir ? Bien que ce combat par anticipation soie probablement perdu d’avance, il faut bien des initiatives progressistes et tant mieux si cela vient des amis de la nature et de l’environnement, alors merci pour l’idée en espérant qu’elle s’impose par intelligence plutôt que par devoir.

  8. A propos des éoliennes et des économies d’énergie, il ne s’agit pas de “maîtriser la croissance de la consommation”, mais bien de réduire cette consommation malgré la croissance démographique et économique, tout en substituant une partie puis l’entier de l’énergie par des sources renouvelables.

    En maîtrisant ainsi la réduction de consommation des énergies fossiles, il devrait être possible d’éviter l’explosion des prix provoquée par le déséquilibre entre déplétion de l’offre et augmentation (ou même stagnation) de la demande. Il est évident que si nous ne parvenons pas à  anticiper, les pouvoirs publics ne disposeront d’aucune marge de manoeuvre pour investir dans les solutions d’avenir. Je fais le pari que, sous la pression de la rue et des lobbys économiques, il faudra réduire massivement les ponctions fiscales sur les agents énergétiques non renouvelables (carburants, huiles de chauffage, etc.), ce qui assèchera les caisses publiques et anéantira toute capacité d’action. Le scénario catastrophe!

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