Allemagne: la Cour des Comptes recommande les logiciels libres pour stopper le gaspillage des deniers publics

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La Cour des Comptes a identifié pour 1,8 milliard d’euros de gaspillage dans l’Etat fédéral, dont une bonne part est imputée aux coûts informatiques (voir l’article publié sur linuxfr.org). La situation monopolistique de Microsoft y est une fois de plus dénoncée. La situation de dépendance à l’égard des éditeurs propriétaires est surtout problématique lors de migrations et d’évolutions contraintes (suppression du support et fin des développements).

Depuis que j’ai la responsabilité du budget informatique de l’Etat de Vaud (environ CHF 110 mios par an), j’ai été choqué de voir qu’une large partie des moyens disponibles allait, non pas au développement de nouvelles fonctionnalités, mais au remplacement de logiciels rendus obsolètes par leur éditeur ou par le remplacement forcé du système d’exploitation.

Depuis l’adoption en 2005 d’une stratégie open source de l’Etat de Vaud, aucun projet informatique ne peut faire l’économie d’un examen sérieux des alternatives “ouvertes”, comme le recommande la Cour des Comptes allemande. Toutefois, cette stratégie bute sur deux difficultés majeures.

En premier lieu, les sociétés de service en logiciels libres (SS2L) sont souvent de petites structures incapables de réaliser dans des délais raisonnables des développements dont les coûts se chiffrent souvent en millions de francs. Disposant de maigres références, ces nouvelles sociétés ont aussi du mal à répondre aux exigences d’aptitude et de qualité inhérents aux marchés publics. C’est regrettable si l’on songe au potentiel de création d’emplois locaux à forte valeur ajoutée. Ce dernier argument devrait inciter l’Etat à prendre un peu plus de risques…

Plus fondamentalement, c’est le poste de travail Windows qui empêche de s’affranchir de toute dépendance vis-à-vis des éditeurs. Il est en effet impossible (d’un point de vue financier) de réécrire toutes les applications “métiers” qui ne fonctionnent pas sur un poste Linux. Alors on continue à investir dans des logiciels qui sont intimément liés à cette plate-forme: c’est le serpent qui se mord la queue! J’ai bien tenté d’exiger que l’application choisie puisse fonctionner indépendamment du système d’exploitation, mais il est rare que cette exigence puisse être remplie. Tout au plus figure-t-elle dans la roadmap pour le jour où les postes de travail Linux représenteront une part substantielle du marché…

Deux voies existent pourtant pour sortir de cette impasse. La première consiste à installer les deux systèmes d’exploitation Windows et Linux pour permettre l’utilisation sur le même poste de logiciels écrits pour l’un ou pour l’autre. Plusieurs variantes se présentent: dual boot, émulateur Windows sur le poste Linux (par exemple CrossOver), client “léger” accédant à un double bureau virtuel sur un serveur distant (solution retenue par le canton de Soleure; voir linux_desktop_ktvd_fr.pdf). L’autre voie consiste à développement exclusivement des applications web, c’est-à-dire où l’interface entre le client et le serveur peut être n’importe quel navigateur et quel que soit le système d’exploitation du poste de travail.

Toutes ces questions sont largement discutée à la Direction de l’informatique du canton de Vaud (voir la page consacrée au desktop Linux ou Windows).

Reste à savoir si la question intéressera la toute nouvelle Cour des Comptes du canton de Vaud dont les membres ont été assermentés mercredi dernier…

12 réflexions au sujet de « Allemagne: la Cour des Comptes recommande les logiciels libres pour stopper le gaspillage des deniers publics »

  1. Cher Monsieur,

    Le gouvernement chypriote s’apprête à  signer un accord d’exclusivité avec Microsoft pour acquérir plusieurs dizaines de milliers de licences de ses produits à  des prix dits “préférentiels” avec des “contreparties” diverses: bourses, centre de recherches informatiques, dons de produits pour les écoles… Bref tout ce que nous pourrions qualifier de pub gratuite et de prise en otage des futures consommateurs dès le berceau. Je me permets de vous demander l’autorisation de traduire votre texte en grec (en mentionnant la référence) pour le publier sur mon blog afin de contribuer à  l’effort de certaines personnes qui essayent de promouvoir le logiciel libre et qui demandent au gouvernement de revoir sa politique avant de marier l’Etat avec Microsoft.

  2. C’est bien volontiers que je vous autorise à  traduire mon texte (en citant la source, selon les précepts du “copyleft”).

    En ce qui me concerne, j’essaie d’éviter de citer le nom de sociétés qui éditent des logiciels propriétaires (il n’y en a pas qu’une!). Je me contente de mettre en exergue les nombreux avantages qu’il y a à  disposer des quatre libertés garanties par les logiciels libres (utiliser, étudier, modifier, redistribuer). Ces exigences devraient être des évidences pour les collectivités publiques en vertu des devoirs d’archivage, d’exemplarité, de transparence, d’interopérabilité et d’utilisation parcimonieuse des deniers publics.

  3. Cher Monsieur,
    En tant qu’utilisateur de systèmes Linux depuis plusieurs années, je suis bien entendu d’accord avec votre argumentation, à  une nuance près quand vous dites que €œles sociétés qui produisent des logiciels sont souvent de petites structures incapables de réaliser dans des délais raisonnables des développements dont les coûts se chiffrent souvent en millions de francs €?
    Il me semble que Vautax a coûté fort cher, n’est ce pas ? Et je me demande si, quelques étudiants de l’Epfl n’auraient pas pu réaliser ce travail pour un coût nettement inférieur €¦ Il y a beaucoup de mystification dans les nouvelles technologies. €¦Le progrès et les technologies ne nous disent pas comment les utiliser et prendre le temps de €¦
    Je me demande parfois à  quoi servent les ordinateurs, quand je vois ce qui me passe autour de moi €¦

    Je suis instituteur primaire à  l’Etat de Vaud et je vous ai écrit il y a quelques temps à  propos d’Educanet. Dans mon précédent courrier, je vous disais que j’avais une salle informatique entièrement sous Linux au collège de Malley. C’est toujours la cas mes 7 machines n’ont pas coûté grand chose puisque récupérées dans les débarras pour 3 d’entre elles et données pour les autres car dé-mo-dées !

    Dans la perspective de la prochaine scolaire, notre établissement va acheter des nouveaux ordinateurs, hélas des Mac, pour moi c’est vraiment ce qu’il y a de pire ! Et apparemment il n’est pas possible d’acheter autre chose que ce qui a été prévu, comme vous pouvez l’imaginer. C’est pourquoi je vous écris pour tenter une entorse à  la ligne établie vous transmets la proposition que j’ai faite à  ma responsable informatique. En lieu et place de 2 ou 3 mac acheter l’EEE PC l’ultra portable d’Asus adapté aux élèves du primaire de par sa nature et qui fonctionne sous Linux Xandros €¦ Prix 400 francs suisses l’unité.
    Plus d’ordinateurs et des coûts en matériel et en logiciel diminués.
    Je serai intéressé de tester 10 de ces machines dans mon collège puisque j’y suis aussi animateur en informatique.

  4. Si l’informatique pédagogique dépendait de mon département, je vous encouragerais certainement à  aller dans ce sens. Mais je comprends aussi les raisons pour lesquelles le DFJC privilégie l’option Mac.

    Ceci dit, Mac OSX est un OS de la famille Unix et je peine à  comprendre que vous considériez cette option comme la pire qui soit. Sauf peut-être sous l’angle du prix d’achat. Et encore, puisque celui-ci doit toujours être rapporté à  la durée de vie et que j’ai le sentiment qu’un Mac dure sensiblement plus longtemps qu’une machine “exotique” sans service après-vente organisé.

    Mais je vous écris tout cela depuis l’un des rarissimes postes Linux connectés sur le réseau de l’Etat de Vaud… Alors patience et longueur de temps…

  5. Je trouve merveilleux que le canton de Vaud s’oriente vers les logiciels libres. En étant informaticien exilé aux Etats Unis j’ai trouvé StarOffice, Google Doc dans toutes les bilbiothèques communales ou cantonales dans l’état de Virginie – USA.

    Mon beau frère a installé Linux avec une simulation complète de Windows sur sa 2me machine. Et il a tout!!!!

    Je suis curieux de vouloir savoir l’avis d’Al Gore sur les logiciels libres. Il était habile politicien lors de l’émission “Pardonnez Moi” avec Darius à  la TSR.

  6. Encore un de ces merveilleux paradoxes des USA! Berceau de l’open source et des brevets logiciels.

    Je ne connais pas la situation dans les bibliothèques universitaires du canton de Vaud, mais je sais que les salles de cours informatiques de l’Université de Lausanne sont équipées avec OpenOffice.org.

    J’ignore quelle est la position d’Al Gore sur les logiciels libres. Mais je suis prêt à  parier qu’il sait faire le lien entre l’obsolescence programmée des ordinateurs du fait de l’évolution (non souhaitée) des logiciels et le gaspillage de matières premières et d’énergie qui en résulte.

    Merci pour ce témoignage d’Outre-Atlantique!

  7. Cher Monsieur,

    Je vous remercie pour votre message du 11 mars à  22h 33 auquel je réponds maintenant. Je commence par vous faire un aveu ! Je me connecte de temps en temps avec un portable qui fonctionne sous Linux évidemment sur le réseau de … après avoir débranché le Mac. Vous n’êtes donc pas seul, mais certainement l’un des très rares!

    Je suis animateur informatique dans mon collège depuis août dernier. J’ai commencé mon animation informatique en vidant les armoires et jetant une pile de 40 disquettes de logiciels pour Mac dont la plupart n’avaient probablement jamais été utilisés! Des jeux de maths et de français. A cela s’ajoute une dizaine de cédéroms de jeux et d’activités divers, des logiciels propriétaires fort chèrement payés pour Mac et Windows. J’ai aussi le curieux présentiment qu’ils n’ont pas été beaucoup utilisés, et de toute façon ça tombe bien, on ne peut plus les utiliser sur Mac Os X! Vive l’innovation et le progrès!

    Je n’ose calculer le coût de ce gaspillage financier à  mon modeste niveau. Ce qui est regrettable, c’est que certains de ces logiciels – je pense notemment à  celui de la Corome Maths 1P-4P – sont parfaitement fonctionnels sur le plan pédagogique et pas du tout démodés! Mais ils ne fonctionnent plus sur les nouveaux Mac. Voilà  une bonne raison pour laquelle je disais pire à  propos de Mac. (Entre parenthèses, je me demande pourquoi ces jeux ne sont pas traduits en GPL une fois pour toute?)

    Je passe à  la suivante. A la salle des maîtres, nous avons un nouvel Imac connecté à  une imprimante Canon IP Pixma. Je n’ai pas trouvé de pilote pour l’imprimante qui nous permettrait d’économiser l’encre et ce n’est pas faute d’avoir essayé et d’avoir demandé à  la hiérarchie . Idem avec une imprimante HP 1100, alors qu’avec cette même imprimante que j’utilise avec de vieilles machines qui tournent sous OpenSuse 10.0, j’ai un pilote qui me permet d’avoir 3 niveaux d’impression, de varier la profondeur à  8 ou 24 bits, d’imprimer s’il manque une cartouche… Nous sommes condamnés à  gaspiller de l’encre à  la salle des maîtres. Merci Apple. Voilà  une seconde raison pour laquelle je disais pire. Il y en a d’autres…

    Mais allons à  l’essentiel. La question que je pose, puisque j’utilise des systèmes Linux et de temps en temps des Mac par la force des choses, c’est pourquoi si cher? Et pourquoi le Canton de Vaud ne fait pas comme à  Genève? Et bien vous pouvez toujours me répondre d’aller enseigner à  Genève. Ce qui m’amène à  vous dire que je ne vois aucune raison valable dans les décisions du DFJC de rester ou de priviligier Mac. Car je ne crois pas qu’il soit difficile de passer d’un système à  l’autre pour les utilisateurs; pour moi, c’est un mythe. Mais les mythes ont la vie dure, surtout si des intérêts financiers sont en jeux !

  8. Bonjour,

    Merci pour ce témoignage complémentaire et… édifiant. Si vous ne voyez pas d’obstacle à  la généralisation de Linux et des logiciels libres dans les écoles vaudoises, peut-être que certains de vos collègues, eux, en voient. A commencer par la méconnaissance de ces systèmes pas toujours “clé en main” et qui requièrent des compétences plus pointues que celles acquises souvent sur le tas depuis l’apparition des ordinateurs dans les classes.

    Ainsi, pour faire bouger les choses, il faudrait peut-être une pétition avec suffisamment de signatures pour qu’il soit évident qu’un autre choix stratégique ne serait pas bloqué par une levée de boucliers. L’école vaudoise reste soumise à  de fortes pressions et critiques en tout genre. Même si je le regrette, je peux comprendre qu’on ne cherche pas à  allumer un incendie dans le petit monde de l’informatique pédagogique.

    Je vous encourage à  continuer de convaincre tous ceux que vous pourrez…

  9. Décidément, rien n’est définitivement acquis. Ainsi la politique plutôt exemplaire du Gouvernement français en direction des standards ouverts et des logiciels libres et battue en brèche par la force de frappe de Microsoft (http://www.taltan.fr/post/2008/04/19/Politique-open-source-du-gouvernement). Malgré une réduction toujours plus spectaculaire des écarts entre les suites bureautiques OpenOffice et MS Office – avec un avantage évident à  la première en termes de performances – ce sont à  nouveau des problèmes de compatibilité qui sont évoqués. Je suis sûr qu’il ne s’agit que très rarement de problèmes lors de la transmission de fichiers entre l’administration et ses administrés. Bien plus souvent, ce sont simplement les compétences et les habitudes des utilisateurs au sein de l’administration qui sont remises en question. Au lieu d’investir quelque peu dans la formation des utilisateurs pour leur apprendre comment accéder à  telle ou telle fonctionnalité sur la suite libre (et au passage en profiter pour améliorer leur maîtrise générale des outils bureautiques – faible en général, surtout parmi celles et ceux dont c’est la responsabilité principale), les ministres ou leurs DSI préfèrent céder à  la coûteuse tentation de ne rien changer et de ré-équiper chaque poste avec MS. A moins que les raisons de ce revirement relèvent simplement du blingbling sarkozien habituel et qu’on découvre dans le prochain Closer les photos des dernières vacances de Nicolas (et Carla) sur le yacht de Bill 😉 PAN

  10. C’est vraiment consternant! Et le plus grave dans toute cette affaire, c’est que les administrations publiques sont censées conserver très longtemps un nombre croissant de documents électroniques, en l’occurrence dans un format tel qu’elles n’y auront peut-être rapidement plus accès. On ne peut pas exclure que l’Etat de droit soit dangereusement menacé.

    Pourtant, même pour naviguer, il est préférable d’utiliser Firefox plutôt que le yacht de Bill!

  11. A mon avis, tous les organismes publics de Suisse devraient utiliser Linux.
    Au pire des cas, la simple annonce d’un changement dans ce sens déclencherait une offre de $$soft pour fournir son système gratuitement. De l’argent public serait ainsi économisé, que l’on participe ou non à  l’expansion du monopole de cette compagnie.
    D’une manière générale, je pense que bon nombre d’entreprises, publiques ou non, surestiment les coûts nécessaires au fonctionnement de leur parc informatique et se laissent convaincre d’investir dans des “solutions” onéreuses. On ne peut pas bl mer les compagnies IT de vendre au mieux ce qu’elles (ne) font (pas), toutefois c’est dérangeant lorsqu’il s’agit de financement publique.

  12. La Cour des Comptes du canton de Vaud a publié le 15 décembre dernier un rapport sur l’informatique vaudoise, plus précisément sur le contrat qui lie l’Etat à  la société Bedag Informatique SA détenue à  100% par le canton de Berne (voir http://www.vd.ch/fr/organisation/autorites/cour-des-comptes/).

    Comme le relève Marc Geiser dans un article publié le 18 décembre 2008 dans Le Courrier, la Cour des Comptes n’a pas abordé cette dimension.

    “Malheureusement, le rapport n’aborde pas le problème crucial du type de programmes utilisés. En effet, l’utilisation de logiciels propriétaires dont le code source relève du secret commercial €“ telles la plupart des applications utilisées actuellement €“ présente les mêmes problèmes que ceux posés par la sous-traitance. Ils ne garantissent ni la confidentialité des données ni l’indépendance de l’Etat face à  ses fournisseurs. Le texte de la Cour des comptes vaudoise ne recommande pas un développement respectant ces valeurs, qu’elle met en avant par ailleurs. Aujourd’hui, par exemple, rien n’empêche Microsoft d’augmenter les prix de ses produits, le client n’a alors pas le choix, si ce n’est celui de payer.” (voir article complet)

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