(Source: RTS, Les Beaux Parleurs du 06.04.2025)
Un Beau Parleur ne devrait jamais dire ça ! Pourtant je dois reconnaître que j’ai dit des âneries sur cette antenne, le 23 mars dernier, lorsque nous discutions des conséquences économiques d’un divorce. Pour mémoire, une étude suisse montre que les femmes perdent en moyenne 28% de leur revenu après un divorce et jusqu’à 38% pour celles avec enfants, contre une perte quasi-nulle pour les hommes.
J’ai fait remarquer que cette inégalité vient principalement du fait que les femmes gagnent moins et généralement travaillent moins. Et j’ajoutais que cette situation découlait, pour une part, du fait que la fiscalité des couples mariés est plus lourde que celle de deux personnes ne faisant pas ménage commun. J’avais en tête que, les deux revenus s’additionnant, le taux d’imposition augmente du fait de la progressivité et que cela peut conduire à une désincitation à travailler pour le conjoint le moins bien rémunéré, avec les conséquences en cas de divorce relevées par l’étude dont nous discutions. Sur quoi je concluais que la taxation individuelle dont on parle actuellement sous la Coupole fédérale serait favorable à une meilleure répartition des charges et des revenus au sein du couple.
Cela a fait réagir mon contradicteur du jour, Yves Rossier, qui m’a sèchement interrompu pour dire, je cite, que «le taux d’imposition est plus faible» pour les couples mariés.
En rentrant chez moi, convaincu d’avoir dit une énorme ânerie, je me suis soudain rappelé que le canton de Vaud connaissait le quotient familial, qui divise, par exemple par 1,8 et non pas par 2, les revenus additionnés d’un couple sans enfants, ce qui entraîne un taux d’imposition plus élevé, alors que le canton de Fribourg, où vivait Yves Rossier, ne connaît pas cette particularité.
Plutôt que de me plonger dans les textes de loi et les barèmes fiscaux, j’ai posé à mon IA favorite la question de savoir comment est imposé un couple sans enfants, quand monsieur gagne 80’000.- francs et madame 20’000.-… La réponse est environ 9’500.- sur Fribourg, qu’ils soient mariés ou divorcés, mais, sur Vaud, 4’700.- s’ils sont mariés et 12’600.- s’ils sont divorcés, soit presque le triple (!). J’avais doublement faux, puisque la fiscalité vaudoise est extrêmement favorable aux couples mariés !
Le soir-même du 23 mars, 24 Heures met en ligne un article sur les débats qui ont cours au Conseil des États concernant le projet d’imposition individuelle permettant d’éviter que les couples mariés paient généralement plus d’impôts que les concubins. La suppression de ces inégalités entraînant une perte de recettes estimée à 1 milliard de francs annuel par le Conseil fédéral dans le projet qu’il présente aux chambres. C’est donc que j’avais raison et que les couples mariés paient plus d’impôts que ceux qui ont divorcé !
Pour essayer de comprendre où était l’erreur, je me suis plongé dans les 121 pages du rapport explicatif de décembre 2022, qui rappelle notamment que le canton de Vaud est le seul à utiliser le système du quotient familial (basé sur le modèle français) plutôt qu’un autre modèle de splitting. J’y ai appris que la perte de recettes fiscales induite par cette réforme serait d’environ 200 millions de francs pour les cantons qui touchent 21,2 % des recettes de l’IFD. Mais elle ne comprend pas les conséquences des modifications qui devront être apportées par les cantons dans leur droit fiscal, domaine dans lequel la Constitution fédérale leur garantit une totale autonomie.
Comme le canton de Vaud offre un avantage fiscal aux couples mariés et qu’il devra certainement adapter son système pour rétablir l’équité devant l’impôt et que le sujet est bien plus complexe qu’il n’y paraît et que j’ai déjà largement dépassé mon temps de parole, je conclurai simplement que l’avenir me donnera finalement, d’une certaine manière, raison !…
Pour en savoir plus :
- Discussion avec ChatGPT
- Message explicatif du 02.12.2022 sur l’imposition individuelle (PDF, 3,9 MB)