Dans un récent article paru sur son blog (que vous pouvez lire ici ) M. Olivier Meuwly fait le procès du développement durable, qu’il définit comme étant une idéologie issue des milieux écologistes extrémistes (sic.), pour qui “(…)l’économie et la vie sociale doivent être repensées au profit d’une impérative domination des exigences de l’environnement. ”
S’ensuivent de nombreux reproches faits à cette prétendue idéologie (qu’il me soit ici permis de remettre en question cette qualification), notamment quant à la manière d’appréhender l’histoire et son étude.
La lecture de cet article m’a laissé pour le moins perplexe, et j’aimerais ici contester assez fermement certaines affirmations de M. Meuwly.
Il est tout d’abord faux de définir le développement durable comme étant issu de milieux écologistes extrémistes. Ce terme est d’ailleurs constamment critiqué et remis en question par les tenants de la décroissance, pour qui il ne va justement pas assez loin vu qu’il conçoit une continuité du développement économique. Pour les décroissants ce dernier est impossible à terme, vu que nous puisons déjà de manière irréversible dans les ressources naturelles .
Le développement durable n’est donc pas une idéologie extrémiste. Il s’agit d’un concept certes extrêmement utile et précieux, mais fruit de compromis et d’édulcorations visant à le rendre acceptable par le plus grand nombre. C’est un peu au final comme si on accusait Tony Blair ou Matteo Renzi d’être d’affreux marxistes assoiffés de sang bourgeois…
Mais ce n’est pas tant là que le développement de M. Meuwly me semble pécher.
Le fait que, pour reprendre la citation ci-dessus ” économie et la vie sociale doivent être repensées au profit d’une impérative domination des exigences de l’environnement. ” semble pour son auteur quelque chose de mauvais, cette fameuse “dictature de la Nature” évoquée par les opposants à l’écologie.
M. Meuwly oublie par là que s’il est possible d’imaginer (je dis bien d’imaginer, et non de souhaiter !) un environnement privé d’économie ou de société (c’était le cas jusqu’à il y a quelques dizaines de milliers d’années), il est plus difficile d’envisager une économie ou une société hors d’un milieu naturel. La sauvegarde et le préservation de ce dernier sont donc le gage de la survie à terme des deux autres composantes.
C’est donc bien pour garantir la continuité sur le long terme de nos systèmes économiques et sociaux, ou plutôt de versions modifiées de ceux-ci, qu’est conçu le paradigme du développement durable.
Cela m’amène à la troisième critique au texte de M. Meuwly, pour qui le développement durable sort l’évolution historique de toute optique de progrès. Le futur se verrait ainsi, je cite ” (…)débarrassé de toute ambition progressiste et saisi comme la reproduction d’un « maintenant » protégé des altérations de la modernité.”
Si l’on définit l’ambition progressiste comme une augmentation continue des émissions de CO2 et d’autres substances polluantes, il se peut en effet que M. Meuwly ait raison. Si au contraire on détache la notion de progrès de celle de croissance économique basée sur une consommation accrue de ressources, on peut douter de la véracité de ses dires. Le développement durable est même l’idéologie progressiste par excellence, puisqu’elle vise à corriger les failles des modèles économiques marxiste et libéral en proposant un modèle susceptible de durer.
Ne tirons donc pas sur le développement durable, mais continuons au contraire à œuvrer dans son sens, et cela à tous les échelons politiques, économiques et administratifs. Et si vraiment l’envie nous prend de le critiquer, tapons plutôt sur son manque d’ambition et ses compromis parfois discutables quant à la protection de l’environnement. Si nous souhaitons pouvoir mener ce débat sur le long terme, c’est la seule voie que nous puissions suivre.
Merci Signore Mocchi 🙂
Sacré gaillard, ce Meuwly! Cet observateur avisé de la politique vaudoise souffre du même mal que tous ses congénères: il ne fait qu’observer!
Mais chez lui, c’est cliniquement plus grave: il doit encore colorier les images qu’il observe. Ici, l’image du “développement durable” est passée au Marker vert. Il aurait pu choisir le rose. Car le concept de développement durable a été précisé en 1985 par la Commission des Nations Unies présidée par la travailliste norvégienne Gro Harlem Brundtland dans le rapport qui porte son nom (voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_Brundtland).
Avec le recul de près de 25 ans, il aurait surtout pu constater que le concept de développement durable fait aujourd’hui l’objet d’un consensus mondial adopté lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, entre des gouvernements dont il serait ridicule de soutenir qu’ils étaient noyautés par les écolos!
Depuis lors, le Conseil fédéral – très majoritairement de droite et où les écologistes n’ont pas voix au chapitre – a adopté une stratégie de développement durable. Et le Gouvernement vaudois, alors présidé par Pascal Broulis (auquel Olivier Meuwly me semble être très redevable…), a placé le développement durable au coeur de son programme de législature.
Bon, M. Meuwly est un historien au sens ancestral du terme, qui semble incapable de lire les événements et percevoir l’évolution des courants de pensée s’ils ne remontant pas à plus de 50 ans. Avant sa naissance…