Densifier les villes: pas avec des tours!

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(Quartiers de la Borde et de la Rouveraie à Lausanne: pas si denses; source: http://www.panoramio.com/photo/14106540)

Le 3 mars 2013, le peuple suisse a finalement approuvé, à une confortable majorité, la nouvelle loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) qui fixe de nouvelles règles permettant de stopper l’étalement urbain et de densifier les zones déjà urbanisées. Les opposants à la LAT, qui ne voulaient pas entendre parler d’un possible déclassement de zones à bâtir sur-dimensionnées et mal situées, présentaient des photo-montages avec des tours pour décrire l’horreur d’une densification des villes. Absurde! D’autant que les plus hautes densités humaines ne se trouvent pas dans les quartiers constitués de maisons-tours (comme, par exemple, les quartiers de la Borde et de la Rouveraie à Lausanne), mais dans ceux érigés à la fin du XIXe siècle avec des immeubles de 5 étages au maximum (comme le quartier sous-gare de Lausanne). C’est ce que démontre l’excellent dossier “Tours: mode d’emploi” (pdf, 73 Ko) élaboré par le bureau Tribu Architecture. Une démonstration qui ne signifie toutefois pas qu’il faille renoncer aux tours dans les villes. Mais il faut avoir conscience qu’elles ne sont pas la panacée.

Un jeu de questions-réponses courtes résume excellemment le message de ce dossier qui mérite d’être lu par toutes celles et ceux qui s’intéressent à l’aménagement durable du territoire:

  • A quoi sert une tour? A voir et être vu!
  • Doit-on cahcer une tour? Non, une tour doit se montrer!
  • Qu’est-ce qu’une tour? Un bâtiment élancé et singulier.
  • Une tour est-elle dense? Localement, oui. Avec son contexte, non! (Si l’on veut voir tout en évitant les ombres portées, les immeubles doivent être éloignés les uns des autres!)
  • Comment s’intègre une tour? Par l’aménagement des rez-de-chaussée!
  • Que peut contenir une tour? Tout! Une tour doit être mixte.
  • Comment desservir une tour? Par les transports publics!
  • Une tour est-elle économique? Non, mais elle a de la valeur!
  • Une tour est-elle écologique? Possible, mais avec beaucoup de technique!

Ce ne sont donc par des critères de densité, d’économicité ou d’écologie qui justifient la construction de tours. Au final, leur fonction principale reste d’être vues. C’est ainsi que je me souviens d’avoir utilisé la tour Montparnasse comme repère pour me guider alors que j’habitais à Paris sans connaître les rues. A noter que la Cathédrale joue le même rôle à Lausanne… Tribu Architecture le relève bien: les tours, comme les phares ou les églises, servent à structurer l’espace et à nous guider.

7 réflexions au sujet de « Densifier les villes: pas avec des tours! »

  1. Excusez moi mais je ne trouve pas la brochure de Tribu architecture très brillante et pas très cohérent dans l’ensemble, au début, ils font remarquer très justement que la notion de tour dépend de l’élancement du bâtiment et que de ce fait un bâtiment de 5 étages peut être assimilé à une tour. Alors que dans un autre contexte le Lignon avec ses 12 étages reste une barre !

    Dans la suite du document ils oublient ensuite complétement ce principe pour dire qu’il y a un mauvais rendement surface utile/surface brute, alors que cela devient approximativement vrai pour des tours de plus de 50m et encore ça reste à prouver car ce sont intrinsèquement le genre de problèmes/questions que de bon architectes peuvent/doivent résoudre … et je parle même pas des aspects écologiques ou densité. (Le coté mixité j’approuve par contre)

    Je peux comprendre que l’on soit pour ou contre la forme urbaine qu’est la tour, mais avec des arguments censé s’il vous plaît !

  2. Désolé d’avoir tardé à mettre votre commentaire en ligne!

    Vous trouvez que les arguments de Tribu Architecture ne sont pas sensés. Et vous semblez déduire de leur brochure qu’ils – et moi avec eux – ont un parti pris favorable aux tours. Ce n’est pas ma perception.

    Mon engagement politique m’a appris – j’espère – à nuancer le propos. Rien n’est jamais tout noir ou tout blanc. Et, bien sûr, chaque médaille a son revers.

    Au contraire, je regrette que certaines personnes se considèrent dans l’obligation d’être pour ou contre les tours. Ou les éoliennes. Ou la voiture… Personnellement, je ne souhaite pas vivre dans une tour, ni en voir une se construire devant chez moi. Mais je dois admettre qu’à densité équivalente et coût comparable, une tour peut offrir un plus à la qualité de l’espace urbain.

    Ce que j’ai le plus apprécié dans la démarche de Tribu Architecture, c’est précisément la démarche non-sectaire. Bien des architectes et urbanistes ont, en effet, la fâcheuse tendance de professer, souvent de manière assez hautaine, ce que les habitants devraient penser. Cette attitude se combine souvent avec un mépris pour celles et ceux qui ne partagent pas leur avis…

  3. D’abord je tiens à vous remercier de votre réponse.

    Je ne pense pas que vous ayez justement un parti pris favorable aux tours, je sais lire la nuance de votre dernière phrase : “Une démonstration qui ne signifie toutefois pas qu’il faille renoncer aux tours dans les villes. Mais il faut avoir conscience qu’elles ne sont pas la panacée.” Et votre réponse éclaire le sujet : “Personnellement, je ne souhaite pas vivre dans une tour, ni en voir une se construire devant chez moi. Mais je dois admettre qu’à densité équivalente et coût comparable, une tour peut offrir un plus à la qualité de l’espace urbain.” Et je vois aussi poindre dans cette dernière phrase la nuance qui tend à s’éloigner quelque peu du prospectus de vulgarisation de Tribu dans sa partie “une tour est-elle économique”.

    Je rejoint tout à fait Tribu dans sa volonté de vulgariser la chose architecturale et urbanistique afin de faire mieux comprendre du grand public les avantages et inconvenants d’une forme et d’un mode d’habitat/de ville. Ce que je déplore c’est de le faire de manière raccourcie, incomplète et fragile.

    Pour ce qui est des architectes-urbanistes professant à tout vas, je regrette que certains de ces professionnels puissent avoir ce genre d’attitude. D’autant plus que les architectes-urbanistes sont souvent pris en tenaille entre les politiques d’aménagements du territoire, les mandataires politiques et les propriétaires qui ont tous leurs visions précises de la chose Juste, dans un contexte ou l’individualisme prime sur le collectif … Le rôle de pompier-architecte-urbaniste à qui l’on demande souvent en retard d’intervenir dans des lieux ou “le crime” à déjà été commis, semble dans cette situation, être des plus ingrats.

  4. Merci pour ce commentaire rédigé avec habileté. Bien sûr, la responsabilité des échecs comme des succès en matière urbanistique n’incombe pas aux seuls architectes. Même si certains estiment détenir la vérité et se drapent souvent dans un discours pédant incompréhensible pour la plupart des habitants des immeubles et quartiers qu’ils conçoivent. Combien de fois n’ai-je pas entendu la vox populi dire que l’on devrait “obliger les architectes à vivre dans les immeubles qu’ils dessinent”! Une manière de dire le sentiment de ne pas être entendu. Notez que la même défiance s’exprime à l’égard des élus politiques…
    Je ne crois pas que l’ambition de Tribu était de faire le “tour de la question”. C’est plutôt un texte de vulgarisation, adapté à des gens qui sont disposés à dépasser l’idée communément admise selon laquelle une tour c’est nécessairement “moche”, “déshumanisé”, “écrasant”, “pas adapté chez nous”.

  5. Ping : Densifier les villes: pas avec des tours! | villedurable.org

  6. Bonsoir,

    je suis un peu stupéfait de votre conclusion : ainsi les Tours auraient la même fonction qu’un phare qui guiderait les marins au port ?

    Moi qui ne suis pas un fan de la construction verticale que ce soit les buildings commerciaux ou les habitations “sociales”, j’admets avoir beaucoup plus d’intérêt pour les phares.

    C’est peut-être lié à mon amour pour la mer !

    M’enfin, si c’est vraiment le cas je dormirais moins bête ce soir, merci.

  7. Désolé d’avoir tardé à mettre votre commentaire en ligne, mais, sur-occupé par mes nouveaux projets, j’ai délaissé mon blog ces dernières semaines…
    Je partage votre préférence pour les phares. Et j’avoue avoir toujours l’envie d’y monter. Comme les tours, ils exercent sur nous une irrésistible attraction. Peut-être cela explique-t-il pourquoi la plupart des architectes et urbanistes espèrent avoir l’occasion de construire une tour…

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