Comme un jour sans pain

(source: http://journal.tdg.ch/vaud/actu/vaudois-utilisent-transports-publics-2009-03-30)

La semaine dernière dans le quotidien 24 Heures, Justin Favrod dressait mon bilan politique à l’issue de presque 9 ans passés au Conseil d’Etat vaudois. Un bilan qu’il a qualifié de “long comme un jour sans pain”, tout en ne mentionnant que quelques dossiers qui m’ont parfois mis en difficulté (RC 601, LEB, CGN, etc.). Alors, pour celles et ceux qui sont restés sur leur faim, voici le bilan établi à l’occasion de la dernière assemblée générale des Verts à laquelle il m’a été donné de participer en qualité de Conseiller d’Etat.

Je ne résiste pas à l’envie de commencer par la fin et dire à quel point l’élection de Béatrice Métraux – d’abord dans le cadre d’une élection complémentaire qui n’était pas gagnée d’avance, puis lors des élections générales – me réjouit et me conforte dans l’idée qu’une présence verte au Conseil d’Etat est devenue une évidence pour la majorité des Vaudoises et Vaudois. Bravo Béatrice! Et bravo les Verts!

Ce rapport étant le dernier de ma carrière politique, je me permettrai d’étendre mon commentaire jusqu’au 30 juin 2012 et d’en profiter pour faire un bilan provisoire, après presque 9 ans passés au Conseil d’Etat.

Le secteur des transports a bien sûr été ma première priorité. Même si nos adversaires – et parfois même nos alliés – n’ont cessé de dénigrer cette action. Le dernier en date, candidat malheureux au Conseil d’Etat pour ne pas le nommer, a été jusqu’à dire que je n’aurai rien fait « pour améliorer de manière forte la mobilité dans ce canton ». Il était visiblement mal informé et, bien plus, il n’a pas compris – comme d’autres sans doute – que l’amélioration des transports passe précisément par une série de mesures, petites ou grandes, qui toutes tendent au développement de l’offre.

Ainsi, l’essentiel de mon engagement au cours des huit ans écoulés a bel et bien concerné les transports publics et les mobilités douces, avec des résultats probants, malgré les restrictions budgétaires rendues nécessaires pour assainir les finances du Canton. Petit inventaire (pour le détail, voir les nombreux articles publiés sur  ce blog sous la rubrique « mobilité durable »):

  • réalisation du métro m2 et du nouveau réseau tl,
  • développement du RER vaudois et renouvellement des rames (Flirt et Colibri),
  • sauvetage de l’Aigle-Sépey-Diablerets,
  • crédits cadre de CHF 240 mios pour les chemins de fer privés,
  • nouvelles rames pour le LEB pour la cadence à 15 minutes,
  • deux extensions successives de la communauté tarifaire vaudoise Mobilis,
  • augmentation de CHF 100 mios de la garantie d’emprunt des tl permettant l’acquisition de nouveaux bus et trolleybus, ainsi que la modernisation de la flotte de véhicules du métro m1,
  • crédit d’étude de CHF 33,5 mios pour les futurs axes forts de transports publics de l’agglomération Lausanne-Morges, retour du tram entre Renens et Lausanne et lignes de bus à haut niveau de service (BHNS),
  • soutien au développement des transports publics urbains (Aigle, Morges, Yverdon, Nyon, Orbe, etc.),
  • réalisation de la nouvelle gare de Prilly-Malley (inauguration le 29 juin 2012),
  • préfinancement, à hauteur de CHF 300 mios, de la 4e voie Lausanne-Renens et des points de croisement de Mies et Chambésy pour le RER franco-valdo-genevois,
  • crédit d’étude de CHF 35 mios pour le développement des gares de Lausanne et Renens, la 3e voie Renens-Allaman et les voies de dépassement entre Lausanne et Genève,
  • signature de la Convention VD-GE-CFF-OFT pour la réalisation du programme « Léman 2030 » (CHF 5-7 mias; première séance du comité de pilotage le 4 mai 2011 avec Michèle Künzler) visant à doubler le nombre de places assises entre Lausanne et Genève,
  • octroi par le Conseil fédéral d’un transfert de crédit de CHF 1,1 mia en faveur du noeud ferroviaire de Lausanne dans le cadre du crédit ZEB,
  • augmentation significative de l’offre CarPostal dans le trafic régional,
  • mise en service en décembre 2012 d’une cadence à 30 minutes du RE Genève-Lausanne-Vevey/Romont avec des nouvelles rames à 2 étages (inauguration le 26 avril 2012),

J’en oublie certainement… mais je relève que tout ces projets sont autant de mises en oeuvre de la « Stratégie pour le développement des transports publics à l’horizon 2020 » validée par le Conseil d’Etat en septembre 2006. Bien avant que d’aucuns ne s’intéressent à la politique de l’Etat en matière de transports publics…

Comme annoncé en conférence de presse le 15 janvier 2012, les CHF 325 mios provenant de la péréquation financière (RPT) que le Conseil d’Etat a décidé de réaffecter aux transports vont porter à CHF 2 mias les investissements totaux jusqu’en 2018, doublant dès 2012 les budgets à disposition du DINF.

Malgré l’image « anti-route » qui peut coller aux Verts, les routes n’ont pas été oubliées. Toujours avec le souci de l’écologie, de la sécurité et dans l’intérêt de tous les usagers de la route:

  • rénovation des tunnels de Glion,
  • inauguration de la N5,
  • construction de la H144, projet exemplaire du point de vue du développement durable (CHF 100 mios, inauguration en octobre 2012),
  • renforcement de dizaines d’ouvrages d’art pour offrir un réseau pratiquable par les poids lourds de 40 t (CHF 50 mios),
  • utilisation temporaire de la bande d’arrêt d’urgence entre Morges et Ecublens, permettant de conjuguer fluidité du trafic, diminution des accidents et de la pollution (CHF 35 mios),
  • nouvelles jonctions autoroutières de Malley, Chavannes, Ecublens et Blécherette à l’étude (CHF 500 mios) pour désengorger le réseau local au profit des TP,
  • défense des aménagements sur les jonctions autoroutières de l’A1 pour assurer une correspondance des bus régionaux dans les principales gares CFF,

Là aussi, tous ces projets s’inscrivent dans une planification à long terme pour la gestion du réseau routier adoptée par le Conseil d’Etat en octobre 2010 (RoC 2020). Ainsi, par rapport à 2005, les budgets totaux à disposition du service des routes ont été multipliés par 4!

Au chapitre des propositions innovantes, on notera celle qui a été exposée, le 31 mai 2011, dans un article de la NZZ de créer un AG CFF moins forfaitaire pour en réduire le prix pour les usagers qui ne sont pas des grands pendulaires tout en augmentant de manière raisonnable son coût pour les gens qui parcourent jusqu’à 70’000 km par an et occupent 20% des sièges-kilomètres.

Pour la huitième année consécutive, le canton de Vaud et la majorité des grandes communes ont développé nombre d’actions dans le cadre de la Semaine européenne de la mobilité (16-22 septembre 2011). Sur 2051 collectivités publiques en Europe, deux étaient suisses: la ville de Bienne et… le canton de Vaud.

Pionnier dans la mise en oeuvre des principes du développement durable à l’Etat de Vaud, le service des bâtiments (SBMA, puis SIPAL) prend systématiquement en compte la dimension écologique dans ses projets et sa gestion: de la localisation d’un bâtiment, aux matériaux utilisés, en passant par la gestion des déchets de chantier et l’entretien. S’agissant de la consommation d’énergie et d’eau, le Groupe Energie a rendu, le 27 mai 2011, son rapport sur la période 2005-2010. En conjuguant mesures d’isolation, optimisations de la régulation et recours accru aux énergies renouvelables, les émissions de CO2 ont été réduites de 19% en 5 ans. Le programme 2011-2016 vise une réduction supplémentaire de 20% des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, en 10 ans, les bâtiments de l’administration vaudoise auront réduit leur empreinte carbone de presque 40%, moyennant un crédit d’assainissement énergétique de CHF 80 mios. En poursuivant l’effort, l’objectif de la « société à 2000 watts » devrait être atteint en 2050, à l’issue d’un cycle complet de rénovation du parc immobilier de l’Etat.

Les réalisations emblématiques respectent cette même volonté d’exemplarité. Ainsi, en juin 2011, j’ai eu le plaisir de présenter les résultats du concours d’architecture du futur MCBA. Si on peut regretter que le projet lauréat ne conserve que certains éléments de l’ancien dépôt des locomotives, il faut garder à l’esprit que la dimension patrimoniale concerne en premier lieu la préservation et la valorisation d’un patrimoine pictural vaudois très riche et largement ignoré. Quant à l’accessibilité au futur pôle muséal sur le site de la gare CFF de Lausanne, elle est tout simplement idéale. Enfin, l’échange de parcelles entre la Ville et les CFF permettra à ces derniers de créer d’ici 2017 quelque 700 logements et 1’500 places de travail en face de la gare de Prilly-Malley, au coeur d’un futur éco-quartier!

Le projet de reconstruction du Parlement sur le site de Perregaux est aussi le résultat d’un concours d’architecture très ambitieux du point de vue du développement durable. Décriée par certains, la toiture de la salle parlementaire est l’expression d’une double exigence: permettre au Parlement de se distinguer sur la colline de la Cité et fournir durablement l’essentiel de l’énergie nécessaire au maintien du climat et un maximum de lumière naturelle. C’est aussi le projet qui valorise le mieux les vestiges, qu’il s’agisse des fondations moyenâgeuses ou de l’édifice de Perregaux. Si, comme je l’espère, les opposants – qui n’ont pas fait recours contre le permis de construire – renoncent à lancer un référendum, j’aurai le bonheur de poser la première pierre de ce bâtiment du XXIe siècle appelé à intégrer l’inventaire du patrimoine vaudois…

En cette fin de législature, il me tient à coeur de redéfinir le rôle de l’Architecte cantonal. Primus inter pares des architectes en charge des bâtiments publics de l’Etat, il doit aussi jouer le rôle de représentant du Canton en tant qu’important propriétaire foncier, en particulier dans le cadre des projets d’agglomérations en cours, ainsi que dans les pôles de développement. En effet, les édifices publics jouent un rôle prépondérant dans les dynamiques urbaines. Or, jusqu’ici, les politiques de développement territorial conduites par les urbanistes étaient totalement déconnectées des stratégies de l’Etat en tant que propriétaire foncier. C’est ainsi que l’Etat est sur le point de racheter au prix fort une parcelle dans la plaine de Malley – près de la gare de Renens – pour édifier le futur gymnase de l’Ouest lausannois. Une réorientation stratégique est toutefois en train de se dessiner avec le rachat à la Confédération des 40’000 m2 de terrains acquis dans les années 70 à proximité immédiate de la halte CFF de La Conversion pour la fameuse bretelle de la Perraudettaz, aujourd’hui définitivement abandonnée. Les conditions financières de ce rachat devraient permettre l’octroi d’un droit de superficie autorisant des loyers très abordables dans un secteur de l’agglomération qui en manque cruellement. Impliqué dans les projets d’agglomération et intégré dans le Groupe opérationnel des pôle d’activité et de logement, l’Architecte cantonal – dont j’espère proposer au Conseil d’Etat la nomination avant le 30 juin, suite à la remise au concours du poste en mars 2012 – devrait à l’avenir garantir une action cohérente de l’Etat dans ce domaine, tout en promouvant la qualité architecturale et urbanistique.

La réorganisation de l’informatique cantonale en est à sa dernière étape. Réunies dans un seul et même service, au budget total de CHF 130 mios (fonctionnement et investissement), les huit anciennes unités informatiques départementales disposent enfin d’un nouveau bâtiment à Longemalle (Renens) et d’un centre de calcul écologique (green data center), ainsi que d’une véritable stratégie. Celle-ci est notamment fondée sur le partage de solutions open source entre collectivités publiques. Sur ce point, j’avoue avoir été surpris par les résistances internes et externes contre l’idée de mutualiser les solutions propres aux collectivités publiques. Ce combat a peut-être connu un point culminant, le 24 août 2011, avec le rejet par la commission de gestion du Conseil des Etats de la demande de l’éditeur propriétaire Weblaw d’intervenir auprès du Conseil fédéral pour interdire au Tribunal fédéral de diffuser auprès des tribunaux cantonaux sa solution OpenJustitia sous licence GNU GPL (!). Mais la guerre n’est pas encore gagnée, car nombre de petites sociétés bénéficient encore de rentes de situation, extrêmement lucratives, en tant que fournisseurs exclusifs de logiciels propres aux administrations publiques. Pour l’heure, le Tribunal cantonal vaudois va adopter OpenJustitia et la Direction des systèmes d’information (DSI) multiplie les collaborations intercantonales autour de solutions open source développées par le canton de Vaud (CAMAC, Tener, Sméo, Votelec, etc.). Je forme le voeu que mon successeur en charge de l’informatique ne casse pas cette dynamique avant qu’elle ait porté tous ses fruits… En jeu: un milliard de francs par an dépensés par les collectivités publiques suisses pour souvent réinventer la roue!

Cette réorganisation de l’informatique cantonale a généré des économies de près de CHF 6 mios par an et permis l’élaboration d’un ambitieux programme de cyberadministration orientée vers les usagers, qui va se concrétiser avec l’ouverture, en juin 2012, du portail e-VD. Principales innovations introduites à cette occasion:

  • des formulaires dynamiques (avec des aides contextuelles) dans lesquels il ne sera, par exemple, plus nécessaire de décliner son identité, dès lors qu’on s’est enregistré dans le portail;
  • à terme, un seul login et mot de passe pour accéder à l’ensemble des prestations de l’Etat et des communes adhérentes;
  • possibilité de lancer des consultations larges au moyen de questionnaires en ligne ou de s’abonner à des flux d’information dans ses domaines d’intérêt (école, culture, soins à domicile, etc.);
  • faculté d’informer des tiers du secteur parapublic ou privé (services industriels, La Poste, assurance, etc.) de tout changement de situation (déménagement, mariage, naissance, …).

Certainement que le principal acquis de mon action en tant que Conseiller d’Etat vert aura été la concrétisation, dans l’ensemble des politiques publiques menées par les différents services et département, de la notion – jugée souvent floue – de développement durable.

Particulièrement active au sein des services du Département des infrastructures, cette approche tend à se généraliser. C’est ainsi que, les 4 et 5 novembre 2011, s’est tenu le premier Forum romand Développement Durable et Formation, en présence de ma collègue Anne-Catherine Lyon et de votre serviteur.

Et l’oeuvre de vulgarisation s’est poursuivie en 2012 avec la publication de nouveaux numéros de la série « Jalons »:
guide pour les communes (Jalons No 9, février 2012),
développement durable au Service des routes (Jalons No 10, avril 2012),
Global Reporting Initiative (GRI) et Bilan Carbone (Jalons No 11, mai 2012),
bilan de l’Agenda 21 cantonal (Jalons No 12, juin 2012).

Un engagement qui commence à être reconnu. « Bilan vert du ministre le plus spécialisé dans le développement durable de toute l’histoire politique suisse », titre l’Illustré du 29 février 2012. L’appréciation est certainement trop flatteuse. Pourtant, c’est bien la vision du développement durable qui me motive depuis 30 ans et qui continuera à me motiver au delà des presque neuf ans passés au Conseil d’Etat vaudois. Derrière le « slogan » se cache une autre manière d’aborder les questions politiques. Le développement durable postule qu’il existe quantité de projets et d’idées sur l’organisation de la société qui permettent d’atteindre simultanément un accroissement de l’efficacité économique, une plus juste répartition des richesses et une protection des ressources naturelles. Pour illustrer le propos – tout en retraçant les combats dans lesquels je me suis engagé – « réparer plutôt que jeter », économiser l’énergie et promouvoir l’utilisation des matières premières renouvelables constituent de bons exemples. Des exemples qui font l’unanimité, à gauche comme à droite, et qu’il est dès lors possible de multiplier à l’envi dans les années qui viennent…

Il me semble que tout ce que j’ai entrepris à la tête du département des Infrastructures répond à cette même exigence de durabilité. J’espère avoir été à la hauteur de la confiance qui m’a été accordée. Et je remercie sincèrement les Verts vaudois de m’avoir donné la chance d’exercer cette charge, lourde et passionnante à la fois.

2 réflexions au sujet de « Comme un jour sans pain »

  1. La liste des réalisations est effectivement longue et exhaustive…et il y a du lourd!
    Par contre, pas l’ombre d’une autocritique sur qui a moins bien fonctionné pendant ce parcours de 9 ans (Dossier M3, etc…).
    En tous les cas, un bon bilan, il n’y a pas de doute, même si je reste persuadé que votre absence de soutien au projet rail 2050 de Daniel Mange constitue une erreur remarquable (excellente alternative aux 3-4 voies sur l’axe GE-LS)

  2. Non, la liste n’est pas exhaustive. J’aurais pu ajouter le cadastre géologique et la loi ad hoc qui contraint les propriétaires à partager la connaissance du sous-sol (une première européenne, voire mondiale), ou encore la loi et la plate-forme permettant de connaître et publier tous les diagnostics amiante dans les bâtiments vaudois (aussi une première). Et bien d’autres choses encore…
    Le m3 est une proposition aussi sympathique que coûteuse. On verra bien s’il restera dans les premières priorités de la Confédération…
    Quant à Rail 2050, je laisse à Nuria Gorrite le soin de voir si les fonds nécessaires pour Léman 2030 devraient effectivement être laissés aux Zurichois en attendant la vraie révolution du rail.
    Cordialement.

Répondre à Jean-hugues Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *