Pourquoi Bernois et Zurichois utilisent plus des transports publics plus chers?

S-Bahn Dosto

(Rame à 2 étages du RER – S-Bahn – zurichois)

On le sait tous, les Bernois et les Zurichois utilisent beaucoup plus leurs transports publics que les Lausannois. Les tarifs sont-ils plus avantageux à Berne ou Zurich qu’à Lausanne? La desserte y est-elle meilleure? La tarification ou la disponibilité des places de parc dissuadent-elles plus les automobilistes? Au final, le coût de la mobilité est-il plus élevé là où les tarifs sont plus hauts? Au moment où le canton de Vaud souhaite développer ses transports publics et adapter probablement les tarifs en conséquence, j’ai commandé en été 2010 une petite étude comparative. Cette étude a été présentée le 14 février 2011 à l’EPFL devant un large public (voir le rapport Ecoplan œComparatif des coûts de la mobilité dans les villes de Lausanne, Berne et Zurich , pdf, 464 Ko).

La part modale des transports publics est de 43% à Zurich, de 39% à Berne et de 22% à Lausanne. Cette différence, qui va du simple au double, se reflète aussi dans la part de la population qui possède un abonnement (y compris abonnement demi-tarif): une majorité de Lausannois n’en ont aucun, tandis qu’environ 3/4 des Bernois et des Zurichois en ont un.

Sans surprise, le taux de motorisation (nombre de voitures pour 1000 ménages) est sensiblement plus élevé à Lausanne (804) qu’à Berne (642) ou Zurich (688). Mais la disponibilité d’une place de parc, que ce soit au domicile ou au travail ne diffère guère entre ces trois villes. 42% des Lausannois possédant au moins une voiture n’ont pas de place de parc réservée au lieu de travail, contre 54% à Berne et 47% à Zurich. Quant au tarif moyen de location d’une place de parc, c’est à Lausanne qu’il est semble-t-il le plus élevé. On ne peut donc pas affirmer que la capitale vaudoise fasse la vie belle aux automobilistes pour expliquer l’utilisation moindre des transports publics.

L’accessibilité se définit selon une norme VSS très précise. Contre toute attente, la desserte des logements et des lieux de travail s’avère même légèrement meilleure à Lausanne qu’à Berne. Si cet indice est le plus élevé à Zurich, le réseau de transports publics urbains des trois villes offre une bonne ou une très bonne desserte à environ 95% des places de travail.

A intervalles réguliers, la question de la gratuité ou des rabais sur les transports publics est rediscutée au Grand Conseil vaudois. Deux arguments principaux sont amenés à l’appui de ces propositions:

  1. il faut favoriser l’usage des transports publics pour réduire la pollution en ville, la consommation d’énergie fossile et les émissions de gaz à effet de serre;
  2. il est nécessaire de préserver le pouvoir d’achat des ménages et particulièrement celui des ménages modestes.

Les exemples zurichois et bernois semblent contredire l’idée que des tarifs plus bas seraient seuls garants d’une utilisation accrue des transports publics. En effet, les billets et abonnements y sont sensiblement plus chers qu’à Lausanne. L’abonnement 2 zones pour un an (prix 2010) est à CHF 600.- à Lausanne, CHF 693.- à Zurich (+15%) et CHF 700.- à Berne (+17%). D’un point de vue socio-économique, il est très intéressant de noter que dans la catégorie des plus bas revenus (< CHF 4’000.-/mois), 53% des gens possèdent un abonnement TP à Lausanne, contre 75% à Berne et 76% à Zurich. Indice d’une différence culturelle, à Lausanne, la proportion d’abonnés au TP décroît avec le niveau de revenu, alors qu’elle croît à Berne pour atteindre plus de 90% dans la catégorie de revenus la plus haute (> CHF 12’000.-/mois).

Peut-être que tout cela s’explique par le fait que les Suisses alémaniques et les riches savent compter! En effet, l’étude a permis d’estimer le coût global de la mobilité des habitants de ces trois villes. Sachant que les déplacements en transports publics coûtent en moyenne CHF 0.23/km contre CHF 0.76/km pour la voiture, et que Zurichois et Bernois sont de plus gros utilisateurs du mode de transport le moins cher, on n’est pas étonné par la conclusion de l’étude: malgré des tarifs plus bas, la mobilité des Lausannois (CHF 0.59/km) coûte nettement plus cher que celle des Bernois et des Zurichois (CHF 0.45/km).

Le coût des TP n’intègre pas les subventions publiques allouées aux entreprises de transport. Là aussi, la situation est plus favorable à Berne et à Zurich où les usagers couvrent respectivement 60% et 48% des coûts, alors qu’à Lausanne ce taux de couverture a dégringolé à 32%. Confrontés à d’ambitieux projets de développement, les Transports publics de la région lausannoise seraient certainement heureux de pouvoir disposer de recettes commerciales pratiquement deux fois plus élevées qu’à Berne!

Depuis sept ans, je défends l’idée que les Vaudois devraient pouvoir mettre en place un système de transports publics aussi performant et économique que ceux de Berne ou de Zurich, ainsi que d’opérer un report modal de la route au rail. Même si cela devait passer par des tarifs plus élevés, il en résulterait une réduction des coûts de mobilité, des moyens supplémentaires pour améliorer l’offre de transports publics, une amélioration de l’environnement et une plus grande fluidité du trafic professionnel. Mais comment enclencher un tel cercle vertueux, sachant que les conditions cadres (tarifs, desserte, offre en matière de stationnement…) ne présentent pas de grandes différences?

C’est là qu’on en vient au véritable fossé qui s’est creusé entre Lausanne et les deux villes alémaniques: l’accessibilité de l’agglomération par le RER! En effet, il y a plus de 1000 S-Bahn par jour au départ de la gare de Zurich, 750 à Berne et seulement 176 RER à Lausanne. Même en ramenant ces chiffres à la population, les Zurichois disposent de deux fois plus de trains régionaux et les Bernois quatre fois plus. Le développement du RER vaudois est non seulement devenu la première priorité, mais il devrait induire une augmentation de la demande sur le réseau urbain, lui même considérablement renforcé par le m1, le m2 et le futur “réseau t”. Le même constat vaut bien sûr pour les autres agglomérations du canton, à commencer par l’agglomération franco-valdo-genevoise dont le RER au quart d’heure sur la ligne du CEVA constituera bientôt la colonne vertébrale.

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