Archives mensuelles : juin 2015

Cachez ces initiatives que je ne saurais signer

 

En ce dimanche de votations qui voit deux initiatives supplémentaires mordre la poussière, il y a fort à parier que des voix vont de nouveau s’élever contre la prolifération de ces textes.

On nous dira qu’on vote trop souvent, que les partis ont dénaturé cet outil démocratique, qu’il faut augmenter le nombre de signatures, réduire les délais etc.

Pourtant, les initiatives restent d’excellents outils à disposition de qui n’est pas en mesure d’obtenir une majorité parlementaire.
Un exemple tiré de l’actualité récente permet d’illustrer ce propos :

La Confédération a publié il y a 3 jours les chiffres relatifs à la consommation d’essence et aux émissions de CO2 des voitures neuves immatriculées en Suisse en 2014. On constate une baisse de 2,1% des émissions moyennes de CO2. Cette tendance réjouissante est destinée à se poursuivre, puisque les prescriptions sur les émissions de CO2 entrées en vigueur en 2012 fixent des émissions moyennes de 130 grammes de CO2 par Km pour 2015 (contre 142 grammes en moyenne en 2014).

Or qui est à la base de cette prescription fédérale ? Et bien figurez vous que c’est une initiative pourtant taxée d’extrémiste et nuisible, celle “pour une mobilité respectueuse des personnes” lancée  par les Jeunes Vert-e-s en 2008.

Cette initiative, qui demandait en très résumé d’interdire l’immatriculation de nouveaux véhicules trop polluants ou dangereux pour les autres usagers de la route, aurait sans doute eu de la peine à rallier une majorité du peuple et des cantons. Elle a cependant fait assez peur à une majorité de parlementaires fédéraux pour que ceux-ci décident de lui soumettre un contre-projet indirect, instaurant des objectifs contraignants en matière de réduction des émissions de CO2 pour les véhicules neufs .

Il est très probable que sans le spectre de cette initiative, les Verts et leurs alliés auraient été bien seuls sous la Coupole à défendre ces mesures.

Il existe bien entendu d’autres exemples de ce type, comme par exemple l’initiative sur le paysage, qui a grandement contribué à l’ambitieuse révision de la Loi sur l’aménagement du territoire acceptée par le peuple en mars 2013.

De là à dire qu’une bonne initiative est celle que les initiants retirent avant le vote il y a un pas que je ne franchirai pas.

Il y a en effet des cas où le Parlement ne juge pas nécessaire de préparer un contre-projet, ou soumet une version ne répondant pas aux préoccupations de celles et ceux qui ont lancé l’initiative. Dans ce cas, autant aller jusqu’au bout, même si les chances de victoires dans les urnes sont faibles.

Une campagne de votation permet de créer le débat, de susciter la discussion sur des thématiques soudain portées au centre de l’attention médiatique et populaire. À quelques rares exceptions près (je pense par exemple à l’initiative des Vert’Libéraux sur la TVA, qui a durablement plombé le débat sur la fiscalité écologique), les initiatives – mêmes perdantes- font avancer les choses. Elles poussent les opposants à faire des promesses, à annoncer réformes ou nouvelles manières de faire, à tenir en considération l’avis de la minorité favorable au projet.

Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’une cause échoue dans les urnes qu’elle n’est pas juste. Le droit de vote des femmes, refusé plusieurs fois (dont la dernière en 1959) avant d’être accepté en 1971, en est une preuve tangible.

Alors non, il n’y a pas trop d’initiatives en Suisse. Nous avons quatre fois par année la chance d’avoir des débats de société sur des thèmes aussi divers que (presque toujours) passionnants, et nous serions bêtes de nous en priver !