Production d’hydrogène solaire: Avenergy ne dit rien de plus

(Source: sciencebusiness.net, article du 07.03.2019)

J’ignore à quel titre j’ai reçu l’édition de printemps du magazine AVENUE (voir PDF 3,9 Mo), publié par Avenergy Suisse, le lobby des importateurs de pétrole. Consacré au futur de l’hydrogène (comme complément au pétrole, mais bien sûr pas comme alternative), je l’ai parcouru et suis tombé en page 26 sur une technologie intéressante de panneau solaire capable de produire de l’hydrogène par filtrage de l’humidité de l’air.

Avec un rendement de 15%, pas très éloigné des panneaux photovoltaïques actuels, on obtient ainsi une énergie directement stockable, plutôt que de l’électricité permettant de faire une électrolyse de l’eau avec de mauvais rendements pour obtenir de l’hydrogène.

On lit: Une équipe de chercheurs belges de l’Université de Louvain a mis au point un panneau « solaire » qui filtre l’hydrogène et l’oxygène directement à partir de l’humidité de l’air, grâce à l’énergie du soleil. Ce panneau de 1,6 m2 produit jusqu’à 250 litres d’hydrogène par jour, dans des conditions météorologiques typiques de la Belgique. Pas mal!

Malheureusement, le professeur Martens ne souhaite pas divulguer la technologie exacte qui se cache derrière le panneau photo-hydro-génique, car plusieurs brevets sont en cours de dépôt. L’idée qu’une université publique, financée avec de l’argent public, vise à déposer des brevets sur une technologie prometteuse permettant d’attendre plus vite les objectifs de décarbonisation de l’économie me choque profondément.

En recherchant Johan Martens hydrogène sur Internet, on tombe en revanche assez facilement sur de nombreux articles décrivant le fonctionnement du prototype, comme par exemple celui publié le 07.03.2019 sur sciencebusiness.net et dont voici la traduction DeepL.

Les ingénieurs en biosciences de l’Université de Louvain ont créé un panneau solaire qui produit de l’hydrogène gazeux à partir de l’humidité de l’air. Après dix ans de développement, le panneau peut maintenant produire 250 litres par jour – un record mondial, selon les chercheurs. Vingt de ces panneaux solaires pourraient fournir de l’électricité et de la chaleur à une famille pendant tout un hiver.

Sous un soleil radieux, le professeur Johan Martens et son équipe de recherche font rouler le panneau solaire sur la pelouse devant le Centre de chimie et de catalyse des surfaces de l’Université de Louvain. L’appareil ressemble à un panneau solaire ordinaire. Les ingénieurs ont fixé un flacon contenant de l’eau à l’appareil afin que nous puissions voir les bulles d’hydrogène s’échapper. Un compteur indique les quantités. Après quelques secondes, les premières bulles commencent à monter à la surface.

Le gaz hydrogène est un vecteur énergétique qui peut être facilement stocké et transporté, et il peut être converti à volonté en électricité et en chaleur. Le gaz ne libère pas de gaz à effet de serre ni de substances toxiques, à condition que vous utilisiez de l’énergie propre pour le produire. C’est ce que l’équipe du professeur Martens a mis au point : un dispositif qui transforme la lumière du soleil et la vapeur d’eau en hydrogène gazeux de manière durable.

“C’est une combinaison unique de physique et de chimie. Au début, l’efficacité n’était que de 0,1 % et il ne se formait pratiquement pas de molécules d’hydrogène. Aujourd’hui, vous les voyez monter à la surface en bulles. C’est donc dix ans de travail – toujours à apporter des améliorations, à détecter les problèmes. C’est ainsi que vous obtenez des résultats”.

Un panneau solaire traditionnel convertit entre 18 et 20 % de l’énergie solaire en électricité. Si vous devez ensuite utiliser cette énergie électrique pour diviser l’eau en hydrogène et en oxygène, vous perdez beaucoup d’énergie. Les ingénieurs en biosciences de la KU Leuven ont résolu ce problème en concevant un panneau solaire de 1,6 m² qui convertit 15 % de la lumière du soleil directement en gaz hydrogène. C’est un record mondial dans la catégorie des appareils qui ne nécessitent pas de métaux précieux ou d’autres matériaux coûteux.

Le gaz hydrogène issu de sources d’énergie renouvelables – le gaz hydrogène vert – est une perspective prometteuse sur le marché de l’énergie depuis des années, mais la véritable percée n’a pas encore eu lieu. L’hydrogène est considéré comme un gaz coûteux et difficile à produire et à stocker. Aujourd’hui, la majeure partie de l’hydrogène gazeux est produite à partir de pétrole et de gaz. En d’autres termes, l’hydrogène “gris” n’est pas une grande victoire pour le climat ou l’environnement. Les chercheurs de l’Université de Louvain pensent que cette situation est sur le point de changer.

La semaine dernière [en mars 2019, donc], Toyota a annoncé qu’il voulait produire de l’hydrogène gazeux avec un prototype conçu par l’équipe de Johan Martens en 2014. Ce dispositif est un petit écran (10 cm2) que les ingénieurs mettront à l’échelle pour en faire un grand panneau.

À Louvain, ils disposent déjà d’un de ces grands panneaux. Sur le campus, nous voyons le compteur monter régulièrement sur l’appareil qui se trouve devant nous. Les bulles continuent d’arriver, malgré le soleil larmoyant. “Le panneau produit environ 250 litres par jour pendant une année entière. C’est un record mondial”, déclare Jan Rongé, chercheur à l’Université de Louvain. “Vingt de ces panneaux produisent suffisamment de chaleur et d’électricité pour passer l’hiver dans une maison bien isolée et avoir encore de l’électricité. Ajoutez vingt autres panneaux, et vous pouvez conduire une voiture électrique pendant toute une année”.

Bien sûr, tout cela reste basé sur des calculs. Mais bientôt, les chercheurs vont lancer un projet pilote pour tester la théorie sur le terrain.

En tout cas, un des avantages de l’hydrogène gazeux est qu’il peut remplacer les combustibles fossiles. Environ 80 % de notre énergie provient du pétrole, du gaz ou du charbon. Nous devons remplacer ces sources si nous voulons lutter contre le réchauffement climatique, déclare Jan Rongé.

Cependant, l’hydrogène gazeux comporte des risques qui lui sont propres. Comme la plupart des carburants, ce gaz est hautement inflammable. Cela représente un danger, surtout dans les espaces fermés. En même temps, c’est aussi un gaz léger, de sorte que lorsqu’il s’échappe, il se soulève immédiatement au lieu de se répandre sur le sol.

En tout cas, le nouveau prototype de l’équipe de Johan Martens est prêt à être testé sur le terrain en dehors du campus. Pour le premier projet, nous nous rendons à Oud-Heverlee, une ville rurale du Brabant flamand. La maison que nous visitons est bien isolée et tire la majeure partie de son énergie de panneaux solaires, d’une chaudière solaire et d’une pompe à chaleur. Elle n’est pas raccordée au réseau de gaz. Elle n’utilise l’électricité du réseau qu’en hiver.

Bientôt, 20 panneaux de gaz hydrogène seront ajoutés à ce mélange. Si tout va bien, d’autres panneaux seront installés sur un terrain dans la rue. Cela permettra aux 39 autres familles dans la rue de bénéficier également du projet. L’hydrogène gazeux produit en été sera stocké et converti en électricité et en chaleur en hiver.

Le gaz hydrogène est plus facile à stocker que l’électricité. Pour stocker l’électricité, il faut des piles qui sont coûteuses et qui perdent lentement leur tension. Ce n’est donc pas une bonne idée de stocker l’électricité de l’été à l’hiver. Avec le gaz hydrogène, c’est une autre histoire. L’hydrogène produit en été peut être stocké dans un réservoir souterrain sous pression jusqu’à l’hiver. Une famille aurait besoin d’environ 4 mètres cubes de stockage. C’est la taille d’un réservoir de pétrole ordinaire.

Pour Johan Martens, un projet test comme celui de Oud-Heverlee est ce à quoi lui et son équipe ont travaillé pendant des années. “Nous voulions concevoir quelque chose de durable qui soit abordable et qui puisse être utilisé pratiquement partout. Nous utilisons des matières premières bon marché et n’avons pas besoin de métaux précieux ou d’autres composants coûteux”.

Le coût réel des panneaux à hydrogène gazeux est encore inconnu, car la production de masse n’a pas encore commencé. Les chercheurs affirment cependant qu’il devrait être abordable. Cette invention pourrait complètement changer l’avenir de l’énergie verte. L’accent ne sera pas tant mis sur les grandes unités de production, mais plutôt sur la combinaison de systèmes locaux plus petits. Elle nécessitera également un transport de l’énergie moins gourmand en énergie, qu’il s’agisse de gaz, de pétrole ou d’électricité. Les chercheurs sont en tout cas optimistes : “le ciel est la limite”.

Pour des détails technologiques, voir cet article en anglais de 2017 sur pubs.rsc.org.

Mais pourquoi donc le lobby pétrolier suisse n’en disait pas plus?…

4 réflexions au sujet de « Production d’hydrogène solaire: Avenergy ne dit rien de plus »

  1. Quand on dit 250 litres d’hydrogène (ou de tout autre “gaz parfait”), il faut se souvenir que ça représente 21 g de H2. (Calcul fait pour 20 °C et 1 atm).
    Mais on donne le nombre le plus impressionnant, c’est un rédacteur propagandiste (ou marketing) qui est à l’œuvre.
    Ceci paraît bien, le rendement de 15 % est obtenu avec un une HR de 95 %, bonjour la moiteur, et l’article ne dit pas qu’il y a une électrolyse de l’eau dans une cellule avec une membrane. C’est dit

  2. Merci pour ces précisions utiles. Reste à savoir comment le rendement se dégrade avec une baisse du taux d’humidité relative.
    J’imagine en outre qu’il est concevable d’automatiser un apport d’eau par capillarité ou autrement…
    A suivre.

    • Oui, ou par un nébuliseur d’eau déminéralisée, par exemple, parce que même en Belgique, je doute qu’ils aient souvent de tels taux d’humidité.
      M. Marthaler, Veuillez svp m’indiquer par mail comment je puis vous joindre par tél. , j’ai une situation intéressante à vous exposer concernant une imprimante à jet d’encre. Merci

  3. Cette discussion est pour moi l’occasion de savoir où en sont les recherches de Kevin Sivula de l’EPFL suite à mon billet de blog de janvier 2013 (voir https://blogs.verts-vd.ch/marthaler/2013/lenergie-du-soleil-directement-transformee-en-hydrogene/).

    Je constate avec grande satisfaction que les recherches progressent et que les résultats obtenus sont très réjouissants: https://actu.epfl.ch/news/advancing-artificial-photosynthesis-with-organic-s.

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