Que “pense” ChatGPT de la comptabilité CO2?

 

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(Source: wedemain.fr, article de Florence Santrot, 05.06.2023)

A la base de cet article, il y a une discussion, en marge du Festival Objectif Terre sur le stand de l’APRES-VD (voir www.apres-vd.ch) avec Benoît Chambourdon de Open-Net Sàrl qui a développé un module pour l’ERP open source Odoo permettant de tenir une comptabilité CO2. S’il est concevable pour une PME de mesurer ses émissions directes de CO2, il ne lui est pas possible d’évaluer ces émissions sur toute la chaîne de production-distribution. Pour cela, il faut disposer d’une base de données mondiale des émissions, en l’occurrence exiobase3. Mon expérience avec les outils d’écobilans m’a rendu un tantinet méfiant et je me suis dit que ChatGPT aurait bien une idée au sujet de la fiabilité des données de exiobase3 et me permettant de faire d’une pierre deux coups…Après avoir rapidement lu l’article de wedemain.fr intitulé 15 requêtes pour exploiter pleinement le potentiel de ChatGPT, je me suis donc rendu (pour la première fois) sur https://chat.openai.com/. Après m’être connecté avec mon compte Google, tout était en anglais, ce qui n’est pas commode pour poser une question en français. Mais comme OpenAI est supposé intelligent, je lui ai posé ma question en français et il m’a répondu en français: comment changer la langue de l’anglais au français?

ChatGPT

Il semble que vous souhaitiez changer la langue de l’anglais au français dans un contexte spécifique. Cependant, je ne suis pas tout à fait sûr de quel contexte vous parlez. Pourriez-vous fournir plus de détails pour que je puisse vous donner la réponse la plus précise possible? S’agit-il d’un logiciel, d’une application, d’un appareil électronique ou d’une autre situation? Plus d’informations me permettraient de vous aider de manière plus efficace

Je me suis connecté avec mon compte Google sur https://chat.openai.com/.

ChatGPT

À ma connaissance, jusqu’à ma dernière mise à jour en septembre 2021, OpenAI n’avait pas encore lancé de plateforme appelée “https://chat.openai.com/“. Cependant, si vous cherchez à changer la langue de l’anglais au français sur une plateforme similaire, voici comment vous pourriez généralement procéder :

  1. Identifiez les paramètres ou les options : Recherchez un bouton ou une option dans l’interface utilisateur qui vous permet de modifier la langue. Cela peut être dans le coin supérieur droit ou gauche, ou dans un menu déroulant.
  2. Sélectionnez la langue : Si vous trouvez l’option pour modifier la langue, sélectionnez “Français” ou “French” dans la liste des langues disponibles.
  3. Enregistrez vos paramètres : Assurez-vous d’enregistrer ou d’appliquer les changements pour que la langue soit modifiée avec succès.

Si vous ne parvenez pas à trouver ces options sur le site Web spécifique que vous avez mentionné, je vous suggère de consulter la section d’aide ou de support du site pour obtenir des instructions spécifiques sur la modification de la langue.

Bonne nouvelle! ChatGPT a le sens de l’humour! J’ai donc cliqué sur le point d’interrogation en bas à droite et reposé ma question. Cette fois-ci, la réponse est suffisamment claire, même en anglais:
While the OpenAI website is only available in English, you can use our models in other languages as well. The models are optimized for use in English, but many of them are robust enough to generate good results for a variety of languages.
 Je me suis donc résolu à poser ma question en français: Est-ce que les données d’émissions de CO2 publiées sur exiobase3 sont considérées comme fiables? Quelles sont les critiques adressées à l’idée de comptabilité CO2 dans les entreprises?
Trois secondes plus tard, voici la réponse de ChatGPT, en français(!):

Exiobase3 est une base de données économiques intersectorielles utilisée pour analyser les flux économiques et environnementaux, y compris les émissions de CO2. La fiabilité des données d’émissions de CO2 publiées sur Exiobase3, ou sur toute autre base de données similaire, dépend de plusieurs facteurs :

  1. Sources de données : Les données d’émissions de CO2 dépendent des sources d’information utilisées pour construire la base de données. Plus les sources sont fiables, transparentes et à jour, plus les données le seront également.
  2. Méthodologie : La méthodologie utilisée pour calculer les émissions de CO2 est importante. Des méthodes solides et scientifiques garantissent des résultats plus précis.
  3. Qualité des informations : La qualité des informations fournies par les entreprises et les industries peut varier. Les données erronées ou trompeuses peuvent entraîner des incohérences dans les estimations d’émissions.
  4. Mises à jour : Les émissions de CO2 peuvent varier au fil du temps en raison de changements dans les technologies, les pratiques industrielles, les politiques environnementales, etc. Les bases de données doivent être régulièrement mises à jour pour refléter ces changements.
  5. Limitations géographiques et sectorielles : Les données peuvent être plus fiables pour certaines régions ou secteurs que pour d’autres en raison de la disponibilité des données.

En ce qui concerne les critiques adressées à l’idée de comptabilité CO2 dans les entreprises, voici quelques points souvent soulevés :

  1. Complexité des mesures : Calculer précisément les émissions de CO2 peut être complexe en raison des chaînes d’approvisionnement mondiales, des variations saisonnières, etc.
  2. Mesures subjectives : Certaines mesures d’émissions reposent sur des estimations et des hypothèses, ce qui peut rendre les résultats moins fiables.
  3. Différentes méthodologies : Il n’existe pas de méthode unique pour calculer les émissions de CO2. Différentes entreprises et organismes peuvent utiliser des méthodologies différentes, ce qui rend les comparaisons difficiles.
  4. Externalités non prises en compte : Les émissions de CO2 ne tiennent pas toujours compte de toutes les externalités environnementales, comme la déforestation, l’épuisement des ressources, etc.
  5. Incitations économiques : Les entreprises peuvent minimiser leurs émissions pour des raisons financières sans nécessairement réduire leur impact environnemental réel.

Il est important de reconnaître que la comptabilité CO2 et les bases de données telles qu’Exiobase3 sont des outils précieux pour comprendre et atténuer l’impact environnemental des activités humaines, mais ils ne sont pas exemptés de limitations et doivent être utilisés avec prudence et sensibilisation aux détails méthodologiques.

Comme ChatGPT semble actuellement disponible, j’ai encore posé ces questions complémentaires: Quelle est l’organisation qui se cache derrière exiobase3? Existe-t-il une base de données plus fiables que exiobase3?

Et voici sa réponse:

Exiobase3 est développée par l’Institut des Sciences Sociales et Économiques (Institute for Social and Economic Research, ISER) de l’Université de l’Essex au Royaume-Uni. Il s’agit d’une base de données économiques intersectorielles qui inclut des informations sur les flux économiques, énergétiques et environnementaux, y compris les émissions de CO2.

En ce qui concerne d’autres bases de données similaires qui pourraient être considérées comme plus fiables que Exiobase3, il existe plusieurs sources renommées et reconnues dans le domaine de la comptabilité environnementale et des émissions de CO2. Certaines de ces sources incluent :

  1. Base de données des émissions mondiales de CO2 (Global Carbon Project) : Cette base de données fournit des informations détaillées sur les émissions de CO2 mondiales, par pays et par secteur. Elle est souvent utilisée comme référence dans les rapports sur les émissions de gaz à effet de serre.
  2. Agence internationale de l’énergie (AIE) : L’AIE produit des données sur les émissions de CO2 liées à l’énergie, en se basant sur des statistiques officielles des pays membres.
  3. Base de données des émissions de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA) : L’EPA fournit des informations détaillées sur les émissions de gaz à effet de serre et d’autres polluants aux États-Unis.
  4. Base de données sur les émissions atmosphériques mondiales (EDGAR) : L’EDGAR fournit des données sur les émissions de gaz à effet de serre pour les différents pays et les secteurs économiques.
  5. Base de données de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) : L’AEE publie des informations sur les émissions de CO2 et d’autres polluants en Europe.

Il est important de noter que chaque base de données a ses propres méthodologies, sources de données et limitations. La fiabilité dépendra du contexte spécifique de votre analyse et de vos besoins. Il est recommandé de consulter plusieurs sources et de considérer les données avec prudence, en tenant compte des détails méthodologiques et des spécificités régionales.

Pour être franc, je suis assez bluffé par ChatGPT! Personnellement – le sujet m’étant un peu familier – je n’ai rien appris que je ne sache déjà: les données peuvent fortement varier selon les sources, les régions, les époques, les domaines d’activité, les méthodologies, etc.

Voilà qui me suffit pour considérer que les données d’émissions de CO2 enregistrées dans le module Odoo développé par Open-Net Sàrl présentent un caractère très estimatif. Elles seront probablement suffisamment pertinentes pour orienter les choix d’une PME, mais ne devraient pas être utilisées pour afficher un bilan carbone de l’entreprise, au risque que celle-ci soit accusée de green washing. Je doute, par exemple, du fait que exiobase3 divise par deux l’impact environnemental global d’un ordinateur why! qui dure 10 ans, par rapport à un ordinateur ne durant en moyenne que 5 ans…

Le défi climatique est considérable, mais je ne vais cependant pas mettre en place une comptabilité carbone chez why! open computing. Je pense plus efficace de faire tout ce qu’il m’est possible de faire pour prolonger la durée de vie et l’usage économe des ordinateurs why!, ou encore recycler les déchets de l’entreprise ou privilégier le rail, lorsque c’est possible, par rapport à l’avion ou à la route pour notre approvisionnement et la distribution de nos produits.

Post-scriptum concernant ChatGPT: Selon des chercheurs de Stanford et Berkeley, entre mars et juin 2023, la capacité de GPT-3.5 et GPT-4 à justifier le caractère premier d’un nombre s’est effondrée de 84% à 51% (voir https://intelligence-artificielle.developpez.com/actu/347230/Pourquoi-ChatGPT-devient-il-plus-nul-en-mathematiques-de-base-Selon-une-etude-la-raison-serait-un-phenomene-de-derive-imprevisible/).

Post-scriptum concernant les émissions de CO2: Alors que 2022 avait déjà battu le record mondial de production de pétrole, 2023 s’apprête à battre un nouveau record historique, selon l’AIE (voir https://www.swissinfo.ch/fre/toute-l-actu-en-bref/vers-un-nouveau-record-de-la-demande-mondiale-de-p%C3%A9trole-en-2023/48728906). C’est un peu désespérant, après une trentaine d’années de mesures et d’engagements politiques en vue de tendre vers la neutralité carbone!… Il faudra que je pose la question à ChatGPT de savoir si on ne se fout pas un peu de notre gueule…

2 réflexions au sujet de « Que “pense” ChatGPT de la comptabilité CO2? »

  1. Merci d’avoir pris le temps de réfléchir à notre proposition de compta CO2, je souhaite apporter quelques précisions.

    Pour respecter la forme du post de blog, je vais d’abord répondre à ChatGPT, puis à toi François.
    ChatGPT n’est qu’une machine, qui se base sur les données publiées avant septembre 2021. En matière d’innovation, cela fait presque 2 ans, une éternité.

    ChatGPT structure sa réponse en 5 points
    1) Complexité des mesures : En économie, on considère que la valeur d’un produit est un bon agrégateur de l’ensemble de son processus de production. L’utilisation d’équivalence, intégrée à la comptabilité, est donc une méthode de simplification. Un exemple intéressant est celui de https://carbones-factures.org/ qui cherche à automatiser les transferts de données CO2, car si nous le faisons pour la TVA (Taxe à la valeur ajoutée) pourquoi ne sommes nous pas capable de le faire pour le CO2 ?
    2) Mesures subjectives : La comptabilité est l’un des domaines les plus normés, contrôlé et audité, dans une organisation, cela ne me semble pas subjectif.
    3) Différentes méthodologies : Oui, bien sûr, et c’est bien la problématique des bilans CO2 actuels et des “logos vert”, ils ne sont pas comparables. Dans notre proposition, le code source et les données sont publiques
    4) Externalités non prises en compte : Les émissions de CO2 ne sont que l’un des aspects du problème, nous sommes d’accord, mais là encore, notre système peut s’étendre sur d’autres indicateurs
    5) Incitations économiques : Là, nous arrivons dans la sphère des décisions politiques, mais mesurer, budgétiser sa finance et ses émissions dans un même processus, nous pensons que, à défaut d’être une incitation, c’est un outil pour la réduction des émissions.

    Globalement, ChatGPT nous donne une réponse de 2021 qui mélange, à mon avis, des concepts, celui de la comptabilité CO2, qu’il confond avec les bilans carbones, et celui de “l’exactitude” des bases de données d’équivalence CO2, qui ne sont jamais qu’un état de la recherche à un moment donné.

    En ce qui concerne tes remarques, François, je suis à 100% d’accord que notre méthode à un caractère estimatif, mais elles ont un caractère reproductible et additif.
    Prenons par exemple le site https://www.mycityco2.org/ que nous allons lancer d’ici septembre, vous y retrouvez déjà 35’000 communes françaises avec une trajectoire CO2 sur 10 ans !
    Ce qui est important, c’est que chaque année, chaque commune est basée sur la même méthode de calcul, donc comparable, et additif au niveau d’une région.

    C’est une première version, et nous cherchons maintenant des communes et PMEs qui souhaitent être des précurseurs de cette méthode, que nous allons améliorer avec le temps.

    En ce qui concerne les aspects de durée de vie et de circularité, nous traitons cela selon les 2 axes suivants
     – Durée de vie, l’équivalence CO2 est calculée selon les amortissements comptables, un ordi WHY sera donc “lissé” sur 10 ans
     – Déchets, nous intégrons une équivalence CO2 à la destruction ou au recyclage des objets, selon les données mise à disposition par l’EPFL

    Notre but chez Open Net est justement de sortir de la logique des bilans et des achats de crédits CO2, du Greenwashing, ce que nous avons fait en 2019 au travers de notre “compensation”.
    Aujourd’hui, nous proposons une méthode bien imparfaite, mais si elle se généralise, si vous nous aidez à l’améliorer, elle à le grand avantage, à mes yeux, de créer un bien commun. Une méthode mise entre les mains des citoyens comme des “décideurs” qui permet de voir, en temps réel, si nous sommes bien sur la trajectoire que nous devons suivre. Plus qu’une compta CO2, c’est une budgétisation du carbone que nous vous proposons.

    Si cela vous parle, parlons-en !
    Merci et désolé de ne pas être aussi “impartial” que ChatGPT…

  2. Merci Jacques-André pour ce plaidoyer!

    J’ai suivi les liens proposés et suis de moins en moins convaincu par cette approche plus qu’estimative et qui pourrait nous donner l’illusion d’être sur la bonne voie, alors que, comme je le mentionnais en fin d’article, la consommation de pétrole ne cesse d’augmenter, tandis que les outils de pilotage – y compris publics – mettent en évidence des réductions constantes de nos émissions de gaz à effet de serre. La méthodologie est souvent très grossière et semble choisie en fonction de ce que l’on veut démontrer, comme c’est le cas de ce rapport récent de l’Office fédéral de l’énergie: https://blogs.verts-vd.ch/marthaler/2022/fake-news-a-croix-blanche/.
    Ta réponse en ce qui concerne les “carbones” d’un investissement informatique en se basant sur les amortissements m’a plus ou moins convaincu, même si, comme tu le sais, les amortissements comptables sont faits principalement selon des considérations fiscales…
    Si j’ai bien compris, les facteurs de conversion des grandeurs monétaires en “carbones” sont constants pour permettre la “budgétisation” et le suivi des efforts de réduction. Du coup, si je choisis un produit (supposé) moins carboné pour réduire mes impacts globaux, cela ne se verra pas dans ma comptabilité carbone.
    En Suisse, les plus gros émetteurs de CO2 sont les cimenteries. En outre, le secteur de la construction produit environ 3 fois plus de déchets que les ménages et les autres secteurs. C’est dire l’importance du bâtiment, en particulier dans sa dimension énergie grise. Si mon entreprise est locataire, je vois mal comment la comptabilité carbone prendra cela en compte. Le loyer (ou le coût d’une construction pour l’entreprise qui serait propriétaire de son bâtiment) comporte une très grosse part de rente foncière (valeur du terrain) dont le locataire n’a évidemment pas connaissance. Du coup, je ne vois pas comment on pourrait convertir cette dépense en équivalent CO2.
    Bref, la méthodologie utilisée ne me semble absolument pas crédible. Et si tout le monde s’y mettait, je doute fort que l’agrégation de ces données se rapproche des valeurs d’émission mesurées… Cependant, la démarche reste louable dans la mesure où elle va dans le bon sens!
    Cordialement.

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