Une micro-usine open hardware

(Source: https://microleanlab.ch/)

En octobre 2016, je publiais un billet de blog sur la Micro5, une machine-outil à cinq axes développée par la Haute École Arc ingénierie dans une approche open hardware. Quatre ans plus tard, la Micro5 est proposée par plusieurs constructeurs de machines et la HE-Arc vient de lancer la micro-usine open hardware, construite dans le cadre du MicroLeanLab. Elle m’a demandé d’en être en quelque sorte le parrain écoresponsable. Malheureusement, la conférence de presse de présentation du MicroLeanLab prévue le 30.10.2020 a dû être annulée pour cause de COVID-19.

Ce projet m’enthousiasme fortement en tant qu’écologiste, mais aussi en tant qu’économiste.

Au plan écologique, je souligne que les machines éco-conçues consomment jusqu’à 10 fois moins d’énergie que les machines-outil classiques pour produire une même pièce (Micro5). Quant à la micro-usine, elle est proposée sous la forme d’éléments modulaires en bois, un matériau renouvelable au multiples qualités, dont une excellente absorption des vibrations. Je suis surtout frappé de voir que des ingénieurs, sans formation spécifique à l’écologie, opèrent spontanément des choix techniques s’inscrivant dans une perspective de développement durable et pas exclusivement d’efficacité.

Il y a surtout énormément à dire au plan économique. En effet, on a beaucoup parlé dès le début de la pandémie de COVID-19 de la nécessité de relocaliser les productions en Europe. Les développeurs du MicroLean Lab vont encore plus loin, jusqu’à imaginer la renaissance de la tradition du paysan horloger qui fabrique chez lui des pièces d’horlogerie durant l’hiver, soit une production hyper-locale. Dans une perspective plus futuriste, ils imaginent, par exemple, qu’un hôpital puisse disposer d’une micro-usine pour produire à la demande et à bas coût des prothèses osseuses ou dentaires.

Le choix opéré de diffuser les plans de la micro-usine sous licence open hardware est absolument fondamental si l’on veut essaimer efficacement ce genre de techniques. Au niveau du modèle économique, cela représente un changement radical de paradigme. On ne vend plus la meilleure machine-outil, mais le savoir-faire pour la perfectionner et l’adapter à de nouveaux besoins. Une valeur ajoutée par définition locale, que les ingénieurs et entreprises suisses maîtrisent probablement mieux que d’autres.

Ce choix stratégique a d’autres conséquences favorables du point de vue écologique et économique. Dès lors que l’on ne vend plus une machine mais le savoir-faire qui va avec, les industriels traditionnels pourraient rapidement vendre l’utilisation de la machine plutôt que la machine elle-même (économie de fonctionnalité). L’idée commence à faire son chemin parmi les industriels qui ont soutenu le développement du MicroLean Lab, avec pour conséquence que l’objectif économique ne serait plus de vendre plus de machines, mais d’imaginer et développer d’autres domaines d’application pour des machines qui seraient louées plutôt que vendues. A partir de là, l’industriel qui fabrique la machine a tout intérêt à ce qu’elle dure le plus longtemps possible et à l’améliorer pour lutter contre son inévitable obsolescence technique.

En prenant un peu de hauteur par rapport à cette tendance émergeante, je constate que l’open source et l’open hardware permettent, grâce à l’intelligence collective et à des financements publics, de concevoir plus rapidement des solutions réellement innovantes et avec des coûts de production plus bas. Surtout, ils créent les conditions d’une concurrence parfaite, telle que décrite par les économistes néo-classiques. Celle-ci est supposée déboucher, à l’équilibre général des marchés, sur une situation d’allocation optimale des ressources: un maximum d’utilité pour les consommateurs, avec un minimum d’intrants (capital, main-d’œuvre, énergie, matières premières).

Il se pourrait – et c’est une excellente nouvelle! – que l’écologie soit soluble dans le capitalisme et qu’il ne faille pas attendre l’effondrement du capitalisme pour construire un système économique ne conduisant pas à l’épuisement inexorable des ressources, une destruction de l’environnement et un accroissement des inégalités. C’est du moins ce que suggère ce fabuleux projet de MicroLean Lab. Chapeau bas à ses concepteurs et promoteurs!

Autre bonne nouvelle, la Suisse, qui abrite le CERN – inventeur du Web en 1989 – auteur du brevet Open Hardware et des initiatives comme le MicroLeanLab ou l’OpenMovement, pourrait bien prendre une position de leader mondial dans cette transformation radicale de l’économie et la transition écologique que tout le monde appelle de ses vœux…

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