(Source: OFEV, Aide à l’exécution de l’OREA, 26.09.2024)
Depuis l’entrée en vigueur de l’Ordonnance fédérale sur la restitution, la reprise et l’élimination des appareils électriques et électroniques (OREA) en 1998, seuls le recyclage matière et la “valorisation énergétique” étaient autorisés et il était interdit à un atelier de réparation comme La Bonne Combine de récupérer des appareils ou des pièces pour des réparations. Depuis plus de 25 ans, je me bats pour lever cette interdiction. Une porte s’est entrouverte avec la publication par l’OFEV, le 26.09.2024, d’un Aide à l’exécution concernant l’élimination des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) (voir PDF, 2MB).Les résistances sont encore fortes, en particulier du côté de SWICO (informatique, bureautique, électronique de loisir) et SENS (électroménager) qui encaissent les 70-80 millions de francs par an des contributions anticipées de recyclage (CAR). Constituées par les fabricants et importateurs, ces deux associations de branche ont surtout intérêt à nettoyer le marché pour faire de la place aux produits neufs (lire à ce sujet mon billet de blog du 07.07.2020: L’OREA du gaspillage). Depuis que le Conseil fédéral a annoncé, le 15.02.2023, son soutien à l’initiative parlementaire 20.433 “Développer l’économie circulaire en Suisse” (voir Économie circulaire: réparation et réemploi prioritaires?), le Parlement a adopté la modification de la Loi sur la protection de l’environnement (LPE, RS 814.01):
Art. 30d51 Valorisation
1 Les déchets doivent faire l’objet d’une réutilisation ou d’une valorisation matière si la technique le permet et si cela est économiquement supportable et plus respectueux de l’environnement que ne le serait un autre mode d’élimination ou la production de produits nouveaux.
Cette modification n’ayant été définitivement adoptée par l’Assemblée fédérale que le 15.03.2024, elle n’entrera en vigueur qu’au 01.01.2025.
Voilà qui explique peut-être pourquoi aucune révision de l’OREA (RS 814.620) concernant la question essentielle de la réutilisation n’est en cours. Pour l’heure, donc, il subsiste une obligation d’éliminer:
Art. 9 Obligation d’éliminer
1 Les personnes soumises à l’obligation de reprendre sont tenues d’éliminer les appareils et les composants qu’elles ne réutilisent pas ou qu’elles ne transmettent pas à d’autres personnes soumises à cette obligation. Elles peuvent en confier l’élimination à des tiers.
2 Les entreprises d’élimination et les exploitants de postes de collecte publics sont tenus d’éliminer ou de remettre à d’autres personnes soumises à obligation de reprendre les appareils et les composants qu’ils ont repris.
Curieusement, l’OFEV a mis en consultation un Aide à l’exécution concernant l’élimination des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) auprès des milieux concernés; aide publié le 26.09.2024, avant même l’adoption par le Conseil fédéral de la révision de l’ordonnance!?! J’interprète cela par le fait qu’il reste quelques détails à régler dans l’ordonnance…
En attendant, on peut considérer que cet aide – qui n’a pas force de loi – est compatible avec la future OREA révisée.
Après lecture, voici les points qui ont retenu mon attention:
1) Un appareil en “état d’usage” n’est pas un déchet s’il est remis à une brocante (par exemple, Emmaüs), mais il sera considéré comme un déchet s’il est remis à un point de collecte tel qu’une déchetterie communale. Dans le deuxième cas, la législation sur les déchets s’applique.
2) De même, un appareil défectueux, mais réparable, remis à La Bonne Combine est un déchet. Pour être autorisée à le reprendre en vue d’une réparation et d’une remise sur le marché, l’entreprise devra être au bénéfice d’une autorisation cantonale, conformément à l’art. 8, OMoD (RS 814.610), car elle serait alors considérée comme une entreprise de traitement de déchets (“opérateur de traitement primaire”).
3) Il résulte de ce qui précède qu’un particulier – même s’il est particulièrement bricoleur ou qu’il a juste besoin d’une pièce pour réparer un autre appareil – ne sera toujours pas autorisé à se servir dans la déchetterie de sa commune. Heureusement, dans les villages, les gens sont suffisamment sensés pour ne pas se soumettre à une règle aussi hérétique…
Comme il aurait été dommage de laisser le bon sens guider localement la mise en œuvre de ces possibilités de réutilisation, l’OFEV pose toute une série d’exigences:
- Les remettants doivent être informés de la possible réutilisation des DEEE et de leurs composants. On pourrait imaginer une mise en garde comme: “Attention! Les objets que vous déposez ici sont susceptibles d’être réutilisés en tout ou partie”.
- Les DEEE dotés de supports de données (ordinateur, smartphone, tablette, etc.) ne peuvent faire l’objet d’une préparation en vue de la réutilisation qu’avec l’accord des remettants. Un engagement contractuel du repreneur de supprimer toutes les données à l’aide de techniques reconnues me semblerait suffisant.
- Lors de la restitution des DEEE, il faut séparer clairement: ceux qui se prêtent à une (potentielle) préparation en vue de la réutilisation et ceux qui se prêtent à une valorisation matière. Cette exigence est inapplicable, sauf à salarier un technicien chevronné pour poser un diagnostic, accompagné par quelqu’un connaissant parfaitement la demande pour l’appareil réparé ou certains de ses composants. Le personnel de la déchetterie pourrait cependant recevoir une formation au fil de l’eau de la part du partenaire chargé des traitements en vue de la réutilisation.
- Afin d’empêcher la transmission non contrôlée d’appareils ou de composants et de garantir la protection des données, les DEEE stockés en vue d’une réutilisation ne doivent pas être librement accessibles. Il s’agit du corollaire de l’interdiction faite aux particuliers de récupérer des appareils ou des pièces. Cela dit, si les palettes d’appareils réparables sont inaccessibles, on voit mal comment les remettants pourraient y déposer les appareils qu’ils savent fonctionnels ou qu’ils pensent réparables…
- Lors de la réception d’appareils destinés à une préparation en vue de la réutilisation, le personnel (s’il existe) doit exclure les appareils qui contiennent des polluants interdits ou pour lesquels il n’existe aucune demande en raison de leur âge ou de leur état. Ces appareils doivent faire l’objet d’une valorisation matière, pour autant que cela soit possible et judicieux. Ici aussi, la règle me semble inapplicable dans la pratique.
- Afin de garantir une préparation en vue de la réutilisation qui soit respectueuse de l’environnement et conforme à l’état de la technique ainsi qu’aux exigences de la protection des données, la transmission des DEEE à un partenaire chargé des traitements doit être réglée par contrat. En l’absence de règlement contractuel, ni les personnes soumises à l’obligation de reprendre ni les postes de collecte ne doivent transmettre des DEEE à un partenaire en vue de leur traitement.
Le partenaire chargé du traitement des DEEE doit disposer d’une autorisation d’élimination au sens de l’art. 8 OMoD. A l’heure actuelle, l’autorisation de traitement concerne des installations d’élimination, mais je vais contacter le service compétent du canton de Vaud pour savoir quelles seront les exigences en ce qui concerne les organismes de préparation au réemploi. En espérant qu’il ne faille pas attendre une modification de la loi cantonale sur la gestion des déchets et de son règlement d’application… - Les DEEE destinés à une réutilisation doivent être préparés conformément aux exigences du partenaire chargé de leur traitement, ce qui signifie qu’ils doivent aussi être collectés, emballés et transportés dans le respect de ces dernières, afin de ne pas être endommagés pendant le transport. Alors là, j’applaudis cette exigence pleine de bon-sens!
Je ne mentionne ci-dessus que les déchetteries communales. Pourtant, dans l’esprit de la loi, l’obligation de reprise des DEEE est faite aux vendeurs pour tous les types d’appareils de leur assortiment. Je pense que la majeure partie des gros appareils ménagers, ainsi que des appareils remplacés dans les entreprises, sont repris par les commerçants, lors de la livraison des nouveaux. A l’inverse, les petits appareils électroménagers sont déposés en déchetterie. Mais j’ignore s’il existe des statistiques à ce sujet… Il n’en reste pas moins que les commerçants du domaine n’ont aucun intérêt à favoriser le réemploi, d’autant que le recyclage est financé par la CAR et qu’ils sont même indemnisés pour leurs coûts de stockage. A ce stade, je ne sais pas comment surmonter cet obstacle à la réparation et je me concentre sur le cas des déchetteries communales, lesquelles sont soumises à la surveillance politique de l’exécutif et du législatif…
Bonjour, je comprends aussi que la déchèterie ne doit pas devenir un espèce de foire d’empoigne sur les appareils réparables ce qui se passe parfois dans les espaces ressourcerie des déchèteries communales. Toutefois la présence d’associations ou autre organisme qui bénéficierait d’une convention avec la commune au sein de la déchèterie pourrait bénéficier de “contenants” particuliers à dessein de réemploi ou de réparation.
Ceux-ci pourraient être exemptés d’avoir tous les agréments … d’un centre de traitement. Bien cordialement.
Bonjour,
Ma curiosité m’a poussé à poser la question de la révision de l’OREA à la personne responsable de la publication de l’aide à l’exécution Élimination des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE).
C’est son successeur à l’OFEV qui m’a répondu ce qui suit:
Quand est-ce que la révision de l’OREA intégrant les possibilités de réutilisation sera-t-elle mise en consultation et quand pourrait-elle entrer enfin en vigueur?
Le parlement a adopté la révision de la loi sur la protection de l’environnement en mars 2024 (dans le cadre de l’initiative parlementaire 20.433). Le 13 novembre 2024, le Conseil fédéral a décidé qu’une grande partie des modifications législatives entreraient en vigueur le 1er janvier 2025. Veuillez trouver le communiqué de presse ici : Renforcement de l’économie circulaire suisse : entrée en vigueur de la plupart des modifications législatives dès 2025.
Pour mettre en œuvre les nouvelles bases légales, il faut maintenant adapter différentes ordonnances. En ce qui concerne la préparation à la réutilisation, l’OREA est également concernée.
Le DETEC est actuellement en train de préparer les adaptations nécessaires au niveau des ordonnances. Cela prendra un peu de temps. La consultation publique pour l’OREA révisé est prévue pour 2026.
C’est fou comme tout est lent dans notre pays! Je note cependant que, lorsque qu’une règle a été arrêtée, elle ne change pas à chaque renversement de majorité…