Que faire des pics de production photovoltaïque?

(Capture d’écran de l’app Huawei Fusionsolar du 10.11.2022)

Nous avons décidé de conserver la maison héritée de mon père en 2014 (voir https://blogs.verts-vd.ch/marthaler/2018/vendre-louer-maison-espagne-4-ans-de-bataille/) et nous avons mis en service une installation photovoltaïque de 6,8 kWp (puissance de pointe), soit environ 32 m2, supposée fournir 8’700 kWh par an, soit un peu plus que la consommation annuelle. Depuis sa mise en service, le 18.10.2022, j’observe que l’installation ne produit plus rien lors des pics de production de la mi-journée…

Le bureau d’étude qui a planifié l’installation (www.ingenia21.com) me dit de voir avec notre fournisseur d’électricité, en l’occurrence Endesa, pour savoir pourquoi l’excédent de production ne peut pas être absorbé par le réseau. Endesa me renvoie à l’exploitant du réseau local (une filiale de Endesa, dont la maison-mère ne se considère pas comme solidaire). Sans grande surprise, la réclamation déposée en novembre 2022 n’a pour l’heure reçu aucune réponse ou explication…

En ce qui concerne l’arrêt de la production de l’installation photovoltaïque, le bureau d’ingénieur m’a fourni, le 04.11.2022, l’explication suivante:

Ils sont dus à un problème du réseau général, car l’une des trois phases du réseau atteint ponctuellement 250V. La réglementation espagnole n’autorise qu’une tension de secteur de 230V +/- 7%, soit une tension maximale de 246,1V. Toute tension dépassant cette limite est en dehors de la loi (provoquant des surtensions) et peut endommager les appareils électriques. C’est pour cette raison que l’onduleur s’arrête pour des raisons de sécurité lorsqu’il atteint ces tensions de réseau, car il pourrait être endommagé.

Si le bureau d’ingénieur considère que tout est en ordre, mes connaissances de base en électricité me conduisent à d’autres conclusions…

Pour pouvoir injecter du courant dans le réseau, il faut nécessairement que la tension fournie par l’onduleur soit supérieure de quelques volts à celle du réseau. Et, lorsque la tension du réseau atteint 246,1V, il est normal que l’onduleur s’arrête pour éviter d’endommager les appareils qui sont branchés sur ce réseau, à commencer par vos propres appareils et l’onduleur lui-même.

Ceci me conduit à la terrible conclusion suivante… Si, lorsque la production photovoltaïque est à son maximum à la mi-journée, la demande en électricité est inférieure à la production, les onduleurs s’arrêtent tout simplement.

Force est de constater que les installations photovoltaïques pullulent, en particulier dans un pays particulièrement favorisé en terme de journées d’ensoleillement comme l’Espagne. Ce développement est soutenu par d’importantes subventions européennes et tous les magasins de bricolage proposent des kits photovoltaïques à des prix d’autant plus attractifs que le prix du kWh explose.

Alors je me pose la question suivante:

Est-ce que les pouvoirs publics, en lançant de vastes programmes de promotion de l’énergie photovoltaïque, se sont coordonnés avec les producteurs et distributeurs d’énergie pour prévoir la manière dont cette énergie verte et largement subventionnée pourrait être efficacement utilisée? Les technologies ne manquent pas: pompage-turbinage dans les barrages, production d’hydrogène, stockage d’énergie gravitationnelle, ou, plus trivialement, recharge des batteries de véhicules électriques sur des bornes “intelligentes”.

Je n’ai pas eu le temps d’investiguer sur cette question. Mais je ne serais pas surpris d’apprendre que la priorité politique consiste à accroître le plus rapidement possible la production d’énergie renouvelable, en remettant à plus tard la question de savoir à quoi cette production pourrait efficacement servir…

A ma toute petite échelle, force est de constater que 25-30% de l’énergie que pourrait fournir notre nouvelle centrale photovoltaïque est perdue (au sens où elle n’est pas produite, comme le montre le graphique du 10.11.2022).

La situation est d’autant plus rageante que, depuis la mise en service de l’installation, nous essayons d’enclencher les gros consommateurs d’énergie lorsque l’installation photovoltaïque produit de l’énergie “gratuite”: lave-vaisselle, lave-linge, pompe de circulation, etc. Malheureusement, l’onduleur ne signale pas qu’il s’est arrêté durant une heure ou deux à la mi-journée, et on se retrouve à consommer du courant nucléaire à l’insu de notre plein gré!!!

Je signale encore à celles et ceux qui n’en ont pas l’expérience qu’en cas de coupure de courant sur le réseau (ce qui arrive 2-3 fois par an dans notre région un peu reculée d’Espagne), l’installation photovoltaïque d’une puissance de 6.8 kWp ne fournit rien du tout. Pour éviter cela, il faudrait changer l’onduleur et investir dans des batteries de stockage, avec ce que cela signifie en terme d’énergie grise, de consommation de lithium, de pertes de conversion (AC-DC) et d’investissement financier.

Je suis preneur de tout bon conseil…

5 réflexions au sujet de « Que faire des pics de production photovoltaïque? »

  1. Il est important que le réseau soit adapté au besoin des renouvelables. Et malheureusement c’est juste que tout le monde supporte les énergies renouvelables, mais on oublie la nécessité d’aussi renforcer ou bien optimiser (p.e. avec des batteries pour un quartier) le réseau.

    En Suisse, on considère bien les besoins, en générale plus conservatoire que nécessaire avec le résultat que le “pro-consommateur” doit attendre trop long. Mais en comprenant vos pensées, meilleur d’attendre que de perdre de l’énergie. Et – n’oublions pas d’introduire le besoin du réseau dans les discussions journalières par rapport à la transition énergetique.

    • Cher Monsieur Isenrich,
      Merci d’avoir posté un commentaire en français en tant que CEO de https://www.younergy.ch/ (et ancien CEO de https://www.edisunpower.com).
      Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris, mais l’idée de stocker l’énergie dans des batteries à l’échelle d’un quartier me semble intéressante. Reste à savoir si c’est le gestionnaire du réseau qui réalise l’investissement et assume les coûts d’exploitation. A priori, les micro-producteurs n’en auraient pas le droit. Mais le gestionnaire du réseau a-t-il intérêt à racheter plus d’électricité PV pour la stocker et la revendre plus tard, ou ne vaut-il pas mieux pour lui de ne pas acheter un courant pour lequel il n’a pas de demande? Poser la question, c’est y répondre…
      Compte tenu du fait qu’en Suisse comme en Europe, d’importantes subventions (y compris rabais d’impôts) sont alloués à l’augmentation de la production d’énergie photovoltaïque, il serait logique que les pouvoirs publics exigent des gestionnaires du réseau de reprendre et valoriser cette énergie. Si on ne fait pas cela, non seulement les objectifs de transition énergétique ne seront pas atteints, mais on peut prédire un gros scandale pour gaspillage d’argent public, dont la droite réactionnaire va se délecter…
      Cordialement.

  2. Cher Monsieur, bien sûr que ce grand manque à produire pendant les heures d’ensoleillement intense est inquiétant ! Et c’est dommage, vos suggestions pour valoriser cette énergie non-produite sont essentielles. Il faut aussi inverser la façon de penser ! par ex. faire la lessive juste après le repas de midi, cuisiner à l’électricité à midi (et au gaz le soir 😉 haha), et appliquer vos suggestions de stockage comme le gravitationnel.
    Meilleures salutations

  3. Bonjour,
    Avec un recul de 6 mois, et depuis que la nouvelle tarification Endesa (0.15 €/kWh pour l’énergie importée, 0.10 €/kWh pour l’énergie injectée), je découvre que mes calculs économiques étaient bien trop optimistes… Tout d’abord, depuis la mise en service de l’installation photovoltaïque en octobre 2022, il s’avère que l’on est plus attentifs et que notre consommation s’est réduite de -75%. Résultat: on produit et injecte actuellement dans le réseau environ 2 fois plus que ce que l’on consomme. Or, la loi interdit à Endesa d’établir des factures d’électricité négatives, en sorte que si l’on a produit 1000 kWh et qu’on en a auto-consommé 150 kWh et importé 200 kWh facturés 30 €, Endesa ne va nous racheter que 300 kWh rétribués 30 €, ce qui ramène la facture à zéro (les frais fixe de raccordement d’environ 30 € TTC par mois restent évidemment dus). Dans cet exemple, on aura exporté 850 kWh payés 30 €, soit 0.035 €/kWh, ce qui doit être une bonne affaire pour Endesa qui vend probablement son courant vert plus cher!… D’après mes rapides calculs, investir dans des batteries ne semble pas rentable pour l’instant. L’entreprise qui a réalisé l’installation nous signale l’existence de batteries virtuelles, par exemple chez https://www.factorenergia.com/es/bateria-virtual-placas-solares/. Comme leur nom l’indique, ces batteries n’existent pas physiquement. Le partenaire va simplement vous racheter toute l’énergie excédentaire et vous revendre l’énergie importée la nuit. Et s’il reste un solde, celui-ci sera reporté sur le mois suivant. A voir… En gardant à l’esprit que si la consommation est toujours inférieure à la production excédentaire, le bonus accumulé ne nous sera jamais crédité, comme dans le cadre du contrat actuel avec Endesa…
    En définitive, la meilleure solution serait d’utiliser ces excédents pour recharger une voiture électrique ou produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau…

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