Archives mensuelles : mars 2016

Oh forage, oh désespoir

 

Avant toutes choses, rendons à César ce qui lui appartient : le titre n’est pas de moi, je l’ai honteusement piqué à une interpellation su le 2ème tunnel du Gothard déposée par le député Vert Vassilis venizelos il y a quelques temps.

Ce n’est cependant pas du Gothard dont j’aimerais parler, mais plutôt d’un référendum qui anime quelque peu la vie politique transalpine depuis quelques semaines.

Les citoyennes et citoyens italiens sont en effet appelés aux urnes le 17 avril prochain, pour décider s’ils veulent suspendre ou non les concessions pour des forages gaziers au large des côtes de la Péninsule.

Car oui, le référendum n’est pas un outil exclusif de la démocratie helvétique. Les italiens ont ainsi aboli la monarchie et proclamé la République en 1946 suite à un référendum, introduit le droit au divorce en 1974 par ce même biais, ou encore mis fin à l’exploitation de centrales nucléaires sur le territoire national en 1987.

Le référendum reste cependant un outil bien moins utilisé que sous nos latitudes, et on a compté en tout et pour tout 66 votes depuis 1946, soit moins d’un par année (il n’y a ainsi par exemple eu aucun vote entre 1946 et 1974, ou entre 2005 et 2009)

Cela s’explique par divers facteurs, dont une particularité qu’on ne connaît pas dans la démocratie directe suisse : le quorum. Pour qu’un référendum soit jugé valable, il faut en effet en Italie qu’au moins 50% des électrices et électeurs + 1 glissent un bulletin dans l’urne. Sinon, quel que soit le résultat, il n’est pas tenu en compte.

27 référendums sur 66 n’ont ainsi pas atteint le quorum.

Les politiciens hostiles à un projet appellent donc généralement la population à ne pas aller voter. Conséquence : ce sont principalement les personnes favorables qui se déplacent, donnant lieu à des scores parfois quelque peu staliniens ( ou vaudois depuis le 20 mars dernier). Il y a ainsi eu 95,5% de OUI en 2011 à un référendum traitant du maintien de la gestion du réseau hydrique par les pouvoirs publics.

Mais sur quoi vote-t-on au juste le 17 avril ?

Sur la fin de toute exploitation de gisements d’hydrocarbure au large des côtes italiennes.

Une loi de 2007 interdit déjà de nouveaux forages, mais permet d’exploiter jusqu’à épuisement les gisements déjà “entamés”. Une coalition de régions côtières italiennes, alliée à des mouvements écologistes, a ainsi lancé ce référendum pour supprimer l’article permettant cette exploitation.  Si le OUI passe le 17 avril, il n’y aura donc plus d’extraction de méthane offshore en Italie.

La campagne peine un peu à décoller, notamment à cause de fronts assez hétéroclites et divisés. Au delà de la classique opposition écologistes-patronat, on ne trouve en effet pas un front gauche-droite traditionnel:
Le Parti Démocrate (centre gauche) de Matteo Renzi est ainsi divisé, tout comme le parti de Berlusconi, Forza Italia. Le premier ministre appelle ainsi par exemple à déserter les urnes, prétextant que l’Italie a besoin d’hydrocarbures bon marché pour relancer son économie, alors que de nombreux parlementaires et sénateurs de son parti militent pour le OUI.

 

À titre personnel, je ne peux qu’espérer que le quorum sera atteint, et que l’Italie se tourne résolument, à l’image d’autres pays européens pourtant moins bien lotis en termes d’ensoleillement, vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. le méthane, c’est tellement 20ème siècle…

 

 

 

 

Ne pas vendre la peau de l’ours…

 

Souvenez-vous : les mauvais résultats des partis écologistes en Suisse et en Europe ces dernières années avaient amené journalistes, analystes et politiciens d’autres bords à annoncer avec plus ou moins de fracas la fin de l’écologie politique, devenue obsolète au vu de la reprise de ses thèmes par tous les partis.

Or que constate-t-on aujourd’hui ? Tout d’abord que les mauvais résultats de hier sont en partie à relativiser, car si des pertes importantes ont été enregistrées dans certains cantons ou régions, ailleurs les Verts – que ce soit en Suisse ou en Europe – ont progressé.

Et puis, et c’est sans doute le plus important, cette tendance à la baisse que certaines Cassandres jugeaient inéluctable semble avoir sérieusement du plomb dans l’aile.

La semaine dernière, c’étaient les Verts allemands qui fêtaient,  devenant le premier parti (30% des voix) dans une région de 13 millions d’habitants, le Bade Wurtemberg.

Aujourd’hui, ce sont les Verts vaudois qui ont le sourire aux lèvres, eux qui confirment leurs jolis résultats du premier tour des élections communales. Après avoir progressé de 20% dans les législatifs communaux, ils gagnent 4 sièges supplémentaires dans les exécutifs, faisant leur entrée à Prilly, Ollon, Orbe, Prangins et Lutry, et revenant après 5 ans d’absence à Moudon.

Quels enseignements en tirer :

Premièrement, que l’écologie politique n’est pas mourante, et reprend même des couleurs. Elle ne se cantonne par ailleurs pas aux quartiers branchés de Stuggart ou de Lausanne, puisque les verts ont fait ces deux dernières semaines d’excellents résultats également dans des zones plus rurales ou populaires, que ce soit ici ou en Allemagne.

Deuxièmement, qu’on ne s’improvise pas Madame Soleil de la politique. Les tendances lourdes ne se dégagent pas en un ou deux scrutins, et surtout, leurs causes sont généralement multiples et difficiles à cerner. L’un des principaux enseignements de la sociologie politique est justement qu’il y a autant de manières et de raisons de voter qu’il y a d’électeurs.
Prenons un exemple tout bête, celui des élections allemandes :
Les Verts ont comme je l’indiquais plus haut fortement progressé en Bade Wurtemberg. Le même jour, ils perdaient 5% des voix et s’effondraient en Rhénanie Palatinat, à quelques dizaines de kilomètres de là où ils triomphaient. Ce sont donc bien une multitude de facteurs locaux, qui vont des caractéristiques socio-démographiques de l’électorat à des événements régionaux qui expliquent un vote, et non une espèce de “main invisible” de la volonté populaire valable partout et tout le temps.
Les grandes phrases du type “les électeurs ont voulu montrer que…” ou “le peuple affirme ainsi sa volonté de…” que l’on entend à toutes les sauces les soirs d’élections n’ont ainsi pas vraiment de sens…
On peut bien sûr émettre des hypothèses, mais il faut bien des études et du temps pour essayer de les corroborer.

Je termine donc en énonçant une hypothèse, laissant au temps le soin de la corroborer : On a pas fini d’entendre parler des Verts, et ce à tous les échelons de la politique. L’écologie est en effet une question de réalisations concrètes, et non de promesses électorales…