Argent public – bien public (épisode 1)

(Source: RTS, Les Beaux Parleurs du 23.03.2025)

En 2018, j’ai découvert l’existence d’une maison d’édition de revues scientifiques, Frontiers (frontières, en français), basée à l’EPFL, et qui publie plus de 70 revues scientifiques en accès libre sur Internet. Sans surprise, en 2020, une grande partie des articles publiés étaient en lien avec la COVID-19. Ils étaient traités sous des angles aussi divers que les traitements, les vaccins, mais aussi la modélisation de la pandémie, les impacts économiques ou psychosociaux. Pour moi, comme pour la fondatrice de Frontiers, Kamila Markram, il ne fait aucun doute que le partage de ces données scientifiques ont permis de trouver plus rapidement des réponses aux problèmes monstrueux posés par cette pandémie mondiale, à commencer par le séquençage du génome du virus.

Ce sont principalement les universités du monde entier qui s’abonnent aux revues scientifiques et cela a un coût estimé en 2016 à 7,6 milliards d’euros par an et dominé par une poignée d’éditeurs.

La création de Frontiers remonte à 2015. A cette époque, Kamila Markram a terminé sa thèse en neurosciences en relation avec l’autisme et l’a publiée dans une revue scientifique, à laquelle, malheureusement, l’EPFL n’était pas abonnée. Comme elle souhaitait partager les résultats de sa recherche avec sa famille, ses amis et d’autres chercheurs, elle a finalement été contrainte de s’abonner à cette revue pour avoir le droit de partager sa thèse, ce qui l’a profondément choquée.

Dans une news publiée sur le site de Frontiers en janvier dernier, elle s’interroge encore… (je cite) : Cette expérience m’a amené à me poser une question essentielle: si je ne pouvais pas accéder à mes propres recherches dans une institution aussi bien financée que l’EPFL, comment d’autres chercheurs d’universités moins riches pouvaient-ils le faire ? En outre, comment les parents, les patients et les médecins pouvaient-ils rester informés des dernières avancées de la recherche sur l’autisme ?

Dix ans plus tard, Frontiers emploie plus de 1’400 personnes à travers le monde et vient de signer un partenariat avec le World Economic Forum de Davos. Objectif : booster la recherche pour tenter d’atteindre la neutralité carbone conformément aux engagements pris à Paris en 2015 :

Nous devons, écrit-elle, réduire les émissions de carbone de 45 % d’ici cinq ans et passer à une économie sans carbone d’ici 2050. Pour ce faire, nous devons réinventer, restructurer et reconstruire nos villes, nos systèmes énergétiques, nos systèmes de transport, nos chaînes d’approvisionnement alimentaire et nos industries. L’ampleur de ce défi est immense et la brièveté du délai en fait le plus grand défi auquel l’humanité ait jamais été confrontée.

Une décision politique s’impose, basée sur une idée simple : argent public = biens publics ! Nos impôts financent à coups de milliards des projets de recherche vitaux pour l’avenir de l’Humanité et il est complètement délirant de laisser une poignée d’éditeurs de revues scientifiques limiter la diffusion de ces savoirs nouveaux pour simplement faire du fric ! Principalement sur le dos de ces mêmes collectivités publiques… Surtout qu’il existe en Suisse une société d’édition qui a fait le pari gagnant de l’open science !!

En conclusion, Jonas, même si c’est votre émission, je me permets de vous suggérer d’inviter, à l’occasion, les promoteurs de Frontiers pour planter le clou un peu plus profondément…

Pour en savoir plus :

Une vérité qui dérange depuis 20 ans…


(Source: émission Les Beaux Parleurs du 02.03.2025, ma deuxième participation)

Ma chronique du jour est un peu un exercice imposé… par les circonstances… Je suis en effet, depuis 12 ans, président de l’Association du Film Vert. Fondée il y a 20 ans par mon ami Nicolas Guignard, l’association a projeté hier soir l’un des films de la première édition du festival et dans le même cinéma d’Orbe : «Une vérité qui dérange», film documentaire sur la conférence donnée par Al Gore, l’ancien vice-président des États-Unis et Prix Nobel de la Paix en 2007, conjointement avec le GIEC, pour son travail de vulgarisation sur les conséquences du changement climatique et les moyens d’y faire face sans tarder. C’était il y a 20 ans !…

Depuis, cette vérité dérange toujours certains, en particulier Donald Trump, qui entend sortir de l’Accord de Paris sur le climat tout en relançant l’extraction d’énergies fossiles aux États-Unis. Dans la foulée, on apprend, la semaine dernière, que le géant britannique BP a enterré une stratégie climatique autrefois ambitieuse et annoncé un recentrage sur la production et les investissements dans le pétrole et le gaz, avec l’espoir de doper ses bénéfices en berne et ses redistributions aux actionnaires. Voilà qui sent le roussi!

Pourtant, début janvier, l’Organisation météorologique mondiale a confirmé – je cite – que 2024 était l’année la plus chaude jamais enregistrée avec une température supérieure d’environ 1,55 °C aux valeurs préindustrielles. Ainsi, l’objectif de 1,5 °C fixé par l’Accord de Paris est-il déjà dépassé. Pour ne pas nous pousser au désespoir, l’OMM précise toutefois dans son communiqué que cet objectif de température à long terme n’est pas devenu inaccessible mais il est gravement compromis.

Je partage ce relatif optimisme et continuerai donc à dénoncer les contre-vérités qui me dérangent. Et surtout à promouvoir les solutions permettant de transformer l’économie actuelle en une économie respectant les limites naturelles, économiquement efficace et socialement responsable.

Parmi les films nominés pour l’édition 2025 du Festival du Film Vert, figure le documentaire suédois «Dépasser le système» qui montre comment transformer l’économie visant la maximisation des profits en une économie ayant pour objectif de garantir la satisfaction les besoins élémentaires de l’Humanité, à commencer par le droit à l’alimentation dont 800 millions d’êtres humains sont exclus. A noter que ce film recevra pour la première fois le nouveau Prix Public Eye lors de la soirée d’ouverture du 8 mars prochain à Sion, en présence de l’un de ses deux réalisateurs, Anders Nielsson, venu exprès de Suède.

Le Festival du Film Vert a la particularité d’être complètement décentralisé. Cette année, il devrait dépasser les 20’000 spectateurs, du 1er mars au 13 avril, avec plus de 90 films différents projetés dans 118 lieux dans toute la Suisse romande, en France et au Tessin, mais aussi des conférences, des ateliers pour les enfants, des stands d’associations et au total une centaine d’intervenants qui échangeront avec le public après les projections.

Alors j’invite nos auditeurs, même les plus climato-sceptiques, à venir voir, près de chez eux, l’un ou l’autre de ces films, car dans le fond, même si l’être humain n’était pas à l’origine des changements climatiques, chacun peut s’intéresser aux solutions permettant de rendre l’économie plus efficace et de maintenir un environnement sain pour nous, nos enfants et les enfants de nos enfants…

Pour en savoir plus:

Pour celles et ceux qui ont le temps, je suis intervenu sur les sujets du jour et il est possible d’écouter toute l’émission ou sujet par sujet: