(Source: https://terrraterrre.ch, bourse aux matériaux d’excavation)
Deux tiers des déchets produits en Suisse sont des matériaux d’excavation qui finissent majoritairement dans ce qu’on appelle des décharges terreuses généralement éloignées des sites d’excavation et pour lesquelles les autorités cantonales ont de plus en plus de peine à obtenir l’aval des communes concernées. J’ai été très heureux de découvrir le projet de bourse d’échange de matériaux d’excavation lancé par l’association Terrraterrre dans le quotidien 24 Heures du 12.07.2024. Mais, comme le mentionne l’article, l’idée n’est pas nouvelle, puisque je l’ai poussée depuis le début des années 2000…Fondateur, en 1993, du Bureau d’Investigation sur le Recyclage et la Durabilité (BIRD; aujourd’hui LeBird), il m’est rapidement apparu que les déchets de chantier constituaient de loin le principal enjeu du point de vue du développement durable et qu’avec 40 à 60 millions de tonnes par an les impacts sur l’environnement de l’élimination des matériaux d’excavation étaient massifs.
Je n’ai retrouvé que peu d’archives sur mon ordinateur concernant la genèse de la bourse aux matériaux d’excavation (BOUME) au début des années 2000. Très actif dans le domaine de la gestion des déchets de chantier, je me souviens avoir été frappé par le fait que les chantiers dont je m’occupais commençaient en général par de gros travaux d’excavation et un impressionnant balai de camions: 1’000 m3 équivalant à 1’600 tonnes, soit 100 camions à 4 essieux sur une distance de 30 à 60 km (aller-retour). Et puis ces chantiers se terminaient par un comblement représentant environ 1/3 du volume excavé. Ce comblement étant généralement réalisé avec des graves “neuves” (matériaux d’extraction nobles) pour répondre aux exigences des ingénieurs soucieux de ne prendre aucun risque technique, je ne comprenais pas pourquoi on ne pourrait pas remettre en place des terres semblables à celles d’origine. Ainsi, un chantier A en démarrage pourrait livrer des matériaux d’excavation à un chantier B tout proche en cours d’achèvement pour le comblement.
De là est né le projet de BOUME, que j’ai eu l’opportunité de promouvoir en arrivant au Conseil d’État vaudois et à la tête du département des Infrastructures en 2004. C’est ainsi qu’en 2009, profitant du projet de construction de la route H144 que je voulais exemplaire du point de vue du développement durable, j’ai donné une impulsion à cette idée, car le chantier avait besoin de 157’000 m3 de remblai (voir le communiqué de presse du 04.11.2009 et mon billet de blog du 09.11.2012).
En février 2010, le Service des eaux, sols et assainissement (SESA) publiait un rapport interne sur l’intérêt de la BOUME, qui concluait, suite à un questionnaire adressé à quelque 150 utilisateurs: La BOUME est reconnue comme un bon instrument, facile à utiliser par la grande majorité des utilisateurs. Elle est appréciée autant sur son principe que comme instrument. Ceci est corroboré par l’abondance des remarques positives citées en annexe. Elle souffre paradoxalement d’un déficit considérable de notoriété et conséquemment d’intérêt. Ceci est encore confirmé par la majorité des remarques. Même si plus de 150 utilisateurs s’y sont inscrits et que de nouvelles inscriptions arrivent régulièrement, le niveau d’utilisation reste encore trop “confidentiel”; les annonces et les consultations demeurent rares.
Ce constat mitigé n’a pas empêché la nouvelle Direction Générale de l’Environnement (DGE) du canton de Vaud d’adresser, le 13.02.2013, une lettre circulaire aux communes vaudoises pour promouvoir l’idée et mentionnant ce qui suit: La Bourse aux matériaux d’excavation (connue sous l’acronyme “BOUME”) a été “étendue” aux matériaux minéraux de chantier tels que béton de démolition, enrobé bitumineux, graves et granulats recyclés. La mise à jour est prévue pour le 13 février 2013. L’accès Internet reste le même (www.vd.ch/boume) et les comptes utilisateurs existants restent valables.
Si j’en crois l’émission InterCités de la RTS du 15.05.2015, l’idée était en train de se propager, puisque le gouvernement jurassien venait de lancer un projet de bourse aux matériaux d’excavation basé sur l’expérience vaudoise.
Je n’ai pas réussi à retrouver la date à partir de laquelle la Bourse aux matériaux de construction vaudoise a été arrêtée et encore moins qui en avait pris la décision…
Toujours est-il que le projet de l’association Terrraterrre me réjouit d’autant plus qu’il émane d’un habitant de ma commune de Prilly, Jan Forster (paysagiste-urbaniste), à qui je vais transmettre mes plus chaleureux encouragements. Même si la conclusion de son spot promotionnel se termine par un “pourquoi n’y a-t-on pas pensé plus tôt?”…