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Trump, ou l’arbre qui cache la forêt…

L’annonce il y a quelques jours du retrait américain des Accords de Paris sur le climat a suscité une vague d’indignation quasi unanime au sein de la société civile, mais aussi parmi les dirigent-e-s de nombreux pays, qui se sont fendus de déclarations inhabituellement fermes sur la question.

On a ainsi toutes et tous entendu le vibrant plaidoyer du Président de la République française, qui a notamment affirmé que « la France se [devait] d’être plus ambitieuse encore, pour notre avenir ». Même son de cloche à Berlin, Pékin ou Berne, dans une unanimité environnementaliste qui ferait chaud au cœur si elle n’avait pas tout d’un discours de façade, que les faits ont pour l’heure bien de la peine à corroborer.

Les politiques environnementales menées aujourd’hui un peu partout en Occident et dans les grands pays émergents sont en effet bien loin de l’idéal de durabilité si souvent évoqué dans les discours. Elles reposent sur l’idée saugrenue selon laquelle il suffirait à la main invisible du marché d’enfiler un gant d’innovation pour gommer les effets néfastes de notre mode de vie et de consommation sur l’environnement. Un coup de baguette magique, quelques panneaux solaires et un logo de multinationale se voyant adjoindre une feuille ou tout autre élément chlorophyllé, et hop, le tour est joué.

Cela sans oublier que les actions menées par ces gouvernements qui se sont soudain découverts une fibre écolo sont bien souvent très loin de contenir ne serais-ce qu’une once de durabilité.

Ce même Emmanuel Macron qui s’émeut dans les médias du sort de notre environnement a ainsi par exemple fait passer une loi en 2015, alors qu’il était ministre de l’économie, déréglementant le marché des autobus, et leur permettant de concurrencer les lignes de chemin de fer . Le polluant diesel remplace donc l’électricité comme moyen de propulsion, et les lignes de train régionales, déjà bien mal en point, sont les premières touchées par les coupes d’une SNCF échaudée par la concurrence.

Un peu plus au Sud du Continent, le gouvernement italien qui a mis le sauvetage des Accords de Paris parmi les grandes priorités du « G7 » qui s’est tenu en Sicile il y a une dizaine de jours est le même qui s’est battu contre une initiative populaire visant à interdire les forages gaziers et pétroliers proches des côtes.

La liste serait encore longue, et la Suisse et le canton de Vaud n’échappent pas à leur échelle à cette schizophrénie plus ou moins lucide et calculée qui veut que derrière des discours engagés et ambitieux en matière d’environnement se cachent des actes timorés et parfois carrément contraires aux buts annoncés en fanfare.

Que l’on se comprenne bien : il est juste et salutaire de condamner la décision américaine de faire fi d’un accord minimaliste sur le climat, et de continuer à émettre du gaz à effet de serre comme si la calotte glaciaire ne fondait pas à vue d’œil. En cela, les dirigeants mondiaux ont raison. L’heure n’est cependant plus aux discours, mais aux actions concrètes, et là force est de constater que le bilan est plus maigre.

Si le développement des énergies renouvelables, la transition énergétique et la diminution des émissions de CO2 liées aux activités productives sont des actes indispensables, ils ne sauraient cependant être les seules réponses à la crise écologique mondiale.

Il est naïf et dangereux de penser qu’on pourra « greenwasher » notre système économique actuel, basé sur la croissance à n’importe quel prix, pour poursuivre sur cette voie ad eternam. Que l’on pourra produire et consommer toujours plus, se déplacer toujours plus loin, vite et bon marché, profiter de fruits et légumes estivaux au mois de janvier, ou encore changer complètement de garde robe à chaque nouvelle collection d’une marque de prêt à porter.

Il n’est pas non plus question de revenir à la bougie et à la charrette, comme le persiflent d’aucuns dès que l’on évoque les limites de notre système de consommation. Il s’agit juste de s’apercevoir des limites de notre Planète et des ressources qu’elle met à notre disposition, et de les intégrer à un système économique qui devrait avoir comme indicateur la qualité de vie des citoyens plutôt que la croissance du PIB et l’indice à la consommation.

Le jour où le/la dirigent-e d’un grand pays industrialisé tiendra ces propos et les accompagnera d’actions concrètes, épaulé par les forces politiques et la société civile, alors on pourra vraiment applaudir des deux mains !

Oh forage, oh désespoir

 

Avant toutes choses, rendons à César ce qui lui appartient : le titre n’est pas de moi, je l’ai honteusement piqué à une interpellation su le 2ème tunnel du Gothard déposée par le député Vert Vassilis venizelos il y a quelques temps.

Ce n’est cependant pas du Gothard dont j’aimerais parler, mais plutôt d’un référendum qui anime quelque peu la vie politique transalpine depuis quelques semaines.

Les citoyennes et citoyens italiens sont en effet appelés aux urnes le 17 avril prochain, pour décider s’ils veulent suspendre ou non les concessions pour des forages gaziers au large des côtes de la Péninsule.

Car oui, le référendum n’est pas un outil exclusif de la démocratie helvétique. Les italiens ont ainsi aboli la monarchie et proclamé la République en 1946 suite à un référendum, introduit le droit au divorce en 1974 par ce même biais, ou encore mis fin à l’exploitation de centrales nucléaires sur le territoire national en 1987.

Le référendum reste cependant un outil bien moins utilisé que sous nos latitudes, et on a compté en tout et pour tout 66 votes depuis 1946, soit moins d’un par année (il n’y a ainsi par exemple eu aucun vote entre 1946 et 1974, ou entre 2005 et 2009)

Cela s’explique par divers facteurs, dont une particularité qu’on ne connaît pas dans la démocratie directe suisse : le quorum. Pour qu’un référendum soit jugé valable, il faut en effet en Italie qu’au moins 50% des électrices et électeurs + 1 glissent un bulletin dans l’urne. Sinon, quel que soit le résultat, il n’est pas tenu en compte.

27 référendums sur 66 n’ont ainsi pas atteint le quorum.

Les politiciens hostiles à un projet appellent donc généralement la population à ne pas aller voter. Conséquence : ce sont principalement les personnes favorables qui se déplacent, donnant lieu à des scores parfois quelque peu staliniens ( ou vaudois depuis le 20 mars dernier). Il y a ainsi eu 95,5% de OUI en 2011 à un référendum traitant du maintien de la gestion du réseau hydrique par les pouvoirs publics.

Mais sur quoi vote-t-on au juste le 17 avril ?

Sur la fin de toute exploitation de gisements d’hydrocarbure au large des côtes italiennes.

Une loi de 2007 interdit déjà de nouveaux forages, mais permet d’exploiter jusqu’à épuisement les gisements déjà “entamés”. Une coalition de régions côtières italiennes, alliée à des mouvements écologistes, a ainsi lancé ce référendum pour supprimer l’article permettant cette exploitation.  Si le OUI passe le 17 avril, il n’y aura donc plus d’extraction de méthane offshore en Italie.

La campagne peine un peu à décoller, notamment à cause de fronts assez hétéroclites et divisés. Au delà de la classique opposition écologistes-patronat, on ne trouve en effet pas un front gauche-droite traditionnel:
Le Parti Démocrate (centre gauche) de Matteo Renzi est ainsi divisé, tout comme le parti de Berlusconi, Forza Italia. Le premier ministre appelle ainsi par exemple à déserter les urnes, prétextant que l’Italie a besoin d’hydrocarbures bon marché pour relancer son économie, alors que de nombreux parlementaires et sénateurs de son parti militent pour le OUI.

 

À titre personnel, je ne peux qu’espérer que le quorum sera atteint, et que l’Italie se tourne résolument, à l’image d’autres pays européens pourtant moins bien lotis en termes d’ensoleillement, vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. le méthane, c’est tellement 20ème siècle…

 

 

 

 

Tu quoque Matteo ?

 

Une fois n’est pas coutume j’aimerais sortir du cadre valdo-fédéral dans lequel se placent généralement les billets de ce blog, afin de résumer et commenter ce qu’il se passe de l’autre côté des Alpes, où les gouvernements se suivent à une vitesse presque comparable à celle des entraineurs du FC Sion…

Commençons par un bref résumé des épisodes précédents :

Les élections de février 2013 ont – système proportionnel et loi électorale mal fichue  obligent – donné naissance à un parlement sans majorité, avec néanmoins une légère avance pour le centre-gauche.  

Après d’âpres négociations, un gouvernement de coalition centre-gauche/centre-droite a vu le jour en avril, reléguant à l’opposition les alliés traditionnels des deux pôles, comme la Lega (droite populiste) et SEL (Extrême-gauche avec un certain penchant pour les causes environnementales) ainsi que le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, grande surprise des élections avec son score de plus de 20%.

Happy end donc ? Eh bien non, car ce gouvernement n’aura pas tenu une année, fauché il y a quelques jours par l’ambition débordante de Matteo Renzi, Maire de Florence et depuis peu Secrétaire (l’équivalent suisse d’un Président) du Parti Démocrate, principale formation de centre-gauche.

Renzi – qui fait depuis des années la une de journaux pour ses propos critiques vis-à-vis de la classe politique et plus particulièrement des caciques de son parti, qu’il rêvait de « rottamare », ou « mettre à la casse » – a réussi son pari.

Il a rallié à lui une forte majorité des députés de sa formation, et plus particulièrement l’aile centriste, et a poussé à la démission Enrico Letta, Premier Ministre également membre de son parti. Pour ce faire, il a prétexté le besoin urgent (et avéré) de réformes pour un pays en récession depuis près de 3 ans, réformes qui nécessitaient une nouvelle équipe gouvernante.

Aussitôt dit, aussitôt fait, Renzi a obtenu la charge de la part du Président de la République de former un nouveau gouvernement, qu’il vient de présenter.

À prime abord, que du bon : Une équipe jeune (9 ministres sur 18 ont moins de 50 ans, 4, y compris Renzi, moins de 40) et mixte (parité parfaite hommes-femmes, avec des ministères importants tels que la santé, la défense et l’instruction en mains féminines) réunissant des partis capables de former une coalition gouvernementale stable.

Pourtant, quand on y regarde de plus près, c’est l’étonnement, voire la consternation qui prennent le relais. À part quelques ministres expérimentés, la nouvelle équipe est composée de novices – ce qui est normal me direz-vous s’il s’agit de « jeunes » – n’ayant souvent pas de compétences spécifiques dans leur nouveau domaine d’activités.

Le cas du nouveau ministre de l’environnement est à cet égard frappant : Gian Luca Galletti, 52 ans, membre du parti centriste (et presque disparu du panorama politique aux dernières élections) UDC (rien à voir avec nos agrairiens, je vous rassure). Un diplôme en économie d’entreprise, un passé de conseiller communal à Bologne et quelques années au parlement national sans siéger dans aucune commission touchant de près ou de loin à l’écologie. Aucune compétence particulière en matière d’environnement, aucun intérêt démontré pour ces thématiques (sur la soixantaine d’objets parlementaires qu’il a signés ou co-signés depuis 2008, un seul a trait à l’environnement).

C’est un exemple, il y en a malheureusement bien d’autres.

Qu’on se comprenne bien : je ne suis pas favorable à un gouvernement de technocrates experts en leur domaine d’activité. Il y a cependant des limites, et un minimum d’intérêt et de connaissances sur son nouveau domaine d’activités semblent un pré-requis indispensable pour la mise en place de politiques ambitieuses et efficaces.

Si l’on ajoute à cela la manière fort peu cavalière dont nombre d’anciens ministres ont été congédiés (plusieurs, dont la très populaire ministre des affaires étrangères Emma Bonino, ont appris leur révocation en lisant le journal, personne n’ayant daigné les prévenir) et les animosités que cela a créé à gauche comme à droite, ainsi que l’opposition féroce des partis hors coalition auquel sera confronté le nouveau gouvernement, on peut se demander qu’elle sera sa durée de vie…

Les défis à relever pour Renzi et son équipe sont nombreux. Il y a la révision du système électoral, demandée par tous les partis, mais avec des exigences diamétralement opposées. Il y a la réforme du marché du travail, avec comme but principal de réduire le chômage, notamment chez les jeunes. Il y a également le chantier de la refonte du système d’imposition et de la lutte contre l’évasion fiscale.

Ces défis sont les mêmes que ceux qu’Enrico Letta avait promis de relever avec succès en avril 2013. 10 mois plus tard, le voilà démis de ses fonctions avec un bilan pour le moins maigre… Matteo Renzi saura-t-il réussir là où son prédécesseur a échoué ? Rien n’est moins sûr.

Ce que l’on sait, c’est que Silvio Berlusconi a dit se préparer à un vote dans une année. Et s’il est une chose que l’on ne peut lui reprocher, c’est de manquer de flair politique…